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Découverte d’un sac de déchets contaminés


Victoires / Installation : Cruas


Le 6 novembre 2015, lors des contrôles radiologiques systématiques avant la sortie du site, les techniciens de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse détectent de la radioactivité sur une benne de déchets conventionnels. Des contrôles complémentaires ont permis de détecter que des éléments présents dans cette benne étaient contaminés. Le Réseau "Sortir du nucléaire" a déposé une citation directe à l’encontre d’EDF.

Extrait du journal de 18h France Bleu Drôme-Ardèche du 22/01/2019
La centrale nucléaire de Cruas-Meysse © EDF


Le site nucléaire de Cruas-Meysse

Le site de Cruas-Meysse abrite la centrale nucléaire exploitée par EDF dans le département de l’Ardèche, sur le territoire des communes de Cruas et de Meysse.

Cette centrale nucléaire est constituée de 4 réacteurs à eau sous pression d’une puissance de 900 Mwe chacun. Les réacteurs n° 1 et 2 constituent l’installation nucléaire de base (INB) n° 111, les réacteurs n°3 et 4 constituent l’installation nucléaire de base (INB) n° 112.

Dans son appréciation 2015, l’ASN considère que les performances en matière de sûreté nucléaire de cette centrale sont en retrait par rapport à l’appréciation générale des performances que l’ASN porte sur EDF. L’ ASN relève que, depuis 2014, la rigueur d’exploitation de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse est insuffisante et que l’année 2015 a été marquée par une fragilité sur le respect des spécifications techniques et la rigueur d’exploitation. Dans un contexte de maintenance très chargé, la centrale nucléaire de Cruas-Meysse continue à présenter en 2015 des faiblesses sur la fiabilisation des activités de maintenance. En matière de protection de l’environnement, l’ASN considère que la centrale nucléaire de Cruas-Meysse reste en retrait par rapport à l’appréciation générale portée sur EDF. En matière de radioprotection, l’année 2015 est dans la continuité des années précédentes, avec une dosimétrie qui est maîtrisée, mais des difficultés à obtenir des niveaux satisfaisants de propreté radiologique lors des arrêts de réacteur et un défaut de maîtrise des accès aux zones présentant de forts enjeux dosimétriques. Du point de vue de l’hygiène et sécurité au travail, l’ASN constate que les résultats en matière d’accidents du travail demeurent insuffisants et, pour la troisième année consécutive, le site se retrouve en retrait du parc nucléaire d’EDF avec un taux de fréquence d’accident médiocre même s’il n’y a pas eu d’accident grave à déplorer en 2015.

Un nouveau problème de gestion des déchets contaminés sur un site nucléaire

Le 6 novembre 2015, lors des contrôles radiologiques systématiques avant la sortie du site, les techniciens de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse détectent de la radioactivité sur une benne de déchets conventionnels. Des contrôles complémentaires ont permis de détecter que des éléments présents dans cette benne étaient contaminés.

Le 10 novembre, des investigations permettent d’identifier qu’un sac contenant des combinaisons papier et des surbottes issues de la zone nucléaire est présent dans la benne alors qu’il n’aurait pas dû être orienté vers cette filière de déchets. Le sac concerné a été pris en charge et réorienté vers le bâtiment de conditionnement des déchets radioactifs.

Le 16 novembre 2015, la direction de la centrale EDF de Cruas-Meysse a déclaré cet événement environnement à l’ASN.

Cet incident a été constaté alors que, quelques jours avant, l’ASN réalisait une inspection sur le site portant sur la gestion des déchets nucléaires et conventionnels. Au cours de cette inspection, l’ASN a principalement contrôlé la mise en œuvre du plan d’action mis en place par le CNPE de Cruas-Meysse en 2015 pour retrouver la maîtrise de la gestion des déchets sur ses installations, notamment à la suite de différents écarts relevés par l’ASN en 2013 et 2014 et de la déclaration de plusieurs évènements significatifs pour l’environnement. EDF semble donc être coutumière de la mauvaise gestion de ses déchets sur le site de Cruas-Meysse.

Le 11 septembre 2013, le Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse avait déjà condamné EDF pour des faits similaires à la centrale nucléaire du Bugey suite à un déchargement de gravats radioactifs dans une carrière.

