Pourquoi Fukushima complique la prolongation des centrales nucléaires d’EDF à 50 ans

Pour amener les réacteurs nucléaires du parc français aux normes de sûreté post-Fukushima, l’installation de diesels d’ultime secours n’était qu’une étape… Détail des travaux qu’EDF doit encore effectuer.

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Pourquoi Fukushima complique la prolongation des centrales nucléaires d’EDF à 50 ans
En France, les derniers travaux de mise aux normes post-Fukushima, comme le récupérateur de corium sous la cuve, prévus dans la 4e visite décennale du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Tricastin, doivent être réalisés en 2022.

Dix milliards d’euros, c’est le coût estimé par EDF des travaux de mise aux normes de sûreté post-Fukushima du parc nucléaire français. Car si les centrales nucléaires françaises disposaient déjà de mécanismes de sûreté redondants, la catastrophe de Fukushima a montré qu’il fallait aussi imaginer le cas, certes ultra-improbable, où ils tomberaient tous en même temps.

De base, chaque réacteur nucléaire français est équipé d’un recombineur d’hydrogène pour éviter le risque d’explosion des réacteurs, de filtres atmosphériques pour éviter la concentration de rejet, de bassins d’alimentation en eau de secours et pour assurer leur alimentation de deux sources électriques externes et de deux diesels de secours. "Cela permet déjà de résister à un séisme majoré", explique un porte-parole d’EDF.

Mais la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, le 11 mars 2011, a changé la donne. Un séisme de magnitude 9,0 a entraîné un tsunami. Un mur d’eau de plus de 15 mètres, qui a heurté la centrale nucléaire située en bord de côte, l'a privée de courant en noyant ses groupes électrogènes de secours. Non refroidis, les cœurs de trois des six réacteurs sont entrés en fusion et des explosions d’hydrogène ont ravagé la centrale.

Se préparer à l'impossible

L’improbable est devenu possible. Pour qu’un tel scénario ne puisse pas se produire en France, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et EDF ont défini des mesures supplémentaires, dont la mise en œuvre est contrôlée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette dernière a d’ailleurs demandé des travaux supplémentaires à ceux prévus par EDF et l’IRSN, comme le rallongement de la digue de Tricastin (Drôme).

EDF a d’abord décidé dès avril 2011 la création d’une force d’action rapide du nucléaire, ou Farn, mise en place le 1er janvier 2013. Dotée d’un budget total de 80 millions d’euros, cette équipe de 310 pompiers du nucléaire, volontaires d’EDF, peut intervenir en 24 heures dans n’importe quelle centrale de France, pour apporter en toute autonomie de l’eau et de l’électricité pour trois jours.

EDF dispose de ses propres pompiers nucléaires volontaires depuis 2013
EDF dispose de ses propres pompiers nucléaires volontaires depuis 2013. Photo Pascal Guittet


Sauf à Fessenheim, qui a été fermé en juin 2020, EDF a construit au pied de chaque réacteur un diesel d’ultime secours (DUS), bunkerisé, qui peut résister à des typhons et à la projection de corps lourds, comme une voiture. Des chantiers compliqués, notamment en termes de génie civil. Initialement, ils devaient tous être installés fin 2018. Dans les faits, le dernier construit, à Paluel (Seine-Maritime), n’est entré en service que début 2021.

Groupes électrogènes de secours lors d'un exercice à Paluel en janvier 2021.
En cas de défaillance des nouveaux diesel d'ultime secours, la Farn peut venir installer des électrogènes en tout autonomie, comme lors de cet exercice à Paluel (Sainte-Maritime) en janvier 2021. Photo Pascal Guittet.


Pour faciliter les interventions de la Farn, EDF installe aussi pour chaque réacteur une source d’eau ultime. Sur les 56 réacteurs du parc, ils en reste 24 à installer. De nouveaux coffres de protection à l’extérieur des réacteurs protègent aussi les câblages lors d’événements climatiques extrêmes. Enfin, des bâtardeaux sont construits pour protéger les bâtiments. "C’est ce que l’on appelle le noyau dur, qui résiste à des crues, des inondations, des séismes énormes de type Fukushima… Ces moyens donnent trois jours d’autonomie à la centrale. La Farn leur donne trois jours de plus", explique le porte-parole d’EDF, qui rappelle que "la cinétique d’un accident nucléaire est lente".

Vue de sources ultimes d'eau (ici celle de Tricastin 1 en juin 2019) installée au pied de chaque réacteur nucléaire.
Des sources ultimes d'eau (ici celle de Tricastin 1 en juin 2019), qui permettent à la Farn de pallier une défaillance du système de refroidissement, sont progressivement installées au pied de chaque réacteur. Photo Aurélie Barbaux.


Malgré tous ces dispositifs, la fonte du cœur du cœur d’un réacteur par manque de refroidissement ne peut pas être exclue. C’est pourquoi lors des quatrièmes visites décennales (ou VD4) des réacteurs du palier 900 MW, qui doivent permettre à ces réacteurs de fonctionner dix années supplémentaires pour atteindre 50 ans, d’autres travaux très lourds sont prévus. Cette nouvelle tranche de travaux post-Fukushima consiste en l’installation sous chaque cuve de réacteur d’un récupérateur de Corium, et dans le bâtiment réacteur, d’un deuxième système de refroidissement.

dans le bâtiment réacteur e système de refroidissement est dans un espace contraint.
Installer un nouveau système de refroidissement dans le bâtiment réacteur demande beaucoup d'études tant la place est limitée. Photo Aurélie Barbaux.


Des travaux importants, qui obligent à réaliser les visites décennales en deux temps. Ainsi la VD4 de Tricastin 1, réalisée en 2019, ne sera achevée qu’en 2022, après de nouveaux travaux. Un système de prolongation à 50 ans que vient de valider l’ASN, qui devra néanmoins valider réacteur par réacteur les travaux effectués par EDF. "Cela amène en 2034 pour finir tous les travaux sur le palier 900 MW", explique EDF. Il faudra ensuite s’attaquer aux réacteurs du palier 1200 MW.

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