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Simuler une crise : la construction de la réalité dans les exercices d’accident nucléaire

Simulating a crisis: The construction of reality in nuclear accident exercises
Elsa Gisquet et Olivier Borraz

Résumés

Les exercices de gestion de crise constituent aujourd’hui une modalité répandue de préparation à la survenue d’événements incertains et potentiellement déstabilisateurs dans les administrations et les entreprises. La littérature qui leur est consacrée s’est cependant peu penchée sur l’écriture des scénarios qui en constituent la trame. En prenant le cas des scénarios d’exercices de crise dans la filière nucléaire civile en France, cet article montre que ces scénarios, loin de placer les participants dans un univers totalement inédit et incertain, tendent au contraire à faire émerger une vision ordonnée de la crise. Cela tient aux contraintes et cadrages de différentes natures qui s’incarnent dans l’écriture des scénarios, lesquels sont le résultat d’accords tacites et de rapports de force entre les organisations de la filière nucléaire civile (exploitants, autorités de régulation, organismes d’expertise, etc.) et de la sécurité civile.

Simulating a crisis: The construction of reality in nuclear accident exercises

Simulation exercises have become a common feature of crisis preparedness in public and private organisations. The analyses of these exercises have however rarely examined the production of the scenarios on which these exercises are based. Yet the observation of exercises conducted in the field of civil nuclear production in France suggests that far from placing participants in an unexpected and uncertain environment scenarios tend to promote an orderly representation of crisis situations. This is found to derive from the multiple constraints and framings that weigh on the scenarios writing process which are themselves the results of tacit agreements and power relations existing among the different organisations in the civilian nuclear sector (nuclear operators, regulators, experts) and civil security.

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Texte intégral

1Comment se prépare-t-on à gérer une crise ? Par quels moyens des organisations anticipent-elles une situation qui, à la suite d’un événement qui dépasse leurs cadres et catégories de pensée et d’action ordinaires, met à l’épreuve leurs capacités à agir dans un contexte devenu soudain incertain, instable et menaçant (Dobry, 2009 ; Lagadec, 1991 ; Gilbert, 1992 ; Weick, 1993) ? La question n’est pas nouvelle, elle s’est posée en effet dès les débuts de la guerre froide avec la nécessité de se préparer à l’éventualité d’une guerre thermonucléaire ; mais elle revient en force sur l’agenda des États développés depuis les décennies 1990-2000 (Collier, 2008). Secoués par une succession de crises de natures différentes (industrielles, environnementales, sanitaires, économiques, sociales, terroristes…), leurs gouvernements ont entrepris de se doter de textes, d’organisations et d’instruments dédiés à la préparation à la gestion de crise.

2Ce mouvement vers la crisis preparedness serait constitutif, selon Andrew Lakoff (2007) d’une nouvelle rationalité dans le gouvernement de la sécurité. La préparation à la gestion de crise se distinguerait des approches assurantielles prévalant jusqu’alors dans la gestion des risques en ce que les événements identifiés comme des menaces à la sécurité ne seraient plus probabilisables, faute d’un nombre suffisant d’occurrences passées. C’est donc en s’inspirant de crises réelles, mais également de scénarios fictifs et de techniques d’anticipation, que les acteurs de la préparation identifieraient des situations susceptibles de se réaliser dans un avenir pas trop lointain, puis proposeraient des techniques de gestion de crise pour y faire face. « Preparedness organizes a set of techniques for maintaining order in a time of emergency » (Lakoff, 2007, p. 254). Il ne s’agit donc pas d’une mise en risque, puisque les événements ainsi identifiés ne sont pas mesurables ou objectivables. Mais il s’agit bien de convertir des états du monde caractérisés par l’incertitude en des situations gouvernables. En cela, la préparation à la gestion de crise constitue une modalité de construction de la « réalité » : elle propose des états de crise auxquels les acteurs devront se préparer à réagir, mais elle ne saurait être prise pour une représentation du « monde », au sens où l’entend Luc Boltanski (2009, p. 93 et s.), à savoir « tout ce qui arrive » et qui ne peut jamais être entièrement connu ou anticipé. La « réalité » que propose la préparation à la gestion de crise renvoie d’abord à des catégories et des cadres qui contribuent à maintenir un ordre, à des « arrangements » et des « institutions » qui « disent ce qui est » (idem). Mais elle n’est pas assimilable à la crise, qui relève quant à elle d’une incertitude « radicale ». Car malgré tous les efforts entrepris pour s’y préparer, la crise surprendra toujours les acteurs qui en ont la responsabilité et débordera les cadres d’action conçus pour y faire face.

3La question que soulève la préparation à la gestion de crise est donc la suivante : Comment fait-on entrer des événements incertains mais aux conséquences potentiellement graves et déstabilisatrices dans les cadres et les catégories de pensée et d’action des organisations et des individus qui vont devoir les gérer ? Nous entendrons ici par crise une situation résultant de la survenue d’un événement – il peut s’agir d’une catastrophe naturelle, d’un accident industriel ou d’un acte terroriste, par exemple – qui, induisant une perte de sens (Weick, 1993), générant de la complexité (Gilbert, 1992) et entraînant des effets de désectorisation (Dobry, 2009), dépasse les cadres et catégories de pensée et d’action ordinaires des organisations concernées et projette les protagonistes dans un contexte incertain et potentiellement déstabilisateur (Dobry, 2009 ; Lagadec, 1991 ; Gilbert, 1992 ; Weick, 1993). C’est parce qu’elle met durement à l’épreuve ces formes ordinaires que la crise constitue une menace pour les organisations publiques. Il faut donc la convertir en autant de dimensions gouvernables.

4Cette volonté de rendre la crise gouvernable apparait dès la décennie 1950 avec le développement des premiers instruments de préparation permettant de faire face à une attaque atomique, parmi lesquels figurent des plans, systèmes d’alerte, organisations temporaires et exercices de simulation ; lesquels ont ensuite été étendus à d’autres types de catastrophes, d’abord naturelles, puis industrielles et plus récemment en sécurité publique. Ces instruments sont devenus constitutifs d’une approche générique de la préparation à la gestion de crise – qualifiée en anglais de all hazard –, caractéristique d’États développés qui entendent ainsi démontrer leur capacité à faire face à toute situation d’urgence (Lakoff, 2007 ; Borraz & Cabane, 2017). Parmi ces instruments, des auteurs ont analysé les plans de gestion de crise (Clarke, 1999), la définition d’infrastructures critiques (Collier & Lakoff, 2008) et les exercices de simulation (Anderson & Adey, 2011 ; Aradau & Van Munster, 2012).

5Ce sont ces derniers qui vont retenir notre attention dans le cadre de cet article. Le recours à la simulation vise à accéder à une représentation de la crise et de ses effets en termes de préparation tout en s’affranchissant des contraintes et des frontières immédiates de la réalité. Il s’agit de plonger les participants aux exercices dans une situation fictive, mais qui présente des éléments de ressemblance avec la réalité, de manière à les entraîner à affronter une situation d’urgence en mobilisant les outils et ressources mis à leur disposition.