Le 11 mai 2016, le Réseau "Sortir du nucléaire" a donc déposé une citation directe à l’encontre d’EDF et du directeur de la centrale pour leur mauvaise gestion des déchets radioactifs sur le site de Cruas (voir la citation, en document joint). L’affaire a été examinée par le tribunal de police de Privas le 14 novembre (voir nos conclusions, en document joint) [1]. Elle a été mise en délibéré.

Le jugement a été rendu le 9 février 2018 : EDF et le directeur ont été reconnus coupables des infractions reprochées (voir le jugement, en document joint). EDF a été condamnée à 6 amendes de 1000 € chacune et le directeur à 6 amendes de 500 € avec sursis. Ils ont interjeté appel du jugement.

La cour d’appel de Nîmes a examiné l’affaire le 18 septembre 2018 [2]. L’affaire a été mise en délibéré et la décision a été rendue le 22 janvier 2019 : la cour d’appel a finalement confirmé en partie la condamnation prononcée en 1e instance à l’encontre d’EDF et du directeur en retenant deux infractions et les a condamnés respectivement à 2 000 euros et 1 000 euros avec sursis.

 

Téléchargez l’arrêt de la cour d’appel
Déchets Cruas - Arrêt CA Nîmes 22/01/19

Reportages France 3 et France Bleu :

Reportage France Bleu Ardèche

Notes

[1Compte-rendu de l’audience du 14/11/2017 :

Audience en présence de : présidente du tribunal, procureur, Me Aguera (avocat EDF), Monsieur Chanut (directeur CNPE Cruas), Monsieur Dion (directeur juridique EDF), Me Ambroselli (avocat des associations).

Association Réseau SDN a fait citer EDF pour déclaration tardive d’événement significatif, déclaration tardive d’élévation anormale de la radioactivité, manquement aux obligations de tri des déchets à la source, de caractérisation, conditionnement et étiquetage des déchets produits, de traitement et de transport des déchets produits, de traçabilité des déchets produits.

Conclusions de nullité :

Me Aguera : Joindre l’incident au fond. Article 551 du CPP et jurisprudence de la chambre criminelle. En cas de doute sur l’objet et la portée de l’acte, nullité de celui-ci car atteinte aux intérêts de la personne qu’il concerne. Prévention avec 6 chefs d’infraction. Or, règle non bis in idem. Deux catégories : faits expliqués sur les deux premières incriminations = pas de pb à la défense. EDF est parfaitement à même de connaître et de débattre et de plaider la relaxe sur ces faits. Les 4 autres infractions = « courant 2015 » : prescription sur une partie de l’année. Les faits ne sont pas datés. Ils ne sont pas précisés quant à la nature des manquements. Problème de nullité intrinsèque de la citation sur la capacité à agir. Article L 142-2 C. env : associations doivent être régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans. Mandat qui doit être précis. Association FNE ne produit pas de délibération conforme = vise le tribunal d’Uzès et des infractions à la législation sur les espèces protégées. FNE n’avait pas juridiquement la qualité pour agir. SDN Sud Ardèche ne dispose pas de l’agrément. Stop nucléaire 26-07 : pas agréée et qualité de Mme Malfay Régnier pas précisée dans le mandat. Nullité pour les autres infractions que les deux premières.

Me Ambroselli : sur manque de précision de la citation : 6 chefs de prévention. Les 4 derniers = vous discutez le fait que ce n’est pas daté. Nous avons précisé la date du résultat : découverte du sac contaminé. Chaîne de manquements qui a conduit à ce résultat. Pièce 18 : rapport d’événement significatif environnement d’EDF 19/11/2015. Nous n’avons aucune explication sur le pourquoi de ces déchets radioactifs. On nous reproche de pas être précis sur la date de la citation alors qu’EDF n’est pas en capacité d’expliquer ces manquements. Ces manquements ont pourtant bien eu lieu puisque le résultat est là. Ces faits ne sont pas datés. Près de 400 pages de pièces et des pages de conclusions qui montrent qu’EDF sait pertinemment de quoi on parle. Conclusions en nullité artificielles. 4 manquements aux règles techniques qui répondent à des objectifs différents. Cumul idéal d’infractions. Ex T. police de Tours. Règles techniques générales rappelées par EDF donc parfaitement connues par elle qui est la seule responsable des déchets de son installation. Citation valable parce que faite uniquement par le Réseau Sortir du nucléaire. Les autres associations sont parties civiles et la nullité avancée par la défense de leur mandat ne peut remettre en cause la validité de la citation.

