Source : L'Echo

https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/deux-reacteurs-sont-prolonges-le-debat-sur-le-nucleaire-commence/10540842.html

Deux réacteurs sont prolongés, le débat sur le nucléaire commence

 

Le vote par le Parlement de la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 ne met pas fin au débat sur le nucléaire, loin de là. ©BELGA
 

Le vote de la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 ne met pas fin au débat. Le nucléaire fera immanquablement partie des négociations pour le prochain gouvernement.

Ce jeudi 18 avril, le Parlement s’apprêtait à voter, sans doute tard dans la soirée, le paquet de lois lié à la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 pour 10 ans. Des lois qui transposent l’accord passé par le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) et la ministre de l'Énergie Tinne Van der Straeten (Groen) avec Engie et Electrabel, au terme de longues et difficiles négociations. C’est une co-entreprise entre le groupe privé et l’État qui sera propriétaire des deux réacteurs prolongés. L’État financera la moitié des investissements nécessaires, et garantit à Electrabel la rentabilité de cette prolongation. L’État va aussi désormais assurer le risque financier lié à la gestion des déchets nucléaires, une fois le versement de 15 milliards d'euros de provisions nucléaires effectué par Electrabel.

 

Le Parlement ne modifie pas la logique de la sortie du nucléaire: il permet juste à Doel 4 et Tihange 3 de produire durant 10 années supplémentaires.

Depuis 2003 et la loi de sortie du nucléaire, votée à reculons par une partie de la majorité de l’époque, cinq des sept réacteurs belges auront ainsi bénéficié d’un sursis – seuls Doel 3 et Tihange 2, dont les cuves sont affectées par des défauts dus à l’hydrogène, ont été arrêtés aux dates prévues à l’époque.

 

Quid de l'après 2035?

Cette fois encore, le Parlement ne modifie pas la logique de la sortie du nucléaire : il ajoute juste un paragraphe qui permet à l’exploitant de Doel 4 et Tihange 3 de produire de l’électricité durant dix années supplémentaires. De 2025 à 2035, donc, si tout va bien. Mais il n’y a pas de vision claire et de scénario bien établi sur comment la Belgique va assurer sa production d’électricité ensuite.

Même s’il est théoriquement possible, mais compliqué, de tabler sur une production 100% renouvelable, le débat sur le nucléaire va donc, immanquablement, revenir sur la table. En effet, de tous les partis, seuls Ecolo et Groen, contraints d’accepter de prolonger deux réacteurs suite à la crise en Ukraine et à l’indisponibilité d’une grande partie du parc nucléaire français, restent clairement opposés au nucléaire.

Le reste de la gauche ne refuse pas le débat: le PTB-PVDA n’exclut pas qu’il faudra encore compter un temps avec l’atome, ce qu’il veut toutefois faire sans Engie, en nationalisant les centrales. Vooruit veut d’abord évaluer quelle est la meilleure technologie pour réaliser la transition énergétique. Et le PS envisage une prolongation de Doel 4 et Tihange 3 au-delà des 10 ans convenus, et n’exclut pas la construction de nouveaux réacteurs à terme.

 

Les plus enthousiastes pour le nucléaire sont la N-VA et le MR.

Les autres partis sont résolument en faveur du nucléaire, les plus enthousiastes étant la N-VA, qui évoque une durée de vie de plus de 80 ans pour les réacteurs existants, et le MR, qui demande que le prochain gouvernement s’accorde sur la construction de pas moins de 8 GW de nouveau nucléaire – l’équivalent de 8 réacteurs actuels – auxquels il veut ajouter une flotte de SMR, des petits réacteurs modulaires, en 2045.

 

Des négociations post-élections

La construction de nouveaux réacteurs fera donc à coup sûr partie des négociations pour la formation du prochain gouvernement. La discussion ne s’annonce toutefois pas facile: il n’est pas du tout sûr qu’Engie veuille se lancer dans l’aventure. Et l’ampleur des dépassements de budgets et de délais que connaissent les réacteurs en construction en Europe a de quoi décourager plus d’un investisseur. Comme il faut plus de dix ans pour construire une nouvelle centrale nucléaire, la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 pour 20 ans, qui figure dans les programmes d’une majorité de partis, a de grandes chances de faire partie du prochain accord de gouvernement

 

Avant les vacances de Pâques flamandes, les partis de la majorité ont convenu avec le gouvernement de ne pas s'aventurer dans des majorités de rechange.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas avoir discuté du sujet plus tôt au sein du gouvernement De Croo? Par loyauté vis-à-vis des verts, et par respect de l’accord de gouvernement, qui laissait la porte ouverte à la prolongation de deux réacteurs pour dix ans, mais pas davantage. Plusieurs partis avaient pourtant déposé des propositions de loi abrogeant la loi de sortie du nucléaire – elles ont même fini par être envoyées au Conseil d’État pour avis – et la députée MR Marie Christine Marghem n’a pas ménagé ses efforts pour entamer la discussion sur le sujet au Parlement. En vain.

Avant les vacances de Pâques flamandes, les chefs de groupe des partis de la majorité ont confirmé cela, convenant avec le gouvernement de ne pas s’aventurer dans des majorités de rechange. "Restons ensemble jusqu’au bout", a déclaré le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) au début d’une réunion de la majorité où l’agenda jusqu’à la dissolution du Parlement a été discuté. Le débat ne commencera donc qu’ensuite.  

Le résumé
  • Ce jeudi 18 avril, le Parlement s'apprêtait à voter, tard dans la soirée le paquet de lois lié à la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 pour 10 ans.
  • Ce qui se passera après 2035 reste un point d'interrogation.
  • Le débat sur le nucléaire va donc immanquablement revenir sur la table lors de la formation du prochain gouvernement.
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