6Un exercice s’appuie sur un scénario. Celui-ci correspond à la description des événements auxquels les participants devront réagir (Limousin et al., 2018). Selon Jean-Jacques Wunenburger (2016), l’écriture du scénario vise à produire une fiction faite d’images, d’analogies, de métaphores et de mythes disponibles de façon consciente ou non chez les scénaristes. L’écriture d’un scénario peut ainsi s’apparenter à des travaux de prospective – ce qu’on imagine comme pouvant se produire –, dans laquelle la technologie des scénarios a aussi été très largement utilisée (Andersson, 2018). Dans le cas des exercices qui nous intéressent ici, le scénario revêt toutefois une autre utilité, puisqu’il s’agit de tester et d’entraîner les participants à développer des capacités d’agilité dans une situation marquée par l’incertitude, la complexité et l’effacement des frontières (Kahn, 1962). Il ne s’agit pas de dire ce qui pourrait être, de manière à envisager des solutions de prévention, mais de projeter les participants dans une situation perturbée et instable, de manière à les entraîner à y faire face. Stephen Collier (2008) utilise la notion d’enactment pour décrire cette dimension performative de l’exercice. L’élaboration des scénarios d’exercices de gestion de crise est confrontée à la difficulté de faire entrer des phénomènes ou des situations qui, par définition, sont complexes et échappent aux catégories d’entendement ordinaires, dans un format qui demeure compatible avec le déroulement du jeu en acte.

7À partir de l’exemple précis des exercices de crise conduits dans des installations nucléaires civiles françaises, nous montrerons comment les scénarios, en s’inscrivant dans des décors acceptés et reconnus comme plausibles, promeuvent une représentation de la crise qui ne remet pas en cause les catégories ordinaires d’entendement et d’action des participants, mais tendent au contraire à suggérer leur adaptabilité aux situations de crise. Ces décors sont de trois types. Le premier est d’ordre procédural : il renvoie aux procédures et aux doctrines existantes de gestion de crise qui structurent et, du même coup, simplifient la réalité. Le second est technique : en inscrivant l’accident dans un champ des possibles déjà identifié et reconnu par les parties prenantes, un accord minimal d’entente entre les participants est assuré, tout en limitant la complexité des perturbations. Enfin, le troisième décor est de nature institutionnelle et recouvre des formes de coopération et de collaboration entre acteurs de la crise qui doivent demeurer compatibles avec la vie ordinaire des organisations.

8La fiction est donc soumise à des combinatoires formelles et structurées de rationalités reconnues. Nous montrerons que ce résultat n’est pas le fruit de la volonté délibérée des responsables d’exercices de préserver l’ordre existant face à des menaces de déstabilisation, mais au contraire un résultat des relations de pouvoir dans lesquels s’opère l’écriture du scénario. C’est parce que les scénaristes ne sont pas en mesure de se soustraire au « champ de forces » (Chateauraynaud, 2011) dans lequel ils évoluent, qu’ils sont conduits à proposer une représentation de la crise qui n’en remet pas en cause les frontières ou les modes de régulation. Autrement dit, les contraintes d’écriture qui pèsent sur eux les conduisent à proposer aux participants de gérer des crises « bien structurées ».

Méthode

9Notre étude a été réalisée dans le cadre d’un programme de recherche réunissant des chercheurs en sciences sociales des Écoles des Mines de Nantes et de Paris ainsi que de Sciences Po, et des acteurs de la filière nucléaire (IRSN-Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire et Orano, ex-Areva). Ce programme de recherche intitulé Agoras (Amélioration de la gouvernance et des réseaux d’acteurs pour la sûreté nucléaire) était financé par le Programme investissements d’avenir « Recherche en Sûreté Nucléaire et Radioprotection » lancé à la suite de l’accident de Fukushima intervenu au Japon en 2011.

10La participation à un exercice nucléaire constitue une obligation légale à laquelle doivent se soumettre les préfectures et les exploitants d’installations nucléaires (EDF, Areva – devenu Orano –, CEA) : tous les cinq ans pour les sites comportant au moins une installation nucléaire de base et tous les trois ans pour les autres installations et ouvrages comportant des risques pour la sécurité civile (articles R 741-32 et R 741-18 du Code de la sécurité intérieure). Le nombre, le lieu et l’objectif des exercices nucléaires sont définis annuellement dans une circulaire interministérielle. Il s’agit de tester les plans d’urgence des exploitants et des pouvoirs publics afin : d’entraîner les personnes qui seraient impliquées dans une telle situation ; de tester les dispositifs envisagés et identifier les améliorations possibles ; et enfin de développer une approche pédagogique vers la population. Ces exercices se déroulent pour l’essentiel au sein de cellules de crise qui, dans chacune des organisations concernées – en général au moins quatre –, réunissent des participants qui jouent leur propre rôle et ont pour mission de collecter et de traiter des informations, de les communiquer aux autres cellules et de participer aux audioconférences qui se tiennent régulièrement.

11Les exercices impliquant une installation nucléaire s’appuient sur un scénario qui définit un « événement déclencheur », selon la terminologie officielle. Les scénaristes sont des ingénieurs aguerris, qui travaillent soit pour le compte de l’IRSN, soit pour le compte des exploitants d’installations nucléaires. À partir du choix du type d’accident – notamment rejet ou non d’éléments radioactifs dans l’environnement – et du périmètre concerné autour de l’installation, et en tenant compte des quantités de matières présentes dans l’installation, les scénaristes déterminent les mesures de débit de dose qui s’afficheront sur les balises fixes installées autour des installations ou sur des balises mobiles et qui indiqueront le degré de radioactivité présent dans l’environnement. Ils définissent également les conditions météorologiques, si celles-ci sont simulées – ce qui est le plus souvent le cas. Les scénaristes définissent enfin le moment à partir duquel les pannes matérielles seront réparées ou l’alimentation électrique recouvrée ; tout en sachant qu’un retour à un état sûr de l’installation n’est pas systématique – compte tenu des contraintes temporelles de l’exercice.

12Sur cette base, le jour attendu, les scénaristes lancent l’exercice au niveau de l’installation supposée accidentée. Au sein de la cellule de crise de l’IRSN et dans celles situées chez l’exploitant, des experts procèdent à des calculs à partir des données disponibles de manière à établir un diagnostic et un pronostic de la situation, permettant ainsi de définir l’ampleur des rejets, leur direction en fonction des conditions météorologiques, et de proposer des mesures de protection des populations. Ces éléments sont ensuite transmis à la cellule de crise de l’ASN (autorité de sûreté nucléaire) et discutés lors d’audioconférences qui réunissent l’exploitant, l’ASN et le COD (centre opérationnel départemental) de la préfecture du département dans lequel la centrale est située. Tout au long de la journée, les experts continuent d’ajuster et d’affiner leurs prévisions de rejets en prenant en compte les nouveaux événements injectés par les scénaristes, tandis qu’il revient au préfet de décider et de préparer en conséquence des actions de sécurité civile, comme l’évacuation ou la mise à l’abri des populations riveraines.

