Le Parlement valide le choix de Luc Rémont à la tête d'EDF

Le nom de l'actuel numéro deux de Schneider Electric avait été proposé par l’Élysée pour occuper les fonctions de PDG d'EDF. La proposition a été validée, ce mercredi, par le Parlement à l'issue d'un vote.
Marine Godelier
Luc Rémont va occuper le poste de PDG d'EDF.
Luc Rémont va occuper le poste de PDG d'EDF. (Crédits : Reuters)

[Article mis à jour le 26/10/2022 à 17h41]

C'est désormais (quasiment) acté : Luc Rémont succèdera à Jean-Bernard Lévy à la tête de l'électricien national EDF. Lui reviendra la lourde tâche de définir un cap clair pour le groupe, et de le sortir de la tempête financière à laquelle il fait face, entre sa dette colossale et les déboires de son parc nucléaire. Le défi sera titanesque : il ne s'agira rien de moins que de relancer l'atome sur le territoire, mais aussi d'accélérer massivement dans les énergies renouvelables - en tout cas, tant qu'aucun plan de scission des actifs type « Hercule » ne refait surface.

En effet, les commissions des Affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat ont émis mercredi un avis favorable à la nomination de l'actuel numéro 2 de Schneider Electric aux fonctions de PDG d'EDF, après la proposition de l'Elysée, le 29 septembre dernier. A la suite de deux auditions, les sénateurs l'ont approuvé avec 26 voix pour et 19 contre, et les députés avec 32 voix pour, 29 contre et trois bulletins blancs. Or, pour être rejetée, sa désignation devait cumuler 3/5 de votes négatifs.

Même s'il ne s'agit que d'une formalité, la nomination officielle de Luc Rémont n'interviendra cependant qu'après sa désignation comme administrateur d'EDF, et avec un décret du Président de la République.

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« Crise sérieuse » du groupe

Une chose est sûre : une fois le décret publié, le polytechnicien passé par les cabinets de Francis Mer, Nicolas Sarkozy, et Thierry Breton à Bercy de 2002 à 2007, arrivera chez EDF « dans un contexte de crise, un contexte d'urgence », a rappelé ce matin la présidente LR de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas.

« Dans [l]e contexte de crise énergétique, EDF traverse une crise sérieuse d'ordre technique et industriel, qui accentue la tension sur l'offre d'énergie », a lui-même souligné mercredi Luc Rémont.

De fait, au premier semestre 2022, l'électricien historique a subi une perte historique de 5,3 milliards d'euros, et sa dette devrait culminer à 60 milliards d'euros à la fin de l'année. En cause notamment : une dégringolade de sa production d'électricité nucléaire à cause d'un défaut de corrosion identifié dans plusieurs réacteurs, et la mise à contribution de l'entreprise par l'Etat pour contenir la facture des Français, via le mécanisme de l'ARENH.

Dans ces conditions, la « première priorité » de Luc Rémont sera d'entretenir le parc atomique pour allonger sa durée de vie, à travers le vaste programme du Grand Carénage, a-t-il affirmé devant les parlementaires. Il faut dire que près de la moitié des installations nucléaires françaises sont aujourd'hui indisponibles, en raison de maintenances programmées ou à cause de ce fameux problème de micro-fissures. De quoi fragiliser le groupe, au moment où l'Etat a décidé de le nationaliser en portant sa participation à 100 % du capital.

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Une stratégie qui s'appuie sur trois piliers

Plus généralement, le polytechnicien de 53 ans a déroulé devant les parlementaires sa stratégie, à travers sa « vision d'un opérateur électrique qui réussit ». Laquelle se décline en « trois métiers fondamentaux fonctionnant en synergie » : le développement de solutions pour les clients, les réseaux, et une production diversifiée.

Sur la partie « clients » (un terme sur lequel ont tiqué plusieurs députés, notamment de la NUPES, préférant parler d' « usagers »), il s'agira d' « accélérer les solutions permettant aux clients de mieux gérer leur énergie », et d' « accélérer massivement en France des raccordements d'auto consommation ».