Me Aguera : Etonné de la manière dont les choses sont présentées. On nous dit finalement que peu importe la manière dont on vous a cité parce que vous savez très bien pourquoi on vous a cité. Il faudrait respecter les règles de la procédure pénale !

Instruction : EDF exploite la centrale de Cruas. Radioactivité détectée le 6 novembre 2015. Déclaration de l’évènement le 16/11/15.

Me Ambroselli : Arrêté du 7 février 2012 : les règles générales sont visées par le décret de 2007. Jp T. police de Dieppe. Sur les infractions reprochées : Pièce n° 18 : série de tableaux où date du défaut et détail du défaut. Intérimaire va entrer dans le réacteur pour travaux de maintenance. Par une série de manquements, on en arrive à une situation ubuesque dans laquelle un exploitant n’arrive pas à comprendre le pourquoi du non respect des règles qu’il a fixées. Défaut de contrôle par EDF des sociétés de sous-traitance. ASN était venue quelques jours avant l’incident. « Une personne non identifiée sort les déchets de la zone contaminée. » Le technicien déchets est absent, en train de faire sa tournée des chantiers. Exploitant nucléaire : 1er responsable des déchets de son installation. Mais il dit que c’est le sous-traitant le responsable. Cause apparente n° 4 : entreprise sous-traitante part après la maintenance. « Personne ne se sent responsable de ces objets abandonnés. » Problème reconnu par EDF : tri à la source. Zones creuses qui font que plus personnes ne se sent responsable. On parle de déchets radioactifs. Il faut donc être particulièrement vigilant. Risque de dilution des responsabilités. On en arrive à une situation où EDF délègue à des personnes qui ne sont pas en mesure de connaître les règles qui s’appliquent. Pb de transport et de traitement des déchets radioactifs. Pb de traçabilité des déchets. Matérialité parfaitement caractérisée. Déclaration d’incident dans les 2 jours ouvrés (tolérance de l’ASN). Or, déclaration le 16.11. Cette règle a été reconnue comme applicable en droit pénal. Sur le retard de déclaration, deux intérêts distincts sont protégés par deux textes différents. Organisation de la responsabilité dans le cadre de la gestion des écarts et élévation anormale de la radioactivité de l’environnement. Déchets radioactifs = 157 000 Bq.

Procureur : je m’en remets à votre décision.

