Source : Le Monde (31/1/2022)
https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/31/energies-renouvelables-la-france-seul-pays-de-l-union-europeenne-a-avoir-manque-ses-objectifs_6111689_3234.html
Bois, hydraulique, éolien et solaire ont représenté 19,1 % de la consommation finale brute énergétique de l’Hexagone. Bien au-dessous des 23 % qu’ils auraient dû atteindre.
Le comparatif relègue la France au rang des mauvais élèves. Le pays est le seul, parmi les vingt-sept membres de l’Union européenne (UE), à avoir manqué son objectif pour 2020. Les énergies renouvelables ont représenté 19,1 % de sa consommation finale brute énergétique. Bien au-dessous des 23 % qu’elles auraient dû atteindre, selon une directive européenne de 2009. Bois, hydraulique, mais aussi éolien et solaire : autant de ressources nécessaires à une sortie des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon), et donc à la lutte contre le dérèglement climatique.
A l’inverse, une majorité de pays, la Suède, la Croatie et la Bulgarie notamment, ont dépassé de plusieurs points leurs objectifs, calculés à partir de caractéristiques hétéroclites. D’autres les ont tout juste atteints, grâce à un mécanisme autorisé. La Belgique, les Pays-Bas et la Slovénie ont eu recours à un transfert de données statistiques en provenance d’un Etat excédentaire. Au cumul, l’UE affiche un résultat provisoire de 22 %. Soit deux points de plus que le minimum espéré, selon les données préliminaires d’Eurostat, son office de statistiques, le 19 janvier.
Les règlements du Conseil de l’Union européenne – dont la France vient de prendre la présidence – prévoient des « mesures supplémentaires », lorsqu’un Etat échoue à atteindre sa « part de référence ». Entre autres, l’adoption de nouvelles « mesures nationales » ou le versement d’« une contribution financière volontaire » en faveur de la transition énergétique.
Le pays accuse du retard pour sa production de chaleur, à 23 % d’origine renouvelable (bois et déchets), ainsi que pour celle d’électricité (25 %), où l’hydraulique dépasse encore l’éolien et le solaire réunis. En revanche, à un point près, la part de 9 % dans les carburants pour les transports (biodiesel) se rapproche des prévisions. Les marges paraissent encore considérables, au regard des objectifs pour 2030, fixés, cette fois, dans le cadre de la législation française : respectivement 40 %, 38 % et 15 %.
Contacté, le ministère de la transition écologique revendique un « rattrapage » déjà à l’œuvre, l’écart s’étant d’abord creusé au cours du précédent quinquennat. Il rappelle que « la puissance publique investit des milliards d’euros par an dans le secteur des énergies renouvelables, principalement pour des tarifs d’achat garantis ».
Dans un rapport publié en 2018, la Cour des comptes regrettait cependant un « net déséquilibre » : l’essentiel de ces subventions se sont jusqu’ici concentrées dans le secteur électrique, notamment pour diminuer l’usage du nucléaire, plutôt que dans le thermique. Or, si le nucléaire a l’inconvénient de ses déchets, cette énergie non renouvelable a un avantage considérable dans la lutte contre le réchauffement : elle permet déjà à la France de détenir une électricité très largement bas carbone.
Le bois (pour la chaleur) et l’hydraulique (pour l’électricité) constituent aujourd’hui encore le gros des énergies renouvelables. Mais l’attention de la société, voire les tensions, se porte surtout sur les éoliennes. Leurs détracteurs les accusent de gâcher le paysage, d’occuper trop d’espace. « Davantage que des enjeux de maturité économique ou technologique, les énergies renouvelables posent une question d’acceptabilité, dans un pays qui n’a pas fait de révolution énergétique depuis longtemps », estime l’entourage de la ministre Barbara Pompili.
A l’automne 2021, le ministère présentait dix mesures pour un développement maîtrisé et responsable de l’éolien, dont un bridage sonore en cas de dépassement des seuils autorisés. Puis dix mesures consacrées au photovoltaïque, dont la possibilité d’installer des panneaux solaires sur des toits sans passer par un appel d’offres, pour tout projet inférieur à 500 kilowatts-crête, unité de mesure pour l’exposition à un rayonnement solaire maximal. « En deux mois, 8 800 demandes ont été déposées », indiquait Mme Pompili sur Twitter, en décembre.
Cependant, En France, le déploiement de nouvelles capacités de production se heurte encore à deux principaux obstacles : « les procédures d’octroi de permis » et « le manque de foncier disponible », selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, fin 2021. « Les processus d’instruction des projets restent très longs et ne sont pas conduits de la même manière d’une région à l’autre », indique Alexandre Roesch, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER), organisation patronale.
Celui-ci espère « un renforcement des moyens humains dans les services de l’Etat, dans les préfectures, dans les agences chargées de piloter des politiques publiques ». « Les services instructeurs sont un peu débordés : lorsqu’il y a une pile de dossiers énormes, certains projets peuvent vite subir des refus, sans qu’il y ait eu réellement le temps de les accompagner pour les améliorer. »
D’autres obstacles demeurent. « Notamment des contraintes aéronautiques » pour l’éolien, précise Frédéric Tuillé, responsable des études pour l’association Observ’ER, observatoire des énergies renouvelables. « La filière négocie avec le ministère des armées pour desserrer ces contraintes et voir de quelle façon cohabiter. » Depuis 2021, tout projet de construction nécessite une approbation spéciale lorsqu’il se situe à moins de 70 km de radars militaires, contre 30 km auparavant. Quant aux éoliennes en mer, le premier parc français, au large de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) attend toujours sa mise en service pour 2022. Onze ans après le lancement de l’appel d’offres initial.