Pertes et profits. Le PDG d’EDF est revenu de Varsovie, la semaine dernière, avec une conviction : si la France veut vendre ses réacteurs nucléaires EPR à la Pologne, elle va devoir montrer l’exemple et relancer elle-même la construction des nouvelles centrales. « Nous sommes observés par de nombreux pays qui n’ont pas tant de choix que cela », a prévenu Jean-Bernard Lévy, mercredi 10 février, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Et ses interlocuteurs polonais ont été clairs : ce sera la France et la filière EDF-Framatome-Orano, ou les Etats-Unis, avec General Electric ou Westinghouse.
Le gouvernement polonais avait annoncé, en octobre 2020, qu’il allouerait 33 milliards d’euros à la construction de six réacteurs. Le premier chantier serait lancé en 2026, pour une mise en service en 2033. Pas d’affolement ! Les ambitions nucléaires, qui remontent à l’ère communiste, sont toujours restées lettre morte. Mais la donne a changé en Pologne : elle doit verdir son économie, l’une des plus carbonées au monde.
Une chose est sûre : le choix sera aussi politique que financier, technologique, industriel et commercial. Et pas forcément en faveur de l’Europe. La France et EDF ne partent pas favoris. Les Etats-Unis ont une longueur politique d’avance, même si eux ont, de facto, renoncé au nucléaire au profit du gaz et des énergies renouvelables. Le tropisme « made in America » est très fort en Pologne.
« Un impact absolument considérable »
Membre de l’Union européenne, elle a pourtant préféré les avions de combat F 16, le « furtif » F 35 et les hélicoptères Black Hawk à des matériels français ou européens. A l’ombre du puissant voisin russe, l’énergie y est aussi perçue comme un enjeu stratégique : le pays a ouvert un terminal d’importation de gaz naturel liquéfié, qui profite notamment au gaz de schiste américain, et s’oppose, comme Washington, au gazoduc russo-germanique Nord Stream 2.
Le patron d’EDF veut croire qu’un programme électronucléaire et la réorganisation du groupe auront « un impact absolument considérable » sur le choix des Polonais. Deux hypothèques qu’il est impatient de lever, sans avoir beaucoup d’atouts en main. Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, ne décidera pas de nouveaux EPR avant la fin du quinquennat ; et EDF, lesté d’une dette de 42 milliards, n’a pas les moyens de ses ambitions nucléaires tant qu’il n’a pas sanctuarisé cette activité dans une entité 100 % publique, ce qui est prévu par son projet « Hercule », qui traîne à Bruxelles et enflamme les esprits à Paris.
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