13Afin d’analyser la préparation puis le déroulement de ces exercices, une méthodologie qualitative par observations et entretiens a été retenue. Le recueil des données s’est étendu de juin 2014 à septembre 2019. Neuf exercices ont été suivis, la plupart se déroulant sur une journée. Pour chaque exercice, des entretiens ont été réalisés auprès des scénaristes afin d’identifier les contraintes qui ont pesé sur l’écriture du scénario, ainsi que les enjeux des différents groupes d’acteurs impliqués dans l’exercice.

14Les exercices ont ensuite été observés intégralement. Ces observations étaient souvent simultanées, en ce sens que nous étions admis dans différentes cellules pour suivre un même exercice. Nous prenions des notes sur tous les échanges qui se déroulaient devant nous, circulions dans les salles adjacentes pour y observer le travail plus précis des participants, par exemple autour des enjeux de communication ou de mesures de radioactivité. Lors de moments plus tranquilles, nous avions la possibilité de poser des questions aux participants pour mieux comprendre le sens de telle remarque formulée lors d’un échange, le fonctionnement de tel outil, ou leur rôle dans la gestion de crise. Ces observations ont ainsi permis de mesurer le rôle du scénario dans le déroulement réel de l’exercice ; et de voir si une marge de jeu par rapport au scénario s’installait ou non dans l’exercice.

15Ces observations ont été complétées par dix entretiens semi-directifs conduits auprès d’acteurs de la filière (ASN, IRSN, EDF, Orano), du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), placé auprès du Premier ministre et en charge d’organiser les exercices ; et de la mission d’appui aux risques nucléaires (MARN) de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), en charge d’accompagner les préfets dans la préparation à la gestion d’un accident nucléaire. Ces entretiens nous ont permis d’appréhender le travail réalisé en amont des exercices et les attendus qui pèsent sur leur organisation.

16Enfin, nous avons procédé à des analyses documentaires de plans, doctrines, dossiers de retours d’expérience d’exercices et de crises réelles, ce qui nous a permis de mieux cerner le cadre à l’intérieur duquel ces exercices se déroulent.

Les exercices nationaux de gestion de crise dans la filière nucléaire

17La réalité projetée dans les exercices est façonnée par trois types de décors qui agissent comme autant de prismes de construction et de structuration de cette réalité : procédural, technique, institutionnel. Ces décors reposent sur des formes d’entente tacite, intégrées par les scénaristes dans leur travail d’écriture et que nous détaillerons successivement. Nous verrons que ces formes sont elles-mêmes inscrites dans le fonctionnement général des organisations concernées, dont les exercices sont devenus le prolongement.

Une attention privilégiée au cadre procédural

18En France, les premiers exercices dans le domaine du nucléaire civil sont organisés au début de la décennie 1980, dans la foulée de l’accident de Three Mile Island et la prise de conscience par l’ensemble des acteurs de la filière nucléaire, exploitants et régulateurs, qu’un accident majeur était possible, malgré les mesures et dispositions prises pour éviter sa survenue (Arnhold, 2019). Puis, à partir de 2000, des exercices de sécurité civile sont organisés (Suchet, 2015), en complément des exercices dans laquelle seule la dimension accidentelle est jouée. Un exercice de sécurité civile permet notamment de tester les plans de protection des populations en simulant des rejets radioactifs dans l’environnement.

19La construction des exercices nationaux relève d’un processus très normé. Chaque année, le SGDSN, en liaison avec l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND) et la DGSCGC, planifie une douzaine d’exercices dans le cadre d’une instruction interministérielle. Ces exercices sont dits nationaux – en ce sens qu’ils relèvent d’une planification nationale – mais sont conduits à l’échelle départementale. À partir de la liste prédéfinie au niveau national, un processus de construction de l’exercice se met en place dans un espace très formalisé qui structure, en même temps qu’il contraint, l’écriture du scénario.

20Environ six mois avant la date de l’exercice, les différents protagonistes se réunissent dans la préfecture concernée. En raison de la place qu’il occupe dans le dispositif Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile), qui fait de lui en temps de crise l’acteur central à l’échelle du département, le préfet joue un rôle déterminant dans le choix du format des exercices. Au cours de cette réunion préparatoire se définissent la plage horaire, les participants, les objectifs – les plans et dispositifs que l’on entend tester – ; la cinétique de l’accident – rapide, lente ou indifférente – ; le retour ou pas à un état maîtrisé de l’installation ; les conditions météorologiques réelles ou fictives ; la pression médiatique simulée – nationale, locale ou aucune – ; et le cas échéant les actions de protection civile envisagées.

21Sur ces bases, une première version du scénario est produite, qui définit un événement déclencheur et l’enchaînement des situations qui en découlent de manière à faire tenir ensemble ces différents paramètres.

Le préfet souhaite souvent tester beaucoup de choses et c’est difficile de tout faire tenir dans un même exercice. Il veut généralement tester son PPI, et puis il veut faire jouer telle ou telle commune et puis souvent il veut un retour à la normale de son installation. Donc en fonction de ça, on prévoit dans le scénario la taille de la brèche, il faut qu’elle soit suffisante pour qu’il y ait un rejet dans l’environnement et que le panache aille jusqu’aux communes souhaitées mais il faut aussi que ce ne soit pas trop important pour qu’il y ait un retour à la normale à la fin de la journée (un scénariste IRSN).

  • 1 SGDSN, Plan national de réponse à un accident nucléaire ou radiologique majeur, 2014.

22La réalité simulée qui est mise en scène doit prendre place dans des décors existants auxquels correspondent les différents plans d’urgence disponibles. Depuis 2014, dans le prolongement de l’accident de Fukushima, un plan nucléaire national définit, selon les différentes situations d’urgence radiologique, les stratégies de réponse – communication, sanitaire, technique… – à mettre en place1. S’agissant plus particulièrement des acteurs de la sécurité civile, l’objectif du préfet est de tester son PPI (plan particulier d’intervention), qui est une disposition spécifique du plan Orsec. Le périmètre d’application de ce plan s’inscrit dans un rayon a priori de 20 km autour de la centrale. Le plan comporte des mesures d’évacuation ou de mise à l’abri des populations, la prise de comprimés d’iode et des interdictions de consommation ou de commercialisation de certaines denrées alimentaires. La préfecture peut également choisir de tester d’autres plans de gestion de crise en complément du PPI. Ainsi, il pourra être décidé que le scénario offre la possibilité de déclencher le PPMS (plan particulier de mise en sureté) pour les maires et les écoles des communes concernées, le PIS (plan d’intervention et de sécurité) si l’accident concerne des voies ferrées, ou encore le Plan Blanc pour les hôpitaux. La préfecture peut également vouloir tester des dispositifs techniques ou encore des éléments de doctrine.

23Pour l’exploitant, l’exercice est l’occasion de déclencher un PUI (plan d’urgence interne), de travailler les relations entre les cellules de crise sur site et les cellules nationales, de se coordonner avec l’IRSN, l’ASN, la préfecture et les services de secours.