Me Aguera : irritation à la réception hier à 15h51 de conclusions de 38 pages alors que cette affaire a fait l’objet de 3 renvois. Nombre considérable de pièces. Ce n’est pas une décision de condamnation que l’on cherche, c’est une tribune. Tracts distribués. On aurait pu prendre le temps de répondre aux écritures dans les temps. « Cet intérimaire » a été répété plusieurs fois par mon confrère. Mais au nom de quoi venez-vous citer un intérimaire ? On va essayer de faire preuve de rigueur. L’environnement serait une valeur sociale différente = deux associations qui n’ont pourtant pas l’agrément. Rien ne sort des CNPE sans être étiqueté, répertorié et sans suivi dans des filières de traitement adaptées. Il y a les déchets radioactifs et les déchets conventionnels. 11 300 tonnes de déchets qui sortent de la centrale selon des normes. Il faut comparer ce qui est comparable : ce sont des mules en papier, des caleçons en papier, un rapport d’intervention et un sac à déchets vide qui ont été retrouvés. Poids total : 50g. Le 6/11 à 10h, un camion chargé de déchets conventionnels (20 m3) se présente successivement à deux portiques parce que la sécurité est redondante. Dans le premier portique, il ne déclenche pas l’alarme parce que difficile de détecter 20g au fond d’une benne de 20 m3. Puis le second portique (C3) qui, lui, se déclenche. Rien est sorti. Quand on fait des tracts on est précis. Ce portique est fait pour ça. Comparaison avec le portique à l’entrée du tribunal. Camion redirigé pour contrôles supplémentaires. Il y a un dysfonctionnement. ASN qui fait un travail rigoureux et sérieux. Ces éléments n’auraient pas dû se trouver au fond de la benne. Conditions difficilement retraçables. Formations que nous assurons. C’est quelqu’un qui a fait cela = c’est un incident qui n’a pas eu d’incidence sur l’environnement. Notion d’environnement = ce qui sort du site. Débat est celui de savoir si je commets une infraction pénale en déclarant cet incident le 16/11. Droit pénal : faut être précis et rigoureux. Nous sommes poursuivis sur la base de l’article 56 du décret de 2007. Ordonnance du 5 janvier 2012 : a modifié et codifié dans le Code de l’environnement. Le renvoi n’a pas été maintenu. On s’est aperçu de ce problème de renvoi qu’en 2016. Absence de base légale. Sur l’infraction sur le délai de déclaration : ASN = il est normal que le choses lui soient dites avec précision. Arrêté du 7 février 2012 : chaque événement significatif doit être déclaré dans les meilleurs délais. Jurisprudences citées par la partie adverse datent d’avant la modification législative. Concernent soit des anciens textes, soit des incidents (et non des évènements). Evènement significatif et meilleurs délais. Sur notion d’événement significatif : rien au niveau juridique. Ecart présentant une importance particulière. Notion de « dans les meilleurs délais » : avant on disait « sans délai ». Guide de 2005 : pas une source de droit. Il faut examiner ce qui s’est passé et ce qu’il en a été. Je suis aidé par la position de l’ASN : pas de conséquence, n’a pas émis d’observations et n’a pas dressé de PV. La déclaration, ce n’est pas simplement « nous vous signalons que nous avons arrêté une benne à un portique avec des déchets radioactifs ». Document avec des éléments précis à compléter. La première chose est la mise en sécurité par un service exclusivement chargé de cela. Le mardi 10/11 : on vide la benne. Procédure normée qui est mise en place. Fouiller les éléments un par un pour trouver ce qui a pu déclencher le portique. Le mercredi, c’est le 11/11. On déclare ou on ne déclare pas ? La question se posait dans la mesure où il n’y avait pas de conséquence pour l’environnement. Evénement significatif pour l’environnement (ESE) ou événement intéressant la radioprotection (EIR) ? Pour les EIR, un seuil est fixé. Lorsqu’on est en dessous du seuil, pas de déclaration à faire. Après discussion, l’ASN dit à EDF que, au regard de la définition, il s’agissait d’un événement de nature à potentiellement affecter l’environnement. Pas de seuil. On prépare alors le document de déclaration d’ESE et on l’envoie à l’ASN => le 16/11. Vrai problème de base légale. On n’a pas le monopole de l’autre côté de la barre de la sûreté et de la sécurité. 900 tonnes de déchets radioactifs produits chaque année et on vient chipoter pour un petit sac de déchets qui se trouve au fond d’une benne de 20 m3. Monsieur Chanut, je vous dis bravo pour l’avoir détecté.

Délibéré le 9 février 2018, à 9h.

[2Compte-rendu de l’audience en appel :

L’ancien directeur de la centrale, C. Chanut, et le responsable juridique étaient présents pour EDF, avec leur avocat Me Aguera. Pour les associations, Alain Joffre et Marie Frachisse étaient sur place avec notre avocat Etienne Ambroselli.

C. Chanut : Nous avons déclaré un évènement significatif environnement (ESE) à la demande de l’ASN. Mais les déchets ne sont jamais sortis du site. Il faut un délai pour procéder à la caractérisation, c’est-à-dire un temps d’analyse.

Responsable juridique : Le délai de 48h pour procéder à la déclaration d’évènement significatif est issu d’un guide de l’ASN de 2005, à une époque où la réglementation imposait une déclaration "sans délai". Aujourd’hui, celle-ci prévoit une déclaration "dans les meilleurs délais". Le guide ne vaut plus. Les déchets ne sont jamais sortis de l’INB.

C. Chanut : C’est EDF qui déclare. Tout est alors mis sur la place publique. L’ASN est le gendarme du nucléaire. Elle est au courant de tout. On ne lui cache rien. On doit être l’entreprise la plus contrôlée, tous domaines confondus.