Pour ce qui est des réseaux, Luc Rémont a insisté sur l'importance de prendre en compte les nouveaux besoins liés au développement des énergies renouvelables intermittentes et à une production de plus en plus décentralisée. Et pour cause, « la flexibilité accrue de l'offre et de la demande d'électricité locale change profondément la nature du métier de raccordement du réseau », a-t-il fait valoir. A ce sujet, l'ingénieur de formation a plaidé pour réformer les marchés à l'échelle européenne, sans quoi « on restera dans un cadre instable ».

Un EDF tout nucléaire ?

Reste la question la plus épineuse : celle du périmètre de la production future d'EDF. Luc Rémont PDG, un plan de réorganisation du groupe reviendra-t-il sur la table, avec la possible privatisation des actifs renouvelables ? Dans son discours devant les parlementaires, celui-ci a en tout cas affirmé sa volonté de développer une « production diversifiée », faite aussi bien de nucléaire que de renouvelables.

Il n'empêche que dans son ancien projet baptisé « Hercule » puis « Grand EDF », l'exécutif espérait, lui, ramener intégralement les activités nucléaires dans le giron public, en les séparant par là-même du pôle « renouvelables ». Refusée par les syndicats, vent debout contre un « démantèlement » d'EDF, et par la Commission européenne, inquiète d'un nouveau monopole d'Etat, cette idée avait finalement été abandonnée à l'été 2021. Mais avec la nationalisation d'EDF, la question refait surface. D'autant que dans le discours de présentation de son programme, jeudi 17 mars, Emmanuel Macron avait ouvert la voie à de nouvelles discussions sur le sujet en cas de réélection.

« Je pense que sur une partie des activités les plus régaliennes, il faut considérer que l'Etat doit reprendre du capital, ce qui va d'ailleurs avec une réforme plus large du premier électricien français », avait-il déclaré.

Assailli par les parlementaires de questions sur ce sujet brûlant, Luc Rémont a temporisé. « Je n'arrive pas avec un plan qui m'est défini. J'arrive avec le mandat de faire réussir EDF », a-t-il affirmé.

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Pas de projet de réorganisation pré-établi, assure Luc Rémont

Néanmoins, son passé a été largement évoqué mercredi par plusieurs députés de l'opposition peu convaincus, certains le qualifiant même de « privatiseur en série ». De fait, Luc Rémont a, entre autres, travaillé pour Thierry Breton lorsque celui-ci était ministre de l'Economie, en 2005. A l'époque, il a participé à la fusion de Suez avec Gaz de France, signant la privatisation du groupe public. Par ailleurs, son implication dans la vente controversée des actifs énergie d'Alstom au groupe américain General Electric en 2018, dont les fameuses turbines Arabelles équipant les EPR, a été maintes fois soulignée, puisque Luc Rémont a dirigé l'entité française qui conseillait Alstom à ce moment chez Bank of America Merrill Lynch.

« Si la question c'est : envisagez-vous le démantèlement de telle ou telle activité ? La réponse est non », s'est-il défendu dans une salle bruyante, se qualifiant d' « ultra humaniste » plutôt que d'ultra-libéral.

« Je n'ai aucune idée pré-conçue d'organisation, et je refuse d'en avoir. Je ne suis pas dans l'entreprise aujourd'hui, et je ne prends pas pour acquises les choses discutées par les parties prenantes avant moi. [...] Je ne viens pas pour mettre en œuvre un projet de réorganisation pré-établi, mais pour mettre en œuvre un projet industriel établi avec les parties prenantes ! », a-t-il par ailleurs certifié.

Vendredi dernier, le nouveau directeur général de l'Agence des participations de l'État (APE), Alexis Zajdenweber, avait quant à lui affirmé qu'à ce jour, il n'y avait « pas de projet de réorganisation d'EDF dans les cartons ». Il faut dire que les temps sont plutôt à la recherche d'une solution d'urgence à la crise énergétique qui secoue l'Europe, un préalable nécessaire à la reprise des discussions sur l'avenir du groupe français.

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Marine Godelier

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Commentaires 2
à écrit le 26/10/2022 à 16:38
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6 EPR et des SMR vite. Marre d'attendre. Nos entreprises meurent. La dette de l'Etat explose

le 27/10/2022 à 10:58
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Avant de se lancer a fabriquer ne serais qu'un seul EPR de plus croyez vous pas qu'il faudrait déjà qu'un premier fonctionne? Combien nous a déjà couté et pire combien consomme d'électricité celui de flamant ville combien de personne vont devoir port...

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