24Cependant, les rejets n’en doivent pas moins demeurer « maîtrisés et dans un périmètre restreint » (Suchet, 2015, p. 216). Ils doivent être suffisants pour décider d’une mesure de protection à l’égard des populations, mais pas trop important pour que la situation soit stabilisée en fin de journée et surtout que le périmètre du PPI ne soit pas trop dépassé. Pour le préfet, comme pour l’exploitant, le scénario ne doit pas effrayer le public et il doit rester gérable dans la fenêtre temporelle de la journée. La perturbation induite par l’exercice sur le territoire doit rester limitée. C’est ainsi que des exercices inopinés auprès des populations riveraines seront proscrits pour éviter de provoquer un affolement susceptible de conduire à de véritables accidents.

25In fine, le choix de la situation à simuler est donc moins orienté par la projection d’une situation que l’on imaginerait pouvant se produire que par la sélection de symptômes permettant de tester plus particulièrement certains aspects des plans d’urgence, tout en préservant les enjeux politiques – ce qui opère une première simplification de la réalité simulée. L’écriture du scénario respecte ainsi des cadres prédéfinis de la gestion accidentelle et de crise, qui sont eux-mêmes le produit de négociations longues et complexes entre les différents acteurs de la filière. Il est alors possible de construire une représentation de la crise qui ne remet pas en cause les cadres procéduraux existants, mais au contraire démontre leur adaptabilité aux situations de crise et du même coup en légitime l’existence.

Un décor technique qui structure les représentations

26Dans les exercices que nous avons observés, l’évènement déclencheur se déclare généralement vers 8 h 00 du matin. Le scénario prévoit alors que la situation se dégrade malgré les actions entreprises par les opérateurs sur l’installation ; pour cela, les scénaristes anticipent les solutions possibles que les opérateurs vont proposer ou ils inventent en direct des raisons qui mettent en échec les actions de remédiation. Lorsqu’il s’agit d’une centrale de production nucléaire, ce qui est le plus souvent le cas, le jeu s’organise autour d’un simulateur qui reproduit fidèlement le comportement du réacteur et sa salle de commande. Les éléments du scénario sont ainsi définis et ajustés pour être certain de déclencher l’alerte et l’organisation de crise qui y est associée.

De la cause à l’alerte

27L’évènement déclencheur est essentiellement une panne de matériel, une perte d’un tableau électrique, une vanne qui ne se referme plus, la rupture d’une tuyauterie ou encore un incendie ; sans qu’il ne soit nécessaire d’en considérer la cause. On tend ainsi à découpler l’accident de sa cause spécifique. Dans cet exercice, peu après l’alerte lancée par l’exploitant, le centre de crise de l’IRSN est activé. Au fur et à mesure qu’ils sont alertés, les participants à l’exercice entrent dans la cellule de crise. Un participant tient au courant le nouvel arrivant de la situation au moment où il entre dans le centre de crise :

– Il y a eu une brèche dans le circuit primaire.
– Ah bon, à cause de quoi ?
– Je ne sais pas. Peu importe. Il y a une brèche c’est tout.
(IRSN, observation d’un exercice en 2015)

28Les menaces ou risques externes pouvant venir déstabiliser l’installation sont mis de côté dans le scénario pour ne considérer que la défaillance technique. Le scénario prévoit qu’à partir de la mise en scène des critères requis, un certain nombre d’actions soient réalisées à une heure précise. Il présente des symptômes qui conduisent sans ambiguïté à la décision de déclencher le PUI puis le PPI. Pourtant, dans le cas d’accidents réels résultant d’agressions externes, l’enjeu est souvent d’identifier le problème et sa cause.

29Suite au déferlement de la tempête Martin sur le territoire français, par exemple, il a été estimé que le début de l’inondation des locaux des tranches 1 et 2 de la centrale du Blayais avait débuté vers 22 h, le 27 décembre 1999. Sur le site, en proie à des vents violents et des pannes de courant électrique, l’inondation est effectivement constatée à 0 h 20 en tranche 2 dans les sous-sols du bâtiment combustible abritant des systèmes de secours. Ce constat est fait de façon inopinée par un jeune rondier descendu au sous-sol en empruntant l’escalier, les ascenseurs étant interdits du fait de l’instabilité de l’alimentation électrique. Lorsqu’il remonte dans la salle de commande, il n’ose pas interrompre les conversations en cours, se sentant illégitime du fait de son peu d’expérience. Il finit par informer la salle de commande une trentaine de minutes après avoir constaté l’inondation (Daniel, 2017). Au-delà de la défaillance constatée des systèmes de secours en salle de commande, la découverte de la cause, si elle est possible, peut permettre d’apporter de plus amples informations sur la situation en cours.

30Comme les objectifs des exercices sont de tester les plans d’urgence, la construction d’un scénario est enserrée dans un cadre procédural qui prive les participants d’une partie des prises de décision concernant l’alerte ou le réajustement de certains plans et tient à distance les perturbations susceptibles de créer de l’incertitude sur leur déclenchement.

31Pourtant, lors d’évènement réels, les acteurs peuvent hésiter à déclencher l’alerte (Dedieu, 2009). Si le déclenchement d’un plan est subordonné à une liste précise de critères, les acteurs sont en difficulté lorsqu’un ou plusieurs critères n’est ou ne sont pas clairement réunis. Ainsi, dans le cas de l’inondation de la centrale du Blayais en 1999, le directeur du site, bien qu’il en ait informé les acteurs préfectoraux et nationaux, a hésité à déclencher son PUI face à la dégradation très progressive de la situation et la difficulté que rencontreraient de toutes façons les renforts et moyens de secours qui ne pourraient pas arriver jusqu’à la centrale en raison de la tempête.

32Cette incertitude forte, qui est souvent source de perturbations pour les acteurs, n’est pas simulée dans les scénarios qui prévoient que le plan soit déclenché sans hésitation.

L’incendie est une cause immédiate de déclenchement du PPI. Donc normalement à 10 h 00 on simule le départ de feu et ils doivent déclencher le PPI. S’ils ne le font pas d’eux même, il faudra qu’on les pousse. Bon, c’est écrit dans le cahier d’exercice qui est public, donc normalement, ils devraient savoir qu’il faut le déclencher… Mais bon, j’ai déjà vu des cas où on était obligé de refaire des départs de feu pour qu’ils comprennent (scénariste IRSN au sujet d’un exercice en 2014).

33Cette situation peut parfois conduire les participants à s’agacer d’un gréement (au sens de l’activation d’un dispositif) alors que les critères formels ne sont pas réunis.

– On grée la cellule mobile ou pas ?
– Oui, on va le faire. Mais bon, c’est vraiment pour les besoins de l’exercice, parce que je n’ai toujours pas compris pourquoi ils ont déclenché le PUI radiologique chez l’exploitant.
(Observation IRSN exercice national en 2016).

34Le scénario définit ainsi des attendus normés et facilement traçables qui s’inscrivent dans un processus de gestion de crise visant à promouvoir une vision ordonnée de la crise. Ce faisant, la dimension de doute qui entoure les lancements d’alerte est écartée.

Se conformer aux démonstrations de sûreté

35Le scénario d’exercice prévoit qu’une suite très précise et limitée d’évènements et de défaillances techniques conduit au rejet d’éléments radioactifs. L’industriel comme l’IRSN s’accordent sur certaines conventions techniques de l’exercice. L’accident qui est simulé ne doit pas venir remettre en cause les études d’accident et doit être couverts par les procédures de conduite accidentelle. Dans l’exemple qui suit, le scénariste est interpelé par l’exploitant qui considère qu’il est sorti du cadre qui faisait, selon lui, consensus dans la construction des scénarios. Lors du débriefing à chaud par téléphone à l’issue d’un exercice, l’exploitant s’agace de la cause de l’accident retenue dans le scénario : « On avait dit qu’on ne faisait pas deux brèches sur le circuit primaire ! » (Exploitant, exercice en 2014). Le scénariste se tait et se contente de faire une moue incrédule pour indiquer qu’il n’était pas au courant de cette règle tacite.

36En effet, la construction des scénarios s’appuie sur des démonstrations de sûreté qui font l’objet d’un « dialogue technique » entre les autorités de régulation et les exploitants, visant à assurer un haut niveau de sûreté dans les installations. Dans le cadre d’un exercice, le scénario ne doit donc pas simuler un incident sur un phénomène physique en cours d’instruction ou sur lequel il existe de fortes incertitudes. Afin de ne pas venir perturber les relations entre industriel, expert et régulateur, une règle implicite est de ne pas utiliser les scénarios d’exercices pour faire avancer un débat technique. Dans le cas ci-dessous, le scénariste hésite dans le choix de l’action finale qui mettra un terme à l’accident simulé – même si le résultat escompté se produirait après la fin de l’exercice puisque plusieurs heures sont nécessaires avant que l’action ne soit efficace –, car ce point peut faire référence à des débats qui se tiennent dans d’autres instances entre l’exploitant et l’IRSN :

Est-ce qu’il faut remettre de l’eau tout de suite ? Mais au risque de ne pas en mettre suffisamment, de provoquer un dégagement d’hydrogène et donc de provoquer une explosion. Ou bien j’attends d’avoir un apport d’eau suffisant, mais cela m’oblige à attendre. Il y a un débat là-dessus entre l’IRSN et l’exploitant, mais je crois qu’on ne va pas s’attarder sur ce point [sourire], l’exercice n’est pas le lieu (scénariste IRSN, à propos d’un exercice national en 2016).

37Le scénariste décide alors de simuler un débit d’apport en eau suffisant pour que le problème ne se présente pas aux participants et que le scénario se déroule comme prévu.

38Les scénaristes doivent éviter de mettre en scène des sujets qui font controverse d’un point de vue technique ou scientifique. En limitant le scénario à une succession d’évènements techniques identifiés qui font consensus, la situation d’exercice se réduit à des situations génériques, standardisées et d’une certaine manière maîtrisables dans la mesure où des fiches techniques et procédures accidentelles sont disponibles et doivent être suivies pour ces situations génériques.

39Pourtant, les pannes et pertes de matériel conduisant à l’accident peuvent parfois se produire selon des séquences qui n’ont jamais été imaginées ou qui ont été jugées trop improbables. Le 11 mars 2011, à Fukushima Daiichi, suite à la perte totale des alimentations électriques provoquée par le tsunami, les piscines de désactivation des réacteurs 1 à 4 dans lesquelles le combustible usé était entreposé ne sont plus refroidies. Ce combustible usé continuant à émettre de la chaleur, il a réchauffé l’eau, dont le niveau a diminué par évaporation. Un incendie se déclare dans la piscine du réacteur 4 le 15 mars 2011. Certains se souviennent :

Pendant longtemps, on s’est interdit de jouer les piscines [en France]. On nous disait que ce n’était pas possible, qu’il ne pouvait pas y avoir d’incident dans les piscines. Maintenant [depuis Fukushima] on peut faire des évènements sur des piscines, ça ne pose pas de problème (entretien scénariste IRSN).

40L’accident de Fukushima Daiichi est ainsi venu élargir le champ des possibles. Le scénario envisagé pour l’exercice de crise est dépendant des catégories préexistantes d’accident. Il ne s’agit pas seulement d’éviter dans les scénarios les sujets techniques qui font débat, mais aussi les sujets pour lesquels les connaissances peuvent être lacunaires et parcellaires et que le scénariste pourrait indirectement venir les infléchir.

41In fine, ce ne sont pas les exercices qui contribuent à élargir le champ des possibles, mais plutôt le retour d’expérience des crises réelles et les études menées dans le cadre de la démonstration de sûreté. Le scénario d’un exercice n’est pas ici l’occasion d’imaginer l’exceptionnel ou l’inimaginable. « The way events are designed into scenarios is very rarely about the imagining of the “unimaginable” or the “unexpected”, or “unknown unknowns” […] but definite – albeit complex – material events » (Anderson & Adey, 2011, p. 108). Il vise à reproduire strictement un évènement qui doit être couvert par les procédures de conduite accidentelle. Le respect de ce cadrage technique peut produire une vision de la crise qui demeure conforme non seulement aux capacités existantes de ces organisations, mais tout simplement avec leur vision d’un accident nucléaire et la manière d’y faire face.

Orchestrer l’entrée en scène des acteurs

42Plus les participants sont nombreux sur la scène de l’exercice, plus le travail d’écriture du scénario est complexe. Plus il y a de participants, plus la planification de leur entrée en scène et de leurs actions est nécessaire afin de maîtriser de bout en bout l’exercice et s’assurer que tout le monde pourra participer, sachant qu’un exercice gouvernemental comme un SecNuc peut mobiliser jusqu’à 200 personnes. Par ailleurs, plus il y a de participants sur la scène de l’exercice et plus les enjeux institutionnels et symboliques sont forts. Autrement dit, plus on souhaite orienter le scénario de la simulation vers la participation de multiples acteurs, plus la mise en scène repose sur un cadrage serré et contraint des possibilités d’interactions qui laisse peu de place à l’improvisation.

43Cependant, en privilégiant un paradigme technique dans le déroulement de l’accident, une attention particulière est accordée aux circonstances plutôt qu’aux actions mises en œuvre par les participants. Leurs possibilités d’action sont limitées afin de pouvoir écrire par avance la suite de l’histoire et s’assurer notamment de la possibilité d’un rejet qui conduira non seulement à réaliser des modélisations des rejets par les participants côté nucléaire, mais également permettra de faire jouer la partie civile. Ainsi, indépendamment des réactions et actions des opérateurs dans l’installation nucléaire, les symptômes recherchés se produiront.

44Pour réussir cette gageure, le scénario ne doit pas être interactif : les évènements sont planifiés en amont, indépendamment des actions et réactions des participants. De la même manière, le scénariste impose le flux des informations de manière à pouvoir « tenir » son scénario. Pourtant en situation de crise, les informations multiples et foisonnantes peuvent être contradictoires entre elles ; un important travail de recoupement des informations est nécessaire pour établir un diagnostic de la situation (Dedieu, 2013) qui ne se cantonne pas aux dispositifs techniques. En créant un flux d’informations unique et cohérent provenant du simulateur et des acteurs qui gravitent autour, le scénario ne vise pas à développer à dessein une situation d’entrainement autour du travail de collecte, traitement et recoupement de l’information.

