Source : Challenges

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Arme nucléaire : pourquoi les oppositions torpillent les propos d’Emmanuel Macron

Par Challenges.fr

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Dans un entretien aux journaux du groupe Ebra, le président s’est dit prêt à ouvrir un débat sur une défense européenne qui pourrait comprendre l’arme nucléaire française. Des propos vivement critiqués par les oppositions, ce dimanche 28 avril.

La force de dissuasion nucléaire de la France réside notamment dans ses sous-marins, ici un classe Rubis à Toulon, le 15 avril 2024.
La force de dissuasion nucléaire de la France réside notamment dans ses sous-marins, ici un classe Rubis à Toulon, le 15 avril 2024.
Daniel Cole/AP/SIPA

Il n’aura fallu que deux mois pour qu’Emmanuel Macron y aille à nouveau de sa petite phrase. Après ses propos sur « l’envoi de troupes au sol » en Ukraine, qui avait vivement fait réagir fin février, c’est désormais ceux sur la dissuasion nucléaire qui font bondir ses opposants politiques. Au départ : un entretien accordé vendredi 26 avril à de jeunes Européens et publié le lendemain par les journaux régionaux du groupe Ebra. A cette occasion, le président français est revenu sur le thème récurrent et extrêmement sensible de la sécurité européenne.

« Je suis pour ouvrir ce débat qui doit inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible », a-t-il déclaré, ajoutant que la France garderait « sa spécificité mais est prête à contribuer davantage à la défense du sol européen ».

 

Des propos précisés mais loin d’être inédits

Le thème est récurrent, c’est peu de le dire car cet entretien s’est tenu au lendemain d’un discours fleuve d’Emmanuel Macron à la Sorbonne sur… l’Europe. Jeudi, le chef de l’Etat s’était toutefois montré plus pondéré dans ses propos. S’il avait dit vouloir créer une « Europe puissance », il avait émis l’idée d’une « initiative européenne de défense » qui inclura « peut-être » un bouclier antimissiles européen. Quant à la dissuasion nucléaire, elle « est en effet au cœur de la stratégie de défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen », avait-il ajouté, reprenant au passage des aspects d’un discours sur la dissuasion qu’il avait prononcé en février 2020.

Dans son entretien auprès d’Ebra, le président de la République a reprécisé ses propos. Cette initiative européenne de défense « peut signifier déployer des boucliers antimissiles, mais il faut être sûr qu’ils bloquent tous les missiles et dissuadent de l’utilisation du nucléaire », a-t-il ainsi déclaré. « Etre crédible, c’est avoir aussi des missiles de longue portée qui dissuaderaient les Russes. Et il y a l’arme nucléaire : la doctrine française est qu’on peut l’utiliser quand nos intérêts vitaux sont menacés. J’ai déjà dit qu’il y a une dimension européenne dans ces intérêts vitaux. »

 

« Un danger national »

Au fond, rien de vraiment nouveau. Pourtant, les critiques pleuvent ce dimanche. « Un chef de l’Etat français ne devrait pas dire ça », s’est notamment emporté François-Xavier Bellamy ce dimanche 28 avril, tête de liste Les Républicains (LR) aux élections européennes du 9 juin. « Cette expression est d’une gravité exceptionnelle, parce que là nous touchons au nerf même de la souveraineté française », a-t-il ajouté au « Grand Rendez-Vous Europe1/CNews/Les Echos ».

Dans un communiqué de son groupe parlementaire, LFI a également estimé qu’Emmanuel Macron « vient de porter un nouveau coup à la crédibilité de la dissuasion nucléaire française ». Celle-ci « ne se partage pas » et « sous couvert de défense du sol européen, Macron veut liquider l’autonomie stratégique française », a ainsi critiqué sur X le député LFI Bastien Lachaud, spécialiste des questions de défense. A l’extrême droite, l’eurodéputé RN Thierry Mariani a affirmé, également sur X, que « Macron est en train de devenir un danger national ». « Après l’arme nucléaire, suivra le siège permanent de la France au conseil de sécurité de l’ONU qui sera lui aussi bradé à l’Union Européenne », s’est-il insurgé.

 

La guerre en Ukraine et l’enjeu des Européennes

En toile de fond de cette levée de boucliers : la guerre en Ukraine, qui a rebattu les cartes depuis deux ans et déclenché des débats qu’on croyait enterrés. Parmi lesquels, celui sur la capacité de la France à se protéger en cas de conflit direct. Autre aspect, et non des moindres, depuis le Brexit et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la France est le seul de ses Etats membres à disposer de la dissuasion nucléaire. De quoi alimenter les craintes d’un affaiblissement de sa défense si elle venait à mettre l’arme nucléaire au pot commun européen. Le tout, à quelques mois des Européennes.

Car électoralement parlant, le sujet est porteur. Selon l’Eurobaromètre, un sondage commandé par le Parlement européen et publié le 17 avril, plus de 80 % des personnes interrogées (26 000 personnes dont 1 012 Français) estiment que la guerre en Ukraine mais aussi le conflit à Gaza rendent ce vote européen encore plus important. Et les Français sont 24 % à considérer la défense de l’Europe comme un sujet prioritaire de la campagne électorale (contre 31 % à l’échelle européenne).

Pour autant, pas sûr que les propos d’Emmanuel Macron, à la différence de ceux sur l’envoi de troupes en Ukraine, ne suscite l’indignation de nos voisins. Ils ont en tête le possible retour de Donald Trump à la Maison Blanche en novembre prochain. Et avec lui l’affaiblissement potentiel de l’Otan et de son parapluie nucléaire.

(avec AFP)


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