Une étude, réalisée par l'Agence de la transition écologique (Ademe), conclut qu'un mix électrique basé intégralement sur les énergies renouvelables est possible pour la Corse et l'ensemble des territoires français d'outre-mer. L'étude fixe toutefois une condition essentielle : le recours significatif à des capacités de stockage. En outre, « ce mix 100 % énergies renouvelables semble difficilement réalisable d'ici 2030 en raison du rythme élevé qu'il implique pour le déploiement des filières renouvelables », nuance l'agence.
En 2015, la loi de transition énergétique a fixé un objectif d'autonomie énergétique pour les zones non interconnectées (ZNI), en 2030 pour les territoires ultra-marins et en 2050 pour la Corse. L'étude de l'Ademe répond à cet objectif, à partir de « cinq scenarii d'actions possibles (…) et en privilégiant le passage à un mix énergétique 100 % renouvelable ». Elle porte sur six territoires : Mayotte, La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Corse. Pour chacun d'eux, l'agence fournit des chiffres et des données et met en lumière les scénarii les plus adaptés ainsi que les coûts complets associés.
Viser l'horizon post 2035
L'étude montre que, malgré des gisements très différents, les potentiels locaux en énergies renouvelables des six territoires étudiés « sont suffisants pour assurer un mix électrique 100 % renouvelable tout en satisfaisant l'ensemble de la demande électrique à tout instant (pas horaire) ». Bien sûr, les mix diffèrent sensiblement d'une ZNI à l'autre : la Corse, La Réunion, Mayotte et la Martinique doivent s'appuyer sur le photovoltaïque (même si les mix restent variés), alors que la Guadeloupe peut compter sur la géothermie et l'éolien en mer. La Guyane, pour sa part, peut miser à parts quasiment égales sur le solaire, l'éolien en mer et l'éolien terrestre.
La transition est donc possible, mais « pas réalisable d'ici 2030 en raison du rythme élevé qu'elle implique pour le déploiement des filières renouvelables ». En l'occurrence, l'Ademe juge plus réaliste de cibler « un horizon post 2035 ». Le rapport cite notamment en exemple La Réunion qui devrait déployer environ 1 000 mégawatts (MW) de photovoltaïque en 15 ans, quand la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un objectif de 120 MW supplémentaires d'ici 2023.
Une transition moins coûteuse que le statu quo
Sur le plan économique, le bilan global est qualifié de « favorable » par l'Ademe, d'autant que les coûts de production électrique actuels sont très supérieurs à ceux de la métropole. Certes, il faudrait investir dans le solaire, l'éolien et les autres renouvelables, mais, quoi qu'il arrive, des investissements sont nécessaires dans les énergies fossiles, explique en substance l'étude. En l'occurrence, les coûts totaux actualisés sur la période du scénario 100 % de renouvelables sont quasiment identiques à ceux du scénario tendanciel, voire légèrement inférieurs (La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane).
En outre, le recours aux diesels est « fortement réduit » dès le début de la transition, et cela quel que soit le scénario étudié et y compris en considérant les services système. L'augmentation du taux des énergies renouvelables s'accompagne donc d'une baisse des coûts de l'énergie produite. Le coût de production, à l'issue de la transition, est évalué à 99 euros par mégawattheure (€/MWh) à La Réunion, à 103 €/MWh en Corse, 144 €/MWh en Guadeloupe, 151 €/MWh à la Martinique, 176 €/MWh en Guyane et 304 €/MWh à Mayotte. Ces coûts, qui intègrent les besoins en stockage, sont inférieurs à ceux constatés en 2015, et parfois sensiblement plus bas comme à La Réunion et en Corse (environ un tiers plus bas) ou en Martinique (inférieurs d'un quart).
À noter que seule Mayotte présente un bilan économique « mitigé » en raison de contraintes techniques complexes (notamment le recours à l'énergie thermique des mers et à l'éolien en mer en zone cyclonique). Un scénario moins contraint et conservant une part importante de production électrique conventionnelle semble plus approprié.
Adapter les systèmes électriques et la fiscalité
Bien sûr, « une adaptation rapide des équipements de régulation du réseau électrique devra (…) être prévue afin d'intégrer ces nouveaux moyens de production décentralisés ». Mais l'Ademe juge que la transition vers les renouvelables ne remet pas en cause la stabilité d'approvisionnement. Même si ses travaux méritent d'être approfondis avec des analyses spécifiques, « pour chaque territoire, les systèmes électriques obtenus se sont montrés stables », assure l'Agence qui a testé l'impact d'incidents « significatifs ».
Au-delà de l'adaptation technique, l'Agence signale qu'il faudra accompagner cette transition dans la durée. « C'est particulièrement vrai pour certains des actifs de production fossiles les plus coûteux, qui seront amenés à être moins sollicités, voire s'avérer inutiles dans le futur », illustre l'Ademe. Cette transition implique aussi « une profonde réforme de la fiscalité de ces territoires, qui repose aujourd'hui en partie sur la taxation des combustibles importés ».