45Ainsi ce scénariste décrit sa mission qui est de réussir à animer un scénario pendant toute la journée, de tout contrôler pour arriver jusqu’au bout des séquences d’action recherchées pour faire entrer en scène les multiples participants :

Il faut que tu minimises l’effet facteur humain. Donc il faut que j’arrive à bien caler toutes mes pertes. Savoir à quelle heure je vais avoir la perte de mon tableau électrique. Je vais me dire c’est à cette heure-là, donc il faut que j’ai le premier évènement et à cette heure-là, le deuxième pour que j’ai le début de fusion à 12 h 00. Et je vais calculer la brèche pour faire qu’à cette heure, je vais arriver à la fusion. Du coup, la survenue des évènements ne doit pas être dépendante des actions que feront les [participants à l’exercice sur site]. C’est programmé à l’avance (scénariste IRSN).

46Finalement, l’orchestration de l’entrée en scène des différents participants à un même exercice est facilitée par ce cadrage technique qui présente alors un paradoxe : plus on souhaite orienter le scénario de la simulation vers la coopération entre institutions, moins on laisse d’espace pour que ces possibilités d’interactions et de coopération se réalisent de manière spontanée. Cela permet de mettre en scène des interactions qui se déroulent globalement de manière fluide et pacifiée. En pensant les relations entre acteurs à partir d’un cadrage technique, comme une succession d’évènements techniques déjà identifiés et donc maitrisables et anticipables, les exercices contribuent ainsi à un processus de normalisation de la gestion de crise.

Un cadre institutionnel qui limite les perturbations organisationnelles

47Le troisième décor dans lequel prennent place les exercices renvoie aux relations qu’entretiennent les différentes organisations de la filière nucléaire. Les participants aux exercices entretiennent en effet des relations régulières dans le cadre de leurs fonctions respectives. À ces relations individuelles s’ajoutent également des relations institutionnelles entre les organisations, notamment autour des enjeux de sûreté des installations. La conception des exercices ne peut donc pas être dissociée de ce fonctionnement ordinaire, bien qu’il s’agisse de plonger les participants dans une situation extraordinaire.

Le respect des hiérarchies intra- et inter-organisationnelles

48Les participants à un exercice apprennent, le plus souvent en jouant leur propre rôle, à effectuer et assumer les tâches qu’ils devront réaliser en situation de crise (Hermann, 1997 ; Chen & Borodzicz, 2009). Par-delà leurs croyances – certains participants peuvent regretter le caractère peu réaliste du scénario – les participants sont, de fait, engagés dans une situation fictionnelle qui les oblige à réagir et agir. La simulation permet aussi de s’assurer que les participants connaissent les règles et procédures définies préalablement, ont acquis les bons réflexes, maîtrisent les outils mis à leur disposition. Elle permet enfin de les doter de compétences afin d’agir et de décider rapidement en situation de stress et d’incertitude (Jenvald & Morin, 2004 ; Strohschneider & Gerdes, 2004).

49Dans le cas des exercices de crise nucléaire, des « fiches accidents types » définissant des situations idéal-typiques d’accidents ont été élaborées par les exploitants pour servir d’appui aux prises de décision de protection des populations. Ces fiches servent notamment d’appui pour pronostiquer les rejets sur la base du diagnostic réalisé. À cet effet, les exploitants et l’IRSN possèdent chacun leurs propres outils de calcul. Mais en situation d’exercice, un certain nombre de données d’entrée manquent pour modéliser le panache radioactif : les participants ne connaissent pas exactement la taille de la brèche ; ils ne savent pas nécessairement si la source du rejet est liquide ou gazeuse, par exemple. Autant de paramètres qui sont susceptibles d’influencer la modélisation du panache. En l’absence de ces données, des hypothèses sont donc retenues qui conduisent à des évaluations souvent plus prudentes de la part de l’IRSN par rapport à celles proposées par l’exploitant.

50Au-delà du développement des compétences et connaissances interpersonnelles, l’intérêt de la simulation est de tester la coopération entre différentes institutions ou groupes d’acteurs qui n’ont pas nécessairement l’habitude de travailler ensemble en situation de crise (Babus et al., 1997 ; Jenvald et al., 2001). Cette technique doit faciliter l’intégration et la coopération entre agences, à travers une meilleure connaissance et prise en compte de leurs rôles, capacités et conceptions respectives du risque (Chen & Borodzicz, 2009). Ainsi, les scénarios d’exercice doivent permettre une mise en œuvre des périmètres d’action conformément aux rôles institutionnels prévus pour chacun. Par exemple, le régulateur (ASN) doit rester dans son rôle d’interface entre l’expertise technique et l’exploitant. Le directeur du centre de crise de l’ASN ne doit s’adresser qu’au directeur du centre de crise de l’IRSN ; il ne doit pas solliciter directement les différentes cellules du centre d’expertise de l’IRSN. En aucun cas le scénario ne prévoit d’obliger les participants à sortir ou contourner les règles d’interactions établies, quand bien même certains participants sont conscients qu’en cas de crise réelle, ils pourraient être amenés à ne pas respecter les voies officielles.

En exercice, on n’entre pas directement en contact avec le préfet et les pouvoirs publics, ça passe officiellement par l’ASN. Mais en réalité, on serait très rapidement consulté directement (agent IRSN en marge d’un exercice en 2015).

51Cependant, les scénarios d’exercice n’envisagent jamais qu’un groupe de participants puisse être indisponible ou déficient, obligeant les autres à s’ajuster en conséquence. Les participants concernés doivent être mobilisés et assurer la fonction qui leur est formellement attribuée. L’accident de Fukushima a pourtant montré qu’en situation réelle, certains acteurs pouvaient être indisponibles. La préfecture n’a pu être opérationnelle que tardivement car ses locaux avaient été détruits par le tsunami et le tremblement de terre. Lors de plusieurs incidents réels, survenus notamment pendant la nuit dans des centrales françaises, les opérateurs sur site ont rencontré des difficultés pour réveiller les agents d’astreinte à leur domicile (téléphones éteints, sur vibreur, dans une autre pièce, agents dormant avec des boules Quies…), obligeant à recomposer l’organisation de crise de l’exploitant.

52Le scénario est donc élaboré en définissant des séquences d’actions réalisées selon les attributions de chacun. Ainsi, par exemple, le scénario prévoit que des forces d’intervention rapide appartenant à l’exploitant, mais externes au site accidenté, seront dépêchées sur place pour réaliser une action permettant de refroidir le réacteur, mais sans que ne soit scénarisée la coordination avec les autres forces de secours. Certains participants sont perplexes quant aux possibilités d’entrainement au niveau des collaborations inter-organisationnelles :

J’ai l’impression qu’il y a des organisations à droite et à gauche qui travaillent ensemble. Moi je n’ai jamais travaillé avec des flics et des pompiers. Je les ai vus, mais je n’ai jamais travaillé avec eux. Ce serait bien qu’il y ait un vrai site, avec une base arrière et une vraie coopération sur le terrain, y a un barrage de pompiers, et comment tu fais pour passer ? Est-ce qu’ils te laissent rentrer ? Est-ce qu’ils viennent t’aider ? Faire une opération compliquée, quelque part, avec plein de monde, ça demande une organisation millimétrée et on a plus de chance si on est habitué à faire de la vraie collaboration (un participant côté exploitant, entretien 2018).

