Source : Les Echos

https://www.lesechos.fr/monde/europe/taxonomie-berlin-va-obtenir-des-concessions-sur-le-gaz-1383789

Taxonomie : Berlin va obtenir des concessions sur le gaz

La Commission européenne doit adopter ce mercredi le règlement sur la classification verte des énergies. Berlin obtient des concessions sur le gaz. Le nucléaire sera bien inclus avec les garde-fous prévus.

La centrale nucléaire de Civaux tourne à plein régime pour faire face à la hausse de la demande d'électricité pendant l'hiver.
La centrale nucléaire de Civaux tourne à plein régime pour faire face à la hausse de la demande d'électricité pendant l'hiver. (Buthaud G/ANDBZ/ABACA)

Par Derek Perrotte

Mis à jour le 1 févr. 2022 à 18:16

L'issue du long feuilleton de la « taxonomie » approche. Ce mercredi à Bruxelles, le collège des commissaires européens doit adopter, dans la matinée, son très attendu « acte délégué » venant sceller le sort du gaz et du nucléaire dans cette future classification européenne des investissements durables. Paris et Berlin , à la manoeuvre dans ce dossier où leurs intérêts et leurs vues divergent, sont aux aguets, tandis que les ONG préparent déjà les banderoles outrées.

Après des mois d'intenses débats, l'exécutif européen, lui aussi divisé, peine à finaliser l'atterrissage. La traditionnelle réunion des chefs de cabinet, lundi, s'est déroulée dans un climat tendu. Le commissaire autrichien, Johannes Hahn, reste vent debout contre l'inclusion de ces deux énergies.

Menaces du Luxembourg et de l'Autriche

Ces tensions font écho aux divergences déjà affichées par les ministres de l'Ecologie et de l'Energie des Vingt-Sept une semaine avant, en conseil informel à Amiens. Le Luxembourg et l'Autriche y ont menacé d'attaquer le texte en justice s'il inclut le gaz et le nucléaire. Signe des difficultés, une nouvelle réunion entre hauts gradés de la Commission s'est tenue mardi midi. Sauf ultime surprise, elle a permis de stabiliser le texte qui sera dévoilé mercredi.

L'inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie , dans une sous-catégorie dédiée d'énergies « de transition », comme proposé par la Commission dans son avant-projet envoyé aux Etats le 31 décembre, sera bien confirmée ce mercredi. Cette solution de compromis a le soutien d'une large majorité d'Etats et ne devrait pas soulever d'opposition majoritaire au Parlement européen. Mais la bataille a fait rage sur les nombreux garde-fous que veut poser l'exécutif européen.

Gagner du temps

Et en dépit des critiques, l'Allemagne et les pays du Sud devraient voir leur pression payer sur le gaz. Dans un projet de texte diffusé dimanche en interne à la Commission, qui prévoit une entrée en vigueur le 1er janvier 2023 et dont « Les Echos » ont eu copie, ils obtiennent gain de cause sur un point qui était cher aux industriels allemands : gagner du temps avant de devoir remplacer le gaz naturel par du gaz renouvelable ou de l'hydrogène, une des conditions posées à l'intégration dans la taxonomie.

Dans le nouveau texte, la contrainte est toujours d'avoir complété la transition en 2035, mais les objectifs intermédiaires initialement prévus dès 2026 (au moins 30 % de gaz renouvelable ou peu carboné), puis pour 2030 (au moins 55 %), ont disparu.

Dit autrement, Berlin et l'industrie du gaz verraient s'éloigner les contraintes et concessions les plus immédiates. Les autres points saillants de l'avant-projet pour encadrer le gaz seront toutefois bien maintenus : les nouvelles centrales à gaz devront obtenir leur permis de construire avant 2030, ne pas émettre plus de 270 g de CO2/kWh et venir remplacer des infrastructures existantes plus polluantes (charbon).

Permis de construire

Les critères imposés au secteur nucléaire pour être éligible ne devraient, eux, pas évoluer. Au contraire, « certains trouvent qu'on a trop cédé à la France », confie un cadre du Berlaymont, le siège de la Commission. « L'équilibre de la terreur entre la France et l'Allemagne se déplace en faveur du gaz », constate un autre proche du dossier.

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Début janvier, la France avait salué l'avant-projet de la Commission, célébré comme une victoire politique par l'Elysée et Bercy. C'en était bien une, tant, « il y a deux ans, nucléaire était un gros mot à Bruxelles », rappelle un eurodéputé français. Mais dans le détail, l'industrie nucléaire jugeait les garde-fous excessifs et appelait elle aussi à plus de souplesse. Elle devrait rester sur sa faim.

Trop flou

Pour être éligibles, les projets devront toujours avoir obtenu un permis de construire avant 2040 pour les modifications d'installations, et avant 2045 pour les nouveaux réacteurs. « Les dates sont trop proches » et « entraveront la prolongation de la durée de vie des réacteurs actuels, pourtant indispensable pour faire face au doublement des besoins en électricité liés à la décarbonation », ont alerté Bernard Accoyer, président de l'association Patrimoine nucléaire et climat, et Louis Gallois, coprésident de La Fabrique de l'industrie, dans une tribune aux « Echos » le 11 janvier.

L'exigence de recourir à partir de 2025 à des combustibles de type ATF (« accident tolerant fuel ») est aussi dénoncée par la Société française de l'énergie nucléaire (Sfen), qui trouve la notion trop floue juridiquement et rappelle que de tels combustibles sont à peine naissants. Les pronucléaires voudraient, à l'instar des progaz, voir eux aussi sauter cette contrainte à court terme. Ils ne vont, selon nos informations, obtenir sur ce point qu'un petit geste, avec une potentielle rediscussion en 2025 si la technologie idoine n'est alors pas prête.


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