Source : La Tribunehttps://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/des-navires-qui-recuperent-et-stockent-la-force-du-vent-farwind-energy-et-loiretech-s-unissent-dans-l-energie-renouvelable-917730.html
Des navires qui récupèrent et stockent la force du vent : Farwind Energy et Loiretech s'unissent dans l'énergie renouvelable
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L'union a été officiellement scellée le 4 mai dernier au salon international dédié aux matériaux composites, JEC World, à Paris. La startup Farwind Energy et le groupe Loiretech, spécialiste des pièces de grandes dimensions pour les secteurs de l'aéronautique et du spatial, ont affirmé leur intention d'associer leur savoir-faire et leurs moyens en vue de développer une filière de production de rotors Flettner de cinquante mètres de haut dans la région nantaise.
Le rotor Flettner est un cylindre rotatif qui utilise l'effet Magnus lorsque le vent s'écoule de part et d'autre du cylindre. La différence de vitesse se traduit par une différence de pression, créant une force perpendiculaire à la direction du vent, un effet similaire à celui d'une voile traditionnelle. Imaginée par l'ingénieur finlandais Sigurd Savonius, la pertinence du rotor a été démontré par Anton Flettner lors d'une traversée de l'Atlantique en 1926.
Ces rotors sont l'une des quatre briques technologiques (coque, hydro générateurs et convertisseurs d'énergies) du projet de Farwind Energy qui vise à développer une solution de récupération d'énergie éolienne en haute mer, à partir de flottes de 5 à 10 navires de 80 mètres de long, armés de quatre Rotors Flettner. D'une puissance de deux mégawatts, chaque navire pourra produire et stocker, selon les besoins, de l'électricité, de l'hydrogène et du méthanol, délivrables en des lieux difficiles d'accès comme des ports, des îles ports... « Or, aujourd'hui peu ou pas d'acteurs sont capables de réaliser des rotors de cinquante mètres et cinq à sept mètres de diamètre », observe Arnaud Poitou, ex-directeur de l'Ecole Centrale de Nantes et co-fondateur de Farwind Energy, qui a lancé au cours de l'été 2021 l'étude de conception, de fabrication et d'industrialisation « Farmotion » avec le concours de l'Ecole Centrale de Nantes et le groupe Loiretech.
Un premier investissement d'un million d'euros soutenu par la région des Pays de la Loire à hauteur de près de 600.000 euros. « La perspective de l'émergence d'une filière de fabrication de rotors pourrait amener la création de 300 à 500 emplois sur le territoire à l'horizon 2030 », assure Arnaud Poitou.
Pour Loiretech, fournisseur de moules et d'outillages pour la fabrication de pièces en composite qui a amorcé une diversification vers le médical et les énergies nouvelles dans le cadre du Plan Aéro de France Relance pour atténuer les turbulences de l'aéronautique, c'est une nouvelle porte qui s'ouvre. Au gré de la crise, Loiretech a vu son chiffre d'affaires fondre de 15 à 9 millions d'euros et se résoudre à alléger ses effectifs de 140 à 100 équivalents temps plein
«En 2022, ça repart. Nous devrions réaliser un chiffre d'affaires de 13 millions en fin d'année et remonter à 15 millions... grâce à nos diversifications dans le médical, sur le stockage de l'hydrogène et si l'on résout les problèmes d'approvisionnement matières l'impact des produits fabriqués en Chine et en Russie et les problèmes de recrutement. C'est pourquoi nous avons répondu à l'appel à projet de plan Aéro et que nous nous impliquons dans le projet Farmotion », justifie Marc Moret, PDG du groupe Loiretech, dont la filiale canadienne (détenue à 50%), initialement positionnée sur l'aéronautique a été entièrement reconvertie vers la fabrication des pièces moulées pour les véhicules électriques de la société québécoise Lion, fournisseur d'Amazon et la production de coques et ponts des motos neige et motos marines (jet ski) de la société Taïga Motors.
En France, à Bouguenais (44), où les deux acteurs du projet devraient prochainement se réunir dans un structure juridique spécifique, c'est dans l'usine 4.0 construite en 2018 sur 8000 m² par Loiretech que devrait démarrer la fabrication des premiers prototypes de rotors Flettner à l'horizon 2023. Techniquement, la technologie connue depuis près d'un siècle ne devrait pas « poser de problème particulier » pour le spécialiste de l'aéronautique habitué à concevoir et gérer des pièces de grandes dimensions.
Imaginée par l'ingénieur finlandais Sigurd Savonius, la technologie a démontré sa pertinence lors d'une traversée de l'Atlantique par Anton Flettner, en 1926. Popularisés par le commandant Cousteau pour avoir armé son navire expérimental l'Alcyone, ces rotors, utilisés pour optimiser les rendements énergétiques des navires et réduire leur consommation d'énergie fossile sont développés par plusieurs entreprises dont le finlandais Norsepower qui produit une gamme de 18 à 35 mètres.
Avec le projet de Farwind, les dimensions des rotors imposent de revoir l'architecture et les principes constructifs pour les adapter au matériau. Selon le dirigeant de Farwind Energy, il s'agira, dans un premier temps, d'être en capacité de produire quarante rotors pour équiper une flotte de dix navires. Et dans un deuxième temps de doubler cette production pour équiper le marché de l'assistance de propulsion des navires de commerce entre 2025 et 2030. « Ça induira forcément des investissements et des co-investissements », reconnait Marc Moret, « et pourquoi pas la construction d'une usine voisine si le marché décolle ». Les études de design, les modalités de l'industrialisation et le chiffrage financier sont en cours. Farwind Energy aimerait lancer la production en série en 2024-2025.
Passée de trois à dix-sept personnes en deux ans, la startup travaille sur ses quatre briques en même temps. Au-delà de la technique, l'enjeu est de trouver des investisseurs qui croient au projet et financent la construction de navires estimés à 20 millions d'euros, l'unité.
« C'est une ambition énorme, reconnait confiant Arnaud Poitou, car les navires ont vocation à naviguer en flotte de cinq ou dix unités. Notre objectif est de produire dix navires et quarante rotors par an à l'horizon 2030. Le concept veut que nous sommes condamnés à faire et réussir quelque chose de gros.»
Le modèle économique repose sur la multiplication de sociétés de projets réunissant des investisseurs. Les unes pour financer la fabrication des navires , les autres pour les exploiter. « L'objectif est d'avoir un premier navire pour fin 2024 début 2025 », indique Arnaud Poitou, sur le point d'établir le cahier des charges des navires. Les premières consultations de chantiers pourraient être lancées à l'automne prochain. Avec un souhait, que ce soit un chantier français.