53Plus fondamentalement, l’exercice contribue à reproduire les hiérarchies intra- et inter-organisationnelles prévues dans l’organisation nationale de crise. Le scénario ne conduit pas les participants à remettre en cause les lignes officielles de commandement ou d’information, sortir de leur rôle, ou inventer de nouvelles relations à partir notamment de collaboration entre acteurs sur le terrain. On n’observe nul phénomène de désectorisation, au sens où les frontières entre secteurs ou organisations s’effaceraient pour laisser la place à des situations plus « fluides » (Dobry, 2009) ; on assiste au contraire au maintien, voire au renforcement, des frontières entre organisations, de leurs compétences et de leurs procédures respectives. Ainsi n’est-il pas envisageable de jouer l’indisponibilité de certains participants, car cela reviendrait à les priver d’une occasion d’entrainement. En outre, cela pourrait donner à d’autres la possibilité de faire la démonstration de leurs capacités et légitimité à assumer de nouvelles prérogatives. Le scénario risquerait alors d’offrir aux participants l’occasion d’accroître le pouvoir qu’ils détiennent sur les autres participants.

54Le scénario ne doit pas laisser la possibilité de venir altérer les relations régulières qu’entretiennent régulateurs et exploitants autour de la sûreté des installations en situation normale. Il doit au contraire reproduire ces relations dans un contexte perturbé. Ainsi, après avoir introduit au début de la décennie 2000 des scénarios plus « sournois », impliquant des défaillances complexes, l’IRSN a dû, sous la pression d’EDF notamment, revenir à des scénarios plus classiques (Suchet, 2015, p. 217-220). La nature et l'ampleur des perturbations prévues par les scénarios sont restées inchangées suite à l'accident de Fukushima, comme nous l’ont confirmé des scénaristes de l’IRSN. Cela traduit la position de pouvoir que possède cet exploitant dans le système de relations qu’il entretient avec les autorités de contrôle et de régulation, et la difficulté mais également la volonté de ces derniers de ne pas la contester frontalement.

55Le scénario intègre avant tout le besoin de construire des routines autour d’un événement qui échappe pourtant à l’ordinaire des organisations. Plus qu’un entraînement face aux perturbations organisationnelles, il s’agit d’acquérir des automatismes devant le caractère rare de ces situations. L’enjeu pour les participants est d’apprendre à respecter ces cadres tacites en renfort de ce qui est prévu par le scénario – conduisant ainsi à une représentation ordonnée de la crise qui perd son caractère extraordinaire et déstabilisateur. L’exercice est une manière de socialiser les participants à ces routines, de les familiariser à une série d’exigences procédurales, techniques et institutionnelles de la gestion de crise qui rend ainsi la crise réelle moins redoutable. Du même coup, la complexité des situations jouées est toute relative, quand bien même le propre des crises est de projeter les participants dans une situation devenue soudain incertaine, instable et menaçante (Lagadec, 1988 ; Gilbert, 1992).

56La perte de sens caractéristique des situations de crise (Weick, 1993) est ainsi évacuée au profit d’une situation d’ambiguïté limitée. Cela permet de maintenir les relations entre participants dans un cadre qui leur est familier, en limitant les sources de tension ; celles-ci existent toujours mais elles ne remettent en cause ni le rôle des différents acteurs, ni l’organisation de la gestion de crise. Celle-ci étant elle-même directement calquée sur le fonctionnement ordinaire des organisations « par temps de paix », pour reprendre une métaphore militaire souvent employée dans la gestion de crise. Aussi, en perpétuant ces relations de pouvoir par-delà un contexte perturbé, les exercices contribuent au processus de normalisation de la gestion de crise.

Les monde du nucléaire et de la sécurité civile

57Si la partie du scénario qui concerne l’installation nucléaire est très écrite et procéduralisée, en revanche, à la mi-journée, lorsque les rejets dans l’environnement ont commencé et que la sécurité civile prend le devant de la scène, le jeu devient moins formalisé. Il s’agit alors de laisser au préfet le soin de prendre les mesures de protection des populations en fonction de ses propres contraintes. Cependant, les évènements n’en sont pas moins programmés pour se produire au moment souhaité du côté des acteurs de la sécurité civile. Le lancement d’une alerte ou l’évacuation d’une école doit se produire au moment attendu en intégrant les contraintes horaires des participants. Cela inclut également l’heure à laquelle la décision de protection des populations du préfet est attendue. Les plans de secours doivent être appliqués successivement et sans résistance particulière des populations. Dans le volet tourné vers la sécurité civile, beaucoup d’actions sont réalisées « sur table » sans être ensuite suivies d’effet. Ainsi, pendant le laps de temps prévu où le préfet attend que l’IRSN et l’exploitant proposent des périmètres de protection des populations, la pression susceptible de venir de la population dans l’attente de sa décision n’est pas simulée.

58Le scénario de l’exercice s’inspire moins d’une situation vécue que d’une construction sociale de la situation de crise élaborée à partir du fonctionnement ordinaire des organisations. Les participants tendent à s’accorder sur une projection de la réalité qui permet à chacun de maintenir son périmètre d’action et sa zone de légitimité. L’ASN comme l’IRSN doivent pouvoir tenir leurs rôles respectifs dans le dispositif de gestion de crise. L’IRSN comme l’exploitant doivent pouvoir procéder à un diagnostic et un pronostic (par la modélisation) de l’installation de manière relativement rapide et tenter de converger dans leurs avis. L’industriel doit pouvoir garder le contrôle sur les défaillances techniques. Les prises de décision relatives à la protection des populations doivent pouvoir être prise par le préfet sur la base des éléments fournis. Il revient ensuite à la préfecture d’adapter ces recommandations au contexte local (densité de population, moyens disponibles, intérêts économiques…).

59Pourtant, en cas de crise réelle, le préfet pourrait ne pas être toujours en mesure d’attendre les préconisations de l’ASN et de l’IRSN face à une population inquiète qui déjà adopte des comportements spontanés d’évacuation ou de récupération des enfants dans les écoles.

60Lorsqu’il est décidé de faire participer – à titre d’entraînement – la population civile (riverains, écoliers…), on s’est assuré en amont des conditions de leur intervention. À titre d’exemple, il est conseillé à ce préfet par un de ses collaborateurs de préférer l’évacuation de l’école plutôt que du club de tennis à proximité, parce qu’« on ne sait pas qui sera présent au tennis club à ce moment-là et ça risque de ruer dans les brancards ». L’évacuation d’école est souvent choisie non seulement en raison de l’enjeu que constitue auprès du public la réussite d’une telle opération, mais aussi parce qu’il s’agit d’un type d’organisation qui accepte généralement de participer et pour qui cela se passe souvent sans encombre, même si d’autres contraintes viennent s’ajouter : par exemple, il n’est pas possible de jouer la mise à l’abri au-delà de la sortie des classes. Ainsi, le comportement des populations ne vient jamais perturber le fil de l’exercice.

