L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a annoncé, mercredi 9 mars, que le site nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, avait été complètement déconnecté du réseau électrique en raison d’actions militaires russes, ravivant les craintes liées à l’état des installations. Le directeur général de l’AIEA, Rafael Mariano Grossi, a dénoncé une « violation » de l’un des piliers fondamentaux de la sûreté nucléaire mais a affirmé que cette coupure n’avait pas, à ce stade, « d’impact majeur ». Selon les autorités ukrainiennes, le site, désormais aux mains des Russes, dispose de générateurs de secours et de suffisamment de diesel pour fonctionner pendant quarante-huit heures.
Actuellement, 20 000 assemblages de combustibles usés sont stockés dans la piscine d’entreposage du site. Après avoir été utilisé dans un réacteur, le combustible usé est encore radioactif et dégage de la chaleur : il est alors entreposé dans une « piscine » – un bassin rempli d’eau – pour être refroidi. Une fois que sa radioactivité et sa puissance thermique ont suffisamment décru, au bout de quelques années, il peut être transporté pour être, en général, transféré vers des sites d’entreposage à sec.
L’alimentation électrique est nécessaire pour que l’eau de la piscine, qui peut contenir de petites quantités d’isotopes radioactifs, soit pompée et nettoyée, et pour réintroduire de l’eau froide. Faute d’alimentation, l’eau va se réchauffer et pourrait, en théorie, commencer à s’évaporer, de même que certains isotopes radioactifs présents dans l’eau.
Suivi à distance impossible
A Tchernobyl, toutefois, les combustibles usés, qui étaient en cours de transfert vers un entreposage à sec, ont eu des décennies pour refroidir. En raison du temps qui s’est écoulé depuis l’accident nucléaire de 1986 à Tchernobyl, « la charge thermique de la piscine et le volume de l’eau de refroidissement sont suffisants pour assurer une évacuation efficace de chaleur sans électricité », a assuré l’AIEA. L’évaluation du « gendarme » onusien du nucléaire est « compréhensible compte tenu de l’âge du combustible nucléaire », et cela « réduit considérablement le risque de contamination à l’intérieur du bâtiment », a réagi sur Twitter Claire Corkhill, professeure, à l’université de Sheffield (Royaume-Uni), spécialiste de la dégradation des matières nucléaires
Dans une note sur la situation en Ukraine publiée le 25 février, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) explique également que les études réalisées après l’accident de la centrale de Fukushima, au Japon, sur les conséquences d’une perte totale du refroidissement de la piscine, montrent une montée lente en température de l’eau de la piscine (jusqu’à une température de l’ordre de 60 °C) mais pas de découvrement des assemblages – c’est-à-dire que les combustibles seraient toujours maintenus sous l’eau.
Si le risque de fuite radioactive paraît donc en l’état limité, la situation de la centrale n’en est pas moins préoccupante. La transmission à distance des données des systèmes de contrôle des niveaux de radioactivité est également interrompue et il est donc impossible de suivre ce qui se passe sur place. L’AIEA a également réaffirmé, mardi, son inquiétude quant à la situation « stressante et particulièrement difficile » des quelque 200 personnes qui travaillent sur le site, et qui n’ont pu quitter les lieux depuis la prise de contrôle de la zone par les forces armées russes le 24 février.
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