Une étonnante corporation sévit depuis quelques mois sur le réseau social Twitter. Baptisé « RICG » pour « Regroupement international des acteurs du charbon et du gaz », le syndicat fictif dit promouvoir les énergies fossiles dans le cadre de la transition énergétique. Une initiative pleine d’ironie pour interpeller sur le traitement parfois surprenant de l’énergie par les politiques, médias et associations.

Produire et distribuer de l’énergie, c’est bien plus complexe qu’il ne parait. Or, pour de nombreuses organisations et personnalités politiques, la question est très sommairement traitée. Par manque de connaissances, par stratégie purement politicienne ou par idéologie, ils soutiennent parfois des actions contraires à l’intérêt public, la transition énergétique et la nécessaire réduction des émissions de CO2.

Sur Twitter, un citoyen a trouvé une idée originale pour alerter sur cet aspect. Il a créé le « RICG » pour « Regroupement international des acteurs du charbon et du gaz ». Une organisation bien évidemment fictive, aux allures de syndicat industriel. Le compte reprend les codes de la communication institutionnelle avec énormément d’humour et d’ironie.

La page Twitter de l’organisation fictive RICG.

Des tweets satiriques sur l’énergie

« La France n’a jamais autant produit d’électricité à partir de gaz fossile en 7 ans. Le scénario Négawatt de 2011 commence enfin à s’appliquer » annonce-t-il. Le tweet vise en réalité à critiquer un passage du scénario de l’association Négawatt favorable au gaz naturel, une énergie très carbonée. « Les énergies fossiles, notamment le gaz naturel, assurent le complément de manière transitoire en attendant que les alternatives négawatt soient disponibles » annonçait en effet l’association.

« Les Pays-Bas produisent leur électricité à 95% issue de renouvelables. C’est la preuve, le 100% est faisable. Comme convenu, le gaz s’efface pour laisser place. Tandis qu’en France, l’entêtement du nucléaire nous place loin derrière » présente un autre tweet. Sur ces propos ironiques, une image montre l’intensité carbone de l’électricité, plus élevée aux Pays-Bas qu’en France, malgré 95% de renouvelables contre 32% dans l’hexagone. Une manière de critiquer la focalisation des médias sur le taux d’énergies renouvelables dans le mix, qui n’est pas systématiquement associé à une baisse des émissions de CO2.

Qui se cache derrière cette initiative ?

Nous avons interrogé le créateur du compte Twitter « RICG », qui souhaite rester anonyme. Ce dernier nous explique qu’il s’agit « surtout [d’] une blague d’un soir entre amis qui face aux incohérences et mensonges profonds répétés sans honte par de nombreux candidats à la présidentielle de 2022, se disent que ça serait marrant qu’un compte vienne juste liker ou répondre « on vous soutient ! C’est génial ce que vous faites ! » sous leurs tweets. ». Une initiative qui n’a « rien de méchant » précise-t-il, « juste un brin d’ironie pour ceux qui iront fouiller le profil et pourront se marrer. »

L’utilisateur du réseau social dit vouloir dénoncer « les mensonges, les incohérences ou les énormités » proférés sur l’énergie. S’il ne se décrit pas comme un opposant aux énergies renouvelables, il souhaite interpeller sur certains aspects polémiques. Il évoque notamment le discours antinucléaire qui promettrait l’indépendance grâce aux éoliennes et panneaux solaires « sans mentionner le backup fossile » et la provenance des matériaux, principalement chinoise.

Il s’insurge également contre ceux qui « défendent encore le modèle énergétique allemand ». Le pays abandonne en effet ses centrales nucléaires alors que son mix électrique est toujours extrêmement émetteur de CO2, malgré l’essor considérable des renouvelables.

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« La sphère pronucléaire contient son lot de zozos »

Il dit avoir créé le compte suite aux interventions de Yannick Jadot, l’ex-candidat écologiste à la présidentielle « qui a vraiment tout donné durant cette campagne ». Si ses tweets apparaissent parfois comme pronucléaires, il ne se considère pas ainsi. « La sphère pronucléaire contient son lot de zozos comme toute communauté, mais la plupart ont beaucoup d’humour et ont l’air de se préoccuper largement plus des fossiles que les écolos », explique-t-il.

« On ne s’interdit rien : blague sur les soudures, références aux problèmes de cuve et aux déboires de Flamanville, sur l’idéologie du « tout marché » de l’UE et des enrichissements inégalitaires, de la corruption, des associations qui virent sectaires comme XR France, des gens qui se rassemblent au large de la dune du Pilat en bateau diesel après les incendies pour tourner en rond « en soutien »… C’est aussi ça le but, qu’elle que soit l’actualité c’est de trouver un angle qui permet d’en rire et de polariser l’absurdité dans laquelle nous vivons » lance l’inconnu.

Alerter sur la manipulation d’informations et données scientifiques

Il affirme ne pas travailler dans le secteur de l’énergie. « C’est une thématique qui m’intéresse depuis quelques années, en tant que simple citoyen. Et comme j’ai été adhérent chez Greenpeace puis un peu proche de LFI (La France insoumise, NDLR), je connais bien les discours, les méthodes pour faire peur aux gens, les manipulations d’infos / données scientifiques incomplètes en vue de les faire donner et adhérer. C’est pour ça que j’arrive à tordre la réalité de cette manière au profit du charbon et du gaz, j’ai eu une très bonne formation chez eux », assure-t-il.

Selon lui, les personnalités politiques écologistes utilisent « les mêmes formules depuis 30 ans » et promettent « des emplois, du bonheur et de l’indépendance en achetant tout à la Chine ». Ils omettraient de parler de sobriété énergétique au peuple et « de ce que ça va vraiment signifier dans leurs quotidiens ».

« Si on veut continuer à avoir au minimum 800 références de yaourts par supermarché, de l’électricité à en climatiser les rues par les portes des magasins, de rouler seul dans une voiture de 2 tonnes, de continuer à vouloir satisfaire le moindre petit désir avec pour seul filtre l’argent : alors il ne faut rien changer, le modèle actuel est parfait. Pas très durable, mais parfait », s’agace-t-il.

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« On pourrait sombrer dans la déprime, on préfère se marrer tant qu’on peut »

Le citoyen en veut également à certains médias qui ne seraient pas suffisamment critiques et lancés dans une course aux clics néfaste à la qualité d’information. « Vous avez tout un circuit basé sur la génération de clics : sortir en premier l’info, ou sortir la plus grosse énormité sur une info qui va indigner et générer un max de réactions et donc de la viralité. Petit à petit, le modèle moyen s’approche de Fox News. L’investigation, le grand journalisme, les enquêtes à temps long ou simplement ‘C’est Pas Sorcier’, ça n’existe quasiment plus à la télé, un tout petit peu dans la presse papier » dit-il.

« Au final, les rares personnes que vous voyez courir sur les plateaux ça va être des personnes qui défendent des intérêts financiers, des climatosceptiques, rassuristes, ou des écolos […] qui ont défendu le gaz toute leur existence à coup de rapports pour au final venir vous parler vaguement de sobriété. Le tout entrecoupé de pubs pour des SUV » dénonce le twittos.

« Le mur de la réalité va être douloureux, mais comptez sur nous pour essayer d’en faire des blagues. […] On vit dans une dystopie, on pourrait sombrer dans la déprime, on préfère se marrer tant qu’on peut » se résigne-t-il.

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