61Si dans le cas des exercices nationaux classiques, ce comportement est rarement scénarisé, il peut l’être dans le cadre des exercices gouvernementaux qui se tiennent tous les trois ans, les SecNuc. On trouve par exemple dans le dossier d’animation de l’un de ces exercices les fiches qui ont été distribuées tout au long de la journée aux participants. Elles portent sur des éléments qui bien qu’extérieurs à la centrale sont constitutifs, selon les scénaristes, d’une crise : mobilisations d’associations anti-nucléaires sur différents sites, inquiétudes et demandes de droit de retrait des forces de l’ordre, ruée sur les comprimés d’iode, habitants qui refusent d’évacuer, tensions dans les prisons et dans les écoles, inquiétudes des agriculteurs, dégradations et vols… L’objectif est de faire jouer les différents ministères, dont chacun dispose d’une cellule de crise, mais sur des demandes qui demeurent limitées au cadre de chacun, sans nécessairement requérir une coordination avec d’autres participants. Les perturbations introduites dans le scénario sont ainsi faiblement déstabilisatrices dans la mesure où quelle que soit la décision prise par les pouvoirs publics, et le délai qui est laissé aux acteurs de la sécurité civile pour appliquer cette décision, le scénario prévoit que sa mise en œuvre se déroule sans heurt.

62La décision prise, enfin, est sans conséquence. Si les périmètres d’évacuation sont inférieurs à ce qui était attendu, les conséquences des retards et manquements dans les prises de décision ne sont pas scénarisés : le scénario suit son déroulement technique, les actions sur le réacteur nucléaire sont poursuivies par les opérateurs et les évolutions planifiées, indépendamment de ce qui peut se passer en dehors des murs de l’enceinte pour la population. Or, l’accident de Fukushima a montré que le volet sécurité civile est susceptible d’interférer avec les actions conduites sur le réacteur : pendant plusieurs heures il a été décidé de ne pas relâcher de la vapeur radioactive dans l’environnement – au risque de mettre le réacteur sous pression, avec un risque d’explosion – car la population alentour n’avait pas encore été évacuée.

63Les contours des rôles et périmètres d’action de chacun se déclinent sans heurt au fil de l’exercice. La démonstration de l’efficacité de ces schémas institutionnels et organisationnels face aux situations de perturbations et d’incertitude, contribue ainsi au processus de normalisation de la gestion de crise.

Conclusion

64Il est désormais possible d’expliciter les mécanismes de construction de ce qui s’apparente à une routinisation de la préparation à la gestion de crise, observée dans de nombreuses organisations (Foures, 2011). En évitant de mettre à l’épreuve leur fonctionnement ordinaire face à un événement extraordinaire, l’écriture des scénarios demeure centrée sur la construction d’une réalité procédurale – au sens d’un respect des réglementations et des procédures – de la crise. Quand bien même les scénaristes souhaiteraient concevoir des exercices « plus proches de la réalité » – expression qu’il faut entendre ici comme « plus complexes » –, les relations de pouvoir dans lesquels leur travail s’inscrit limitent le champ des possibles. Qu’il s’agisse notamment du préfet ou de l’exploitant, ils sont en mesure à différents moments du processus de faire valoir leurs intérêts, afin de maintenir l’exercice dans les cadres décrits plus haut. Bien que les participants se plaignent ensuite du caractère très normé – et donc prévisible – du déroulement des exercices, la somme des pressions qui s’exercent sur les scénaristes en amont conduit à proposer des formats peu dérangeants.

65Ainsi se dessinent dans les exercices un espace et une séquence d’événements qui respectent un ordre préétabli, ainsi que les catégories cognitives et normatives des organisations. Ces catégories proposent à leur tour une vision de la crise qui demeure maîtrisable, autrement dit gouvernable. En ce sens les scénarios constituent des outils de normalisation de la gestion de crise permettant de construire une réalité, muée dans le « concret » et « l’observé » en donnant à voir dans le jeu la possibilité de maîtrise de cette réalité – loin de ce à quoi une crise dans le « monde » (Boltanski, 2009) pourrait ressembler.

66Notre étude suggère plus généralement que les exercices de gestion de crise, comme instruments d’action publique mais aussi outils de management dans les entreprises, ne sont pas dissociables du fonctionnement général des organisations concernées, dont ils sont devenus le prolongement. Ce résultat nous conduit à prendre nos distances avec les travaux qui insistent sur la mise en place et la généralisation de dispositions extraordinaires dans l’anticipation des crises, dans le cadre de ce qui serait devenu un « état d’exception permanent » ou un « nouveau normal » (Agamben, 2005 ; Keil & Ali, 2007 ; Aradau & Van Munster, 2011). Notre étude montre qu’il s’agit plutôt d’une extension du fonctionnement ordinaire des organisations (Borraz & Gisquet, 2019).

67Dès lors, une réflexion sur la construction des scénarios oblige à considérer dans quelle mesure il est acceptable, dans les situations d’entrainement, de remettre en cause les conventions procédurales, techniques et institutionnelles à l’œuvre dans la vie ordinaire des organisations ; autrement dit, dans quelle mesure la rationalité fictionnelle peut venir perturber l’institution de réalité. L’exemple du nucléaire suggère que cette perturbation doit demeurer limitée, afin de ne pas provoquer de tensions ou de changements qui pourraient ensuite rejaillir sur la gouvernance de cette filière.

68À l’inverse, la pandémie de Coronavirus qui a débuté en 2020 vient souligner l’intérêt de s’émanciper des conventions d’exercices qui s’inscrivent dans le prolongement des organisations, si l’on entend se préparer à la gestion de situations radicalement inédites. Elle appelle en particulier à réfléchir à des dispositifs de préparation qui sortent des cadres entendus de la simulation, auxquels la crise semble échapper : qu’il s’agisse du cadre procédural – du fait de la difficulté à activer les différents plans et à les coordonner entre eux – ; du cadre technique –les incertitudes sur la cinétique de l’épidémie empêche de suivre des doctrines en la matière – ; ou encore du cadre institutionnel – avec de nombreuses improvisations et créations d’organisations ad hoc dans les premiers temps de la crise. Avec la crise du Coronavirus se pose donc la question de réaligner la préparation à la gestion de crise sur l’occurrence de situations d’incertitude radicale.

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Notes

1 SGDSN, Plan national de réponse à un accident nucléaire ou radiologique majeur, 2014.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Elsa Gisquet et Olivier Borraz, « Simuler une crise : la construction de la réalité dans les exercices d’accident nucléaire  », Sociologie [En ligne], N° 4, vol. 11 |  2020, mis en ligne le 06 octobre 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sociologie/7581

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Auteurs

Elsa Gisquet

elsa.gisquet@irsn.fr
Sociologue, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - IRSN, Laboratoire en Sciences Humaines et Sociales, BP 17, 92262 Fontenay-aux-Roses cedex, France

Olivier Borraz

olivier.borraz@sciencespo.fr
Directeur de recherche CNRS, sociologie, Sciences Po, Centre de sociologie des organisations, CNRS - CSO, 19 rue Amélie, 75007 Paris, France

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