Nucléaire : le projet de piscine d’EDF sur le site d'Orano La Hague fait des remous

Le projet de nouvelle piscine pour des combustibles nucléaires usés qu’EDF veut construire sur le site d’Orano suscite des débats et des inquiétudes. La concertation se poursuit.

Sur cette photo aérienne du site d'Orano la Hague figure en rouge l'emprise sur laquelle EDF souhaite implanter une première piscine, puis une seconde à terme.
Sur cette photo aérienne du site d’Orano la Hague figure en rouge l’emprise sur laquelle EDF souhaite implanter une première piscine, puis une seconde à terme. (©EDF)
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La concertation s’est ouverte ce lundi 22 novembre 2021 autour du projet de nouvelle piscine pour des combustibles nucléaires usés qu’EDF veut construire sur le site d’Orano la Hague. Avec des premiers débats critiques, notamment sur la localisation. La concertation se poursuit jusqu’au 18 février. Plusieurs rendez-vous sont programmés.

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Concertation publique

« On nous dit : la piscine sera implantée là ! Vous n’employez même pas du conditionnel. Alors sur quoi nous demandez-vous de nous prononcer ? », s’interroge ainsi une habitante « citoyenne » de la Hague, lors de cette première réunion.

« Ce sont des poupées russes », résume Jean-Daniel Vazelle, un des deux garants de la concertation publique sur le projet de piscine EDF sur le site d’Orano la Hague.

La question de la nécessité de construire cette piscine d’entreposage de combustibles usés, commente-t-il, « a été tranchée lors du débat sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, en 2020. Nous sommes aujourd’hui sur le projet du maître d’ouvrage. »

Détails du projet

Trois bâtiments permettront l’accueil des emballages de transport, le déchargement des assemblages de combustibles usés et leur entreposage sous eau. Les bâtiments s’étendront sur 200 mètres de long et 100 de large, avec une élévation de 25 mètres au plus haut, une piscine semi-enterrée et bunkérisée. Le bassin mesurera 70 mètres sur 30, soit 20 000 m3 d’eau. La température de cette eau sera d’environ 50°C dans la piscine, refroidie par des échangeurs avec des aéro-réfrigérants.

L’Autorité de sûreté nucléaire a donné en juillet 2019 un avis favorable sur le dossier d’options de sûreté. La demande d’autorisation de création d’une nouvelle installation nucléaire doit être déposée en 2023 pour un décret d’autorisation espéré en 2026 ou 2027, après enquête publique. La mise en service est prévue en 2034.

1,25 milliard, c’est le coût estimé par EDF pour la construction de la piscine d’une capacité de 6 500 tonnes, soit environ 13 000 assemblages, de combustibles usés sur le site d’Orano. Un deuxième bassin pourrait par la suite être adjoint.
Le chantier devrait mobiliser jusqu’à 500 personnes, l’exploitation une centaine.

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Avenir incertain pour le Mox

Ce projet, c’est une piscine d’une capacité de 6 500 tonnes offrant de nouvelles possibilités d’entreposage de combustibles nucléaires usés. Il s’agit, explique EDF, d’éviter une saturation des piscines d’Orano la Hague, en offrant une solution de longue durée -plusieurs dizaines d’années- pour les combustibles Mox dont on ne sait aujourd’hui s’ils seront à nouveau retraités.

Une soixantaine de personnes, habitants de La Hague ou représentants d'associations, ont participé à la première réunion publique de concertation autour du projet de piscine EDF sur le site d'Orano.
Une soixantaine de personnes, habitants de La Hague ou représentants d’associations, ont participé à la première réunion publique de concertation autour du projet de piscine EDF sur le site d’Orano. (©La Presse de la Manche)

Lundi soir, pour la première réunion publique de concertation à la salle des fêtes de Beaumont, Olivier Giraud et Thibaud Michel, respectivement directeur et chef de projet pour EDF, ont justifié le choix du site de la Hague :

Disponibilité d'un foncier industriel, caractéristiques techniques du terrain, facilité pour la logistique et les transports, présence d'un tissu industriel.

« Belleville-sur-Loire (Cher) s’est surtout mobilisé contre ce projet », rétorque une Bellevilloise, venue spécialement suivre cette concertation.

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Greenpeace pas convaincu

Il y a un terme, aussi, qui chiffonne Greenpeace : cycle du combustible. « Le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire a recommandé de ne plus utiliser ce terme qui fait croire que cela tourne en circuit fermé. Il n’y a qu’1 % du combustible, le plutonium, qui est réellement recyclé », insiste Yannick Rousselet.

EDF s’en défend. « Les 95 % d’uranium issus des combustibles usés étaient réutilisés jusqu’en 2010 et nous allons reprendre en 2023. Cet uranium de retraitement, l’URT, sera chargé dans les quatre réacteurs de la centrale de Cruas et dans trois réacteurs de 1 300 MW. Nous serons ainsi en mesure de résorber tout le stock. »

Ce qui ne convainc pas Greenpeace : « 90 % de cet uranium restera en Sibérie… »

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« On le sait, la zone est pourrie »

Les interrogations autour du projet de piscine demeurent en tout cas nombreuses, on a pu le mesurer lundi.

« Tout le monde le sait, la zone Nord-Ouest du site d’Orano est pourrie », relève un habitant de Jobourg. Guy Vastel, qui suit de près ces pollutions pour l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO), est plus précis. 

C'était la première zone de stockage du site, avec des tranchées en pleine terre. Nous sommes aussi proches du Silo 130, et 60 hectares avaient été contaminés par une fuite de césium...

L’assainissement du site sera à la charge d’Orano, rappelle EDF. Des analyses doivent être réalisées pour un plan de gestion de ces terres, mais le dossier n’a pas encore été transmis à l’Autorité de sûreté nucléaire.

Très proche nappe phréatique

Guy Vastel rappelle aussi que la nappe phréatique est proche, à quatre ou cinq mètres de la surface. « Et vous allez creuser sur vingt à vingt-cinq mètres pour enterrer en partie la piscine. Comment allez-vous faire ? » « Treize hectares urbanisés sur les plateaux », constate un autre habitant de la Hague, qui rappelle qu’il y avait eu un décès lors d’inondations dans les années quatre-vingts.

Manuela Mahier, maire de La Hague, insiste aussi sur le caractère remarquable du site. « Nous vivons aussi du tourisme », souligne-t-elle, relayant des inquiétudes sur l’évacuation des terres, des norias de camions qui vont obliger à requalifier la voirie ou encore les parkings qui pourraient grappiller d’autres terrains agricoles… « La vie va-t-elle être bouleversée ? », questionne-t-elle.

D’autres réunions et ateliers

La concertation sur le projet va durer jusqu’au 18 février. Deux autres réunions publiques sont programmées le 4 janvier aux Pieux et le 15 février à Beaumont. Trois ateliers sont aussi prévus : le 15 décembre à Beaumont sur la gestion du chantier, le 11 janvier à Cherbourg sur les enjeux socio-économiques et le 2 février sur l’insertion dans l’environnement.

Des rencontres sont aussi prévues sur les marchés ou sur les réseaux sociaux à destination des jeunes. Un site internet est ouvert : projet-piscine.edf.fr.

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