Me Ambroselli : Ces déchets radioactifs ne sont pas si peu radioactifs que ça puisqu’ils viennent du coeur du réacteur. Les seuils sont très largement dépassés. Ce ne sont pas des déchets conventionnels. Sur les délais : il y a une jurisprudence établie sur cette question. Il s’agit simplement de déclarer un incident : déclarer avant toute analyse ou réflexion. On essaie de remettre la faute sur le dos d’un lampiste. Mais en lisant la pièce 18 d’EDF, on voit clairement qu’il y a 6 causes qui mettent en cause le respect des règles de sûreté, des causes à la fois humaines et organisationnelles. EDF est la première responsable de la sûreté de son installation.

Avocat général : Il y a deux infractions principales dans ce dossier : le non-respect des processus et les délais tardifs de déclaration d’incident. S’agissant d’une centrale nucléaire, on s’attend à beaucoup mieux de la part d’EDF dans sa gestion de celle-ci. Sur la déclaration, je n’ai pas été convaincu par les explications de Monsieur Chanut sur l’histoire des week-ends et des jours ouvrés. La radioactivité, elle, ne part pas en vacances. Je demande donc la confirmation de la décision de 1e instance.

Me Aguira : EDF est bien la 1e responsable de la sûreté de son installation. L’avocat général disait qu’on attendait l’excellence d’EDF. Ils ont raison. Ce n’est pas un capharnaüm. Tout est organisé. Nous sommes ravis de la sérénité liée aux débats (qui contraste avec l’ambiance de la première instance). Nous espérons que la CA fera preuve d’une rigueur autre que le tribunal de police. Au sein d’une INB, il y a un zonage. La règlementation française est rigoureuse en la matière. 2 filières d’évacuation des déchets en fonction du zonage : déchets contaminés / déchets conventionnels. Il y a deux portiques pour la sortie des déchets conventionnels : un portique de pré-détection et un portique de détection. Le camion de déchets conventionnels a passé le portique de pré-détection puis on a détecté quelque chose d’anormal au portique de détection et le camion est donc revenu en arrière. Le camion n’est donc pas sorti du site. Les associations devraient s’en réjouir. On a mis la benne en sûreté. La radioactivité ne s’arrête pas le samedi et le dimanche, mais l’ASN si. Et il y a des droits sociaux dans ce pays. On vide la benne et point par point, avec méticulosité, on cherche. L’ASN n’est pas un ennemi. On travaille ensemble. Pour les déchets qui ont été retrouvés, on parle de mules en papier, de serviettes en papier, des caleçons en papier, un sac de déchets radioactifs vide, un rapport de fin d’intervention. On parle de 0,11 microsieverts. C’est ce que l’on reçoit lorsque l’on fait un vol Paris-NYC. S’il y a deux portiques, c’est qu’ils sont utiles tous les deux. Sinon autant faire disparaître le second. Pourquoi ce sac s’est-il retrouvé là ? Certainement démarche d’un salarié d’une société sous-traitante qui a dû faire passer ces éléments par dessus les portiques de contrôle en sortie de zone. L’ASN n’a pas dressé de PV. Problème d’absence d’élément légal : article 30 de la loi du 13/06/2006, abrogé par une ordonnance de 2012. Subsidiairement, sur le délai de déclaration, le texte prévoyait avant "sans délai". Guide de l’ASN de 2005 non contraignant qui tolérait un délai de 2 jours. C’est une doctrine interne de l’ASN. Mais pas une base légale. Aujourd’hui, les textes prévoient "dans les meilleurs délais". La déclaration d’évènement est un document conséquent. Pas juste un fax. C’est un dossier. On s’est posé la question de savoir s’il fallait déclarer un évènement intéressant la radioprotection ou un évènement significatif environnement. Le second donne un droit de suivi à l’ASN donc celle-ci a demandé à ce que l’on déclare un ESE. C’est ce que nous avons fait.

Délibéré le 22/01/19.

Le site nucléaire de Cruas-Meysse

Le site de Cruas-Meysse abrite la centrale nucléaire exploitée par EDF dans le département de l’Ardèche, sur le territoire des communes de Cruas et de Meysse.

Cette centrale nucléaire est constituée de 4 réacteurs à eau sous pression d’une puissance de 900 Mwe chacun. Les réacteurs n° 1 et 2 constituent l’installation nucléaire de base (INB) n° 111, les réacteurs n°3 et 4 constituent l’installation nucléaire de base (INB) n° 112.

