Source : Le Monde

https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/06/14/edf-relativise-l-incident-survenu-a-la-centrale-nucleaire-de-taishan-en-chine_6084133_3234.html

EDF relativise l’incident survenu à la centrale nucléaire de Taishan en Chine

L’événement n’est pas inscrit sur l’échelle internationale INES classant incidents et accidents nucléaires selon leurs risques radiologiques. Il est sans doute plus complexe en termes politiques qu’industriels ou environnementaux.

Par et

Publié hier à 20h21, mis à jour hier à 23h25

Les experts d’EDF ont apporté, lundi 14 juin, des précisions techniques sur l’incident intervenu sur le réacteur EPR n° 1 de la centrale de Taishan, dans le sud-ouest de la Chine.

Quelques heures plus tôt, la chaîne de télévision américaine CNN signalait que les autorités américaines avaient été prévenues de ce dysfonctionnement, le 8 juin, par Framatome, filiale d’EDF et concepteur de ce réacteur de troisième génération, dont deux exemplaires sont en exploitation sur le site chinois depuis 2019.

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« On n’est pas sur une dynamique d’un accident avec fonte du cœur », a indiqué un porte-parole du groupe français, relativisant ainsi la gravité du problème. Même si l’exploitant a dû « réaliser des rejets atmosphériques » de gaz rares « dans le respect des limites réglementaires définies par l’autorité de sûreté chinoise », ajoute-t-il.

Ce sont des gaines d’assemblages de combustible qui sont à l’origine de l’échappée de xénon et de krypton dans le circuit primaire d’eau sous pression du bâtiment réacteur au moment de la fission, a-t-il encore précisé.

Le problème d’étanchéité était apparu en octobre 2020, quand le réacteur de Taishan 1 a redémarré après un rechargement du combustible, des pastilles d’uranium enchâssées dans les gaines de zirconium. EDF indique qu’à ce stade – et sur la base des informations transmises par ses partenaires chinois –, « il est prématuré de dire s’il faudra arrêter le réacteur pour régler le problème identifié ».

« Défaut de fabrication »

Un tel incident s’est déjà produit en France. « Selon les règles d’exploitation, au-delà d’un certain seuil de concentration de ces gaz rares, le réacteur doit être arrêté, rappelle Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Nous n’avons pas d’information concernant ce seuil, et s’il a été atteint ou pas. Quand ce type d’événement était arrivé en France, EDF n’avait pas atteint le seuil fixé par les règles d’exploitation et avait pu attendre la fin du cycle pour enlever les crayons défectueux. »

Comment expliquer un tel incident ? « Il peut être dû à un défaut de fabrication des gaines ou à des corps migrants (des vis qui bougent…), répond Mme Herviou. Les assemblages de combustible sont fabriqués par Framatome dans son usine de Romans-sur-Isère (Drôme). « Evidemment, comme le réacteur n° 1 de Taishan est une tête de série [c’est même le premier EPR mis en service dans le monde], nous allons suivre cela de très près », prévient-elle. Le retour d’expérience devra notamment profiter à l’EPR de Flamanville (Manche), dont le raccordement au réseau est désormais prévu en 2023.

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Depuis plusieurs mois, l’exploitant du réacteur analysait les paramètres physico-chimiques. Mais ce n’est que samedi 12 juin qu’EDF a été informé d’une réelle dégradation de la situation. Le groupe est, en effet, actionnaire à 30 %, avec son partenaire historique CGN, China General Nuclear Power Group (70 %), de la coentreprise TNPJVC. C’est elle – et non EDF – qui exploite Taishan, une centrale de 3 300 mégawatts alimentant cinq millions de personnes dans la région très dense du delta de la Rivière des perles (Shenzhen-Hongkong-Canton).

Ne pas froisser les autorités chinoises

La direction d’EDF a aussitôt demandé la convocation d’un conseil d’administration extraordinaire de TNPJVC pour mettre tous les éléments connus sur la table et prendre les décisions qui s’imposent. Lundi 14 juin dans l’après-midi, elle attendait encore la réponse des partenaires chinois. Mais à Paris, le gouvernement et la filière nucléaire font tout pour ne pas froisser la susceptibilité exacerbée des autorités chinoises, imperméables à toute mise en cause publique.

Ces partenaires chinois refusent, par exemple, de répondre à la question d’un relèvement possible par l’autorité de sûreté nucléaire locale des seuils réglementaires de rejet des gaz rares dans l’atmosphère (après suppression de l’essentiel de la radioactivité). Une mesure envisageable pour maintenir la centrale en activité, alors que la consommation d’électricité dépasse la production dans certaines régions de Chine. « Seul l’exploitant peut le dire », indique-t-on chez EDF. CGN affirme que « les données de surveillance régulière montrent que la centrale et son environnement immédiat présentent des paramètres normaux ».

Un ancien dirigeant d’EDF, grand connaisseur de la Chine, est formel : jamais l’autorité de sûreté n’aurait caché des rejets radioactifs. Quant à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), elle s’est voulue rassurante : « A ce stade, a-t-elle précisé lundi, nous n’avons aucune indication qu’un incident radiologique se soit produit ». L’événement n’est même pas inscrit sur l’échelle internationale INES, qui classe incidents et accidents nucléaires selon leurs risques radiologiques sur une échelle de 1 à 7 (Tchernobyl).

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Il est sans doute plus complexe en termes politiques qu’industriels ou environnementaux. Ainsi, on ignore pourquoi c’est la filiale américaine de Framatome qui a alerté le département de l’énergie (DoE) à Washington, et ce que vient faire l’administration Biden dans cette affaire. Si ce n’est que CGN, géant du secteur nucléaire chinois avec CNNC, a été placé par les Etats-Unis, en août 2019, sur la liste noire des groupes avec lesquels les sociétés américaines n’ont plus le droit de travailler. Ce qui n’est pas le cas pour la France : CGN est partenaire d’EDF depuis quarante ans et finance un tiers des deux EPR d’Hinkley Point au Royaume-Uni.

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