Soure : Rtl
https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/affaire-rainbow-warrior-comment-cette-mission-maudite-a-t-elle-fait-trembler-le-sommet-de-l-etat-7900513901
Mercredi 10 juillet 1985, une nuit d’hiver calme sur les eaux paisibles du port d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Il est 23h38 quand deux explosions déchirent la coque du Rainbow Warrior, le navire amiral de Greenpeace. En une poignée de minutes, l’ancien chalutier, engagé dans la lutte contre les essais nucléaires français dans le Pacifique, sombre aux trois quarts.
Dans l'épave gît le corps de Fernando Pereira, photographe portugais et père de deux jeunes enfants. Il est mort noyé, piégé par l’effondrement de la structure.
Mais ce qui aurait pu rester un drame maritime isolé va rapidement se transformer en un scandale d’État international. Car derrière cet attentat, se cachent les services secrets français : la DGSE, Direction Générale de la Sécurité Extérieure. L’objectif de l’opération "Satanic" : neutraliser Greenpeace, considéré comme un obstacle à la campagne nucléaire française dans le Pacifique. La France vient de commettre un acte de guerre en territoire ami.
Une équipe de 22 inspecteurs est mobilisée. Grâce à un tuyau livré par deux vigiles d’une marina voisine, un camping-car suspect est identifié, loué par de faux touristes suisses, Alain et Sophie Turenge, en réalité des agents de la DGSE, Alain Mafart et Dominique Prieur. Leur arrestation, deux jours après l’attentat, révèle le lien avec les services français.
L’enquête dévoile un dispositif complexe. Outre le faux couple, une équipe de plongeurs aurait posé les explosifs, arrivés par le voilier L’Ouvéa. Mais ce bateau et ses occupants disparaissent après l’attaque.
À Paris, l’affaire est devenue politique. La presse internationale expose les incohérences, menant à des démissions, dont le ministre de la Défense Charles Hernu. "François Mitterrand approuve la mission et à partir de ce moment-là va recouvrir toute cette affaire d'un voile de mensonges. Mensonges qui visent à protéger son propre rôle et qui visent à protéger les intérêts de l'État français", explique Hervé Gattegno, journaliste d’investigation et auteur d'un livre sur la question, au micro de L'Heure du crime.
Le 4 novembre 1985, Mafart et Prieur plaident coupables devant la Haute Cour de Nouvelle-Zélande. Condamnés à dix ans de prison, ils sont transférés en Polynésie française après des négociations. Moins de deux ans plus tard, ils sont rapatriés en France.
"Ils échappent à une peine à perpétuité. Pourquoi ? Parce que l'autopsie démontre que le photographe n'est pas mort directement de l'explosion, mais qu'il est mort noyé à l'intérieur du navire. De sorte que l'on peut considérer que les Turenge sont complices de quelque chose, mais que ce quelque chose n'est pas un meurtre, mais plutôt un homicide involontaire", indique Hervé Gattegno, journaliste d’investigation.
L’attentat du Rainbow Warrior est un tournant. Il reste le seul acte terroriste commandité par la France contre une organisation pacifique en temps de paix. Il a mis à mal les relations diplomatiques entre la France et la Nouvelle-Zélande.