Source : La Tribune

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Entre la France et la Chine, des relations commerciales au centre des crispations

Le président Chinois Xi Jinping devrait évoquer le sujet explosif des échanges commerciaux avec la France, lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron dimanche et lundi. Plusieurs entreprises françaises sont attendues ce lundi à Bercy pour un forum commercial avec les milieux d'affaires chinois. Mais derrière cette réception en grande pompe, les inquiétudes sont vives dans les milieux industriels français. La filière du Cognac et le secteur de l'automobile ont déjà exprimé leurs craintes.

Grégoire Normand
Le président Xi Jinping doit faire une visite d'Etat en France avant de s'envoler pour la Hongrie et la Serbie.
Le président Xi Jinping doit faire une visite d'Etat en France avant de s'envoler pour la Hongrie et la Serbie. (Crédits : Reuters)

Le président chinois Xi Jinping s'apprête à passer deux jours en France après une longue période d'isolement liée à la pandémie mondiale. Le chef de l'Etat Emmanuel Macron doit ainsi célébrer en grande pompe soixante années de relations diplomatiques avec son homologue chinois. « Les échanges porteront sur les crises internationales, au premier rang desquelles la guerre en Ukraine et la situation au Moyen-Orient, les questions commerciales, les coopérations scientifiques, culturelles et sportives », a fait savoir l'Elysée, dans un communiqué.

Au menu des discussions devraient également figurer « l'urgence climatique », « la protection de la biodiversité » et « la situation financière des pays les plus vulnérables ». La délégation chinoise sera d'abord reçue à Paris avant un passage dans les Pyrénées avec le couple présidentiel français. Derrière cette séquence diplomatique à venir, les sujets de crispations économiques ne devraient pas manquer. « Sur le volet économique, l'âge d'or des grands contrats dans les secteurs de l'aéronautique, du nucléaire civil ou de l'automobile est révolu. Désormais, il s'agit d'arracher, après des mois de négociation ardue, l'ouverture du marché chinois pour l'exportation de produits agricoles, notamment la viande et les produits laitiers », souligne, Marc Julienne, directeur du Centre Asie de l'Ifri dans une récente note. Au ministère des Finances, doit se tenir ce lundi un forum commercial organisé par l'agence Business France en présence du ministre du Commerce extérieur français Franck Riester et de plusieurs représentants des milieux d'affaires chinois.

 

Un déficit commercial vertigineux avec la Chine

Les échanges commerciaux entre la France et la Chine sont particulièrement déséquilibrés. Selon le bilan réalisé par les douanes en 2023, le déficit commercial de biens s'est établi à 40 milliards d'euros, pour une balance commerciale négative totale de 100 milliards d'euros. A titre de comparaison, ce déficit s'établissait à 5 milliards d'euros au début des années 2000 au moment de l'entrée de la Chine dans l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L'année dernière, l'Hexagone avait exporté pour 31 milliards d'euros de biens et importé pour 72 milliards d'euros.

La Chine est ainsi le premier déficit commercial de la France. Et, ce phénomène est loin d'être nouveau. Entre 2008 et 2020, la balance commerciale de la France est restée largement déficitaire à l'égard de la Chine selon un bilan des douanes. Ce déficit commercial « est ainsi depuis 2008 le déficit bilatéral le plus élevé de la France. Sa croissance, vigoureuse pendant la décennie 2000-2010, a ralenti nettement entre 2011 et 2019. Le dynamisme des importations deux fois supérieur à celui des exportations entre 2000 et 2019 explique cette croissance », souligne l'administration. La pandémie du début des années 2020 avait d'ailleurs mis en lumière l'extrême dépendance de la France à l'égard de la Chine pour se fournir en masques de protection ou en médicaments. A l'époque, les importations massives de masques avaient plongé le déficit commercial tricolore à un niveau abyssal.

 

Le Cognac et les voitures électriques au centre des crispations

Les spiritueux pourraient également être un sujet de vives tensions au cour de la visite du président chinois. La filière du cognac, qui se dit « otage » des tensions entre l'UE et Pékin, mise sur la rencontre entre Emmanuel Macron et Xi Jinping, lundi et mardi, pour obtenir la suspension d'une enquête antidumping la ciblant en Chine, son deuxième marché. Depuis janvier, le spiritueux charentais est visé, comme toutes les eaux-de-vie de vin importée d'Union européenne, par une enquête des autorités chinoises sur une infraction supposée à la concurrence.

Lancée après une plainte de professionnels de l'alcool chinois, cette procédure est également considérée par les observateurs comme une mesure de rétorsion à une enquête européenne, largement soutenue par la France, sur les subventions aux voitures électriques produites en Chine. En effet, l'autre sujet de crispation devrait concerner les véhicules électriques chinois. Les milieux industriels européens n'ont pas caché leurs craintes de voir déferler des voitures chinoises à prix cassés sur le marché européen.

 

L'Union européenne en disgrâce

Sur le plan commercial, l'Union européenne affiche un déficit de 400 milliards d'euros. Dans les couloirs de la Commission européenne à Bruxelles, ce chiffre fait grincer des dents. « La Chine est un marché reposant sur la production de biens distordants. C'est un marché de discriminations pour les investisseurs étrangers », confie une source bruxelloise. Dans la bataille commerciale et industrielle, les milieux diplomatiques européens s'inquiètent de la stratégie chinoise. « L'Europe doit continuer à discuter avec la Chine [mais] La Chine a une préférence pour les discussions unilatérales et veut moins discuter avec les institutions européennes. Cela peut avoir un impact sur la cohésion des Etats en Europe », poursuit cette source. En poursuivant son périple en Hongrie de Victor Orban, le président Xi Jinping envoie clairement un signal à l'Union européenne.

 
 
Grégoire Normand

 


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