Dans son appréciation 2015, l’ASN considère que les performances en matière de sûreté nucléaire de cette centrale sont en retrait par rapport à l’appréciation générale des performances que l’ASN porte sur EDF. L’ ASN relève que, depuis 2014, la rigueur d’exploitation de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse est insuffisante et que l’année 2015 a été marquée par une fragilité sur le respect des spécifications techniques et la rigueur d’exploitation. Dans un contexte de maintenance très chargé, la centrale nucléaire de Cruas-Meysse continue à présenter en 2015 des faiblesses sur la fiabilisation des activités de maintenance. En matière de protection de l’environnement, l’ASN considère que la centrale nucléaire de Cruas-Meysse reste en retrait par rapport à l’appréciation générale portée sur EDF. En matière de radioprotection, l’année 2015 est dans la continuité des années précédentes, avec une dosimétrie qui est maîtrisée, mais des difficultés à obtenir des niveaux satisfaisants de propreté radiologique lors des arrêts de réacteur et un défaut de maîtrise des accès aux zones présentant de forts enjeux dosimétriques. Du point de vue de l’hygiène et sécurité au travail, l’ASN constate que les résultats en matière d’accidents du travail demeurent insuffisants et, pour la troisième année consécutive, le site se retrouve en retrait du parc nucléaire d’EDF avec un taux de fréquence d’accident médiocre même s’il n’y a pas eu d’accident grave à déplorer en 2015.

Un nouveau problème de gestion des déchets contaminés sur un site nucléaire

Le 6 novembre 2015, lors des contrôles radiologiques systématiques avant la sortie du site, les techniciens de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse détectent de la radioactivité sur une benne de déchets conventionnels. Des contrôles complémentaires ont permis de détecter que des éléments présents dans cette benne étaient contaminés.

Le 10 novembre, des investigations permettent d’identifier qu’un sac contenant des combinaisons papier et des surbottes issues de la zone nucléaire est présent dans la benne alors qu’il n’aurait pas dû être orienté vers cette filière de déchets. Le sac concerné a été pris en charge et réorienté vers le bâtiment de conditionnement des déchets radioactifs.

Le 16 novembre 2015, la direction de la centrale EDF de Cruas-Meysse a déclaré cet événement environnement à l’ASN.

Cet incident a été constaté alors que, quelques jours avant, l’ASN réalisait une inspection sur le site portant sur la gestion des déchets nucléaires et conventionnels. Au cours de cette inspection, l’ASN a principalement contrôlé la mise en œuvre du plan d’action mis en place par le CNPE de Cruas-Meysse en 2015 pour retrouver la maîtrise de la gestion des déchets sur ses installations, notamment à la suite de différents écarts relevés par l’ASN en 2013 et 2014 et de la déclaration de plusieurs évènements significatifs pour l’environnement. EDF semble donc être coutumière de la mauvaise gestion de ses déchets sur le site de Cruas-Meysse.

Le 11 septembre 2013, le Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse avait déjà condamné EDF pour des faits similaires à la centrale nucléaire du Bugey suite à un déchargement de gravats radioactifs dans une carrière.

Le 11 mai 2016, le Réseau "Sortir du nucléaire" a donc déposé une citation directe à l’encontre d’EDF et du directeur de la centrale pour leur mauvaise gestion des déchets radioactifs sur le site de Cruas (voir la citation, en document joint). L’affaire a été examinée par le tribunal de police de Privas le 14 novembre (voir nos conclusions, en document joint) [1]. Elle a été mise en délibéré.

Le jugement a été rendu le 9 février 2018 : EDF et le directeur ont été reconnus coupables des infractions reprochées (voir le jugement, en document joint). EDF a été condamnée à 6 amendes de 1000 € chacune et le directeur à 6 amendes de 500 € avec sursis. Ils ont interjeté appel du jugement.

La cour d’appel de Nîmes a examiné l’affaire le 18 septembre 2018 [2]. L’affaire a été mise en délibéré et la décision a été rendue le 22 janvier 2019 : la cour d’appel a finalement confirmé en partie la condamnation prononcée en 1e instance à l’encontre d’EDF et du directeur en retenant deux infractions et les a condamnés respectivement à 2 000 euros et 1 000 euros avec sursis.

 

Téléchargez l’arrêt de la cour d’appel
Déchets Cruas - Arrêt CA Nîmes 22/01/19

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 Déchets radioactifs  Cruas