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Russian President Vladimir Putin looks over a model of TU-160 strategic bomber 'Pavel Taran' which carried him to the air field of Olenegorsk, in Murmansk region, Russia, on August 16, 2005. Photo by Alexei Panov/ITAR-TASS/ABACAPRESS.COM.
ALEXEI PANOV / TASS / ABACA

Vladimir Poutine, le culte de la guerre

Par  et
Publié le 22 avril 2022 à 17h00, modifié le 25 avril 2022 à 15h42

Temps de Lecture 16 min. Read in English

Dmitri Siline affiche un grand sourire. Ce 8 avril, ce petit entrepreneur d’Ivanovo, au nord-est de Moscou, distribue gracieusement des exemplaires de 1984, de George Orwell. Le célèbre roman décrivant l’enfer du totalitarisme après une guerre nucléaire connaît un véritable engouement en Russie. Selon le quotidien économique Vedomosti du 12 avril, ses ventes s’envolent. Mais l’initiative du libraire improvisé, pris sur le vif par une photo publiée sur les réseaux sociaux, tourne court. Aussitôt interpellé, il doit désormais répondre du délit de… « dénigrement de l’armée russe » au tribunal. Une accusation qui témoigne jusqu’à l’absurde de l’ordre martial régnant dans ce pays, où même le mot « guerre » est interdit.

Pour ne pas avoir à l’employer, en risquant une peine de quinze ans de prison, les derniers médias russes indépendants se sont sabordés. Soumis à la même pression, les citoyens qui osent défier cette loi du 4 mars sont poursuivis. La guerre en Ukraine n’existe pas. C’est une « opération militaire spéciale » déclenchée par Vladimir Poutine, le 24 février, pour asservir un pays voisin, éliminer son président, Volodymyr Zelensky, et un gouvernement qualifié de « junte nazie » . « La guerre présuppose que le pays contre qui vous la faites est indépendant, or Poutine ne reconnaissant pas l’Ukraine, il s’agissait dans son esprit d’une opération de police », souligne l’historienne Françoise Thom, spécialiste de l’URSS et de la Russie. La résistance ukrainienne a ruiné, du moins dans la première phase des combats, les plans du Kremlin. Reste l’interdit.

Au pouvoir depuis plus de vingt ans, Vladimir Poutine a mené quatre guerres en utilisant le même subterfuge. La deuxième guerre de Tchétchénie (1999-2009), lors de laquelle il n’avait pas hésité à poser aux commandes d’un avion de chasse Soukhoï, était une « opération antiterroriste ». La guerre de 2008 en Géorgie, une campagne « pour défendre ses citoyens » dans les régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, où des passeports russes avaient été distribués. Celle commencée en 2015 en Syrie, rien d’autre qu’une « intervention », faite « à la demande » de son allié Bachar Al-Assad, pour lutter « contre des terroristes internationaux ». En 2014, dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine, la présence de soldats russes sur le terrain a tout simplement été niée.

A bord de leur camion, des soldats russes saluent des photographes à leur manière, alors qu’ils s’apprêtent à pénétrer en Tchétchénie depuis l’Ingouchie, le 28 décembre 1999.

La guerre ne fait pas partie du vocabulaire du chef du Kremlin, sauf lorsqu’il s’agit de la « grande guerre patriotique » de 1941-1945, dont la commémoration, le 9 mai, n’a cessé de dériver, année après année, en manifestations de plus en plus grandioses, au service, non pas du souvenir, mais d’une préparation des esprits au sacrifice de soi et à l’idée que la Russie serait, comme hier, assiégée. Il aurait sans doute fallu prêter plus d’attention aux menus objets – ces petits chaussons de feutre en forme de char, par exemple – qui se sont répandus dans les marchés russes, ou à ces capots de voiture couverts de messages agressifs faisant allusion à la prise de Berlin en 1945 : « Nous pouvons le refaire ».

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