Source : Les Echos

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Nucléaire-Les enjeux de l'appel d'offres tchèque pour EDF

 
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Nucléaire-Les enjeux de lappel doffres tchèque pour EDF | Crédits photo : Getty Images (Getty Images)

Par Reuters

Publié le 30 avr. 2024 à 12:27

PARIS, 30 avril (Reuters) - EDF a annoncé mardi avoir remis à l'énergéticien public CEZ une offre actualisé en vue de bâtir jusqu'à quatre réacteurs nucléaires de type EPR1200 en République tchèque, un projet qui permettrait au groupe français de commencer à bâtir une flotte de nouvelles centrales à l'échelle européenne pour être plus efficace dans la gestion de ses chantiers.

 

POURQUOI LE PROJET TCHÈQUE EST-IL SI IMPORTANT POUR EDF ?

L'appel d'offres lancé par Prague, pour lequel une décision est attendue cette année, vise à remplacer un parc nucléaire vieillissant et à faire face à la hausse de la consommation tout en fermant les centrales au charbon. En cas de succès, il serait le premier projet de nouveaux réacteurs signé par EDF depuis Hinkley Point C (HPC), en Angleterre, en 2016.

Il constitue ainsi un test de confiance pour le groupe public français, confronté aux retards et à l'explosion des coûts de l'EPR de Flamanville (Manche) et des deux unités d'HPC, qui doit désormais convaincre ses clients potentiels de sa capacité à améliorer ses performances.

En France, Emmanuel Macron a annoncé la construction de six réacteurs de type EPR2, avec la possibilité d'en bâtir huit de plus. L'inscription du projet dans une loi de programmation et son financement n'ont cependant pas encore été décidés.

"Il est clair que tout le monde a les yeux rivés sur la décision de Prague", a déclaré Vakis Ramany, responsable du développement des nouveaux projets nucléaires à l'international d'EDF, avant la remise de l'offre actualisée.

 

COMMENT UN SUCCÈS À PRAGUE POURRAIT EN ENTRAÎNER D'AUTRES ?

La stratégie d'EDF repose sur une relance massive du nucléaire en Europe dans un contexte de décarbonation des économies et de recherche de souveraineté liée à la guerre en Ukraine.

Selon le groupe, le projet des pays européens formant une "alliance du nucléaire", France en tête, pourrait aboutir à 49 nouveaux réacteurs d'ici 2050, ce qui nécessiterait une chaîne d'approvisionnement à l'échelle du continent.

Pour faire mieux et moins cher, l'entreprise vise un rythme de livraisons d'un à deux réacteurs par an à partir de la décennie 2030, en Europe, qui n'a plus été atteint depuis les mises en service du parc français réalisées dans les années 1980 et 1990.

"C'est le rythme nécessaire pour que l'on continue d'améliorer de manière constante notre performance d'un projet à l'autre, de façon à ce que les synergies puissent être maximisées", a déclaré Vakis Ramany.

"Pour nous, il est très important d'avancer sur ce prospect (tchèque) et d'affirmer à quel point il va définir, d'une certaine façon, la suite de l'histoire du nouveau nucléaire en Europe", a-t-il ajouté.

 

QUI SONT LES AUTRES CANDIDATS ?

EDF se retrouve une nouvelle fois en concurrence avec Kepco - via sa filiale KNHP - 15 ans après un échec retentissant face au sud-coréen, qui avait profité d'une désorganisation du camp français pour remporter en 2009 la construction de quatre réacteurs de type APR1400 aux Emirats arabes unis.

L'EPR, y compris dans sa version simplifiée et moins puissante proposée en République tchèque, reste probablement plus cher que le réacteur de Kepco, selon les observateurs du secteur.

Selon Les Echos, le prix initial unitaire proposé par EDF pour un seul exemplaire oscillerait aux alentours des 10 milliards d'euros, mais des effets d'échelle et d'économies sont attendus sur son offre globale.

EDF, dont le projet prévoit deux réacteurs pour la centrale de Dukovany et deux autres pour celle de Temelin, n'a souhaité donner aucune indication sur le montant de son offre. Kepco n'a pas non plus fait de commentaires sur le coût de sa proposition.

L'enjeu pour le groupe français sera de fortement réduire la facture par rapport aux 13,2 milliards d'euros estimés pour l'EPR de Flamanville et aux 31 à 34 milliards de livres (36 à 40 milliards d'euros) prévus pour les deux réacteurs d'Hinkley Point.

 

QUELLES SONT LES CHANCES DE SUCCÈS D'EDF ?

Selon Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre Énergie et Climat de l'Institut français des relations internationales (Ifri), EDF "a de solides cartes à jouer" face aux Coréens, au regard de "la proximité stratégique entre la République tchèque et la France" et de sa proposition de faire largement participer l'industrie tchèque au projet.

L'un des principaux risques, ajoute-t-il, résidera dans la capacité d'EDF à faire certifier l'EPR1200, qu'il n'a jamais construit - en s'assurant que les autorités de sûreté n'exigeront pas des adaptations coûteuses de ce modèle.

"C'est une très bonne idée de simplifier, mais il ne faut pas croire que la certification sera beaucoup plus facile et accélérée. Cela reste un nouveau réacteur, donc il faut qu'il passe cette étape absolument cruciale, et que les autorités tchèques soient convaincues et aient pleinement confiance", souligne Marc-Antoine Eyl-Mazzega.

Des interrogations demeurent également, selon lui, sur la capacité de Prague à mener à son terme un projet qui constitue "un pari financier colossal", alors que les besoins futurs de nouvelles centrales du pays, de même que sa capacité à exporter de l'électricité vers l'Allemagne, sont difficiles à prédire.

- Reportage Benjamin Mallet, avec Joyce Lee à Séoul ; édité par Blandine Hénault -


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