Fessenheim : Macron refait l'histoire

Alors que le chef de l'Etat a justifié l'arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim en expliquant qu'elle n'avait pas bénéficié de travaux de maintenance pendant plus de cinq ans, les faits montrent le contraire. EDF assure y avoir investi 313 millions d'euros de 2016 à 2019 et avoir adapté ses investissements pour maintenir la centrale nucléaire au plus haut niveau de sûreté jusqu'à sa mise à l'arrêt définitif en juin 2020. Au cours de sa période de production, le plus vieille centrale française a même enregistré moins d'anomalies que la moyenne du parc nucléaire tricolore. En revanche, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est catégorique : la centrale de Fessenheim ne peut pas être remise en service et ainsi venir à la rescousse d'un parc nucléaire en très mauvaise posture.
Juliette Raynal
(Crédits : Reuters)

La fermeture définitive de la centrale nucléaire de Fessenheim (dont le 1er réacteur a été arrêté en février 2020, puis le second en juin 2020) revient sur le devant de la scène à l'heure où la France redoute de possibles pénuries d'électricité l'hiver prochain. Ces derniers jours, de nombreux défenseurs du nucléaire et élus locaux ont tenu Emmanuel Macron pour responsable de cette situation très critique, alors que la fermeture effective des deux réacteurs situés à la frontière allemande est intervenue au cours de son premier mandat. En effet, le décret de déclaration de mise à l'arrêt définitive a été pris le 19 février 2020. Il découle de la Loi transition énergétique de 2015, votée au cours de la mandature de François Hollande. Loi qui a donné lieu à un premier décret d'abrogation de l'autorisation d'exploitation de la centrale de Fessenheim, publié en avril 2017.

Emmanuel Macron, agacé, argumente sa décision

Fin août, lors d'un débat organisé par le Medef, Jean-Bernard Lévy, actuel patron d'EDF sur le départ, a également expliqué que le groupe « manquait de bras parce qu'on nous a dit : 'votre parc nucléaire va décliner, préparez-vous à fermer des centrales'. On a déjà d'ailleurs fermé les deux premières ». Des propos qui semblent avoir irrité au plus haut point Emmanuel Macron.

Résultat, lundi, à l'occasion d'une intervention devant la presse, le président de la République s'est attaché à justifier cette prise de décision. « Fessenheim était la plus vieille centrale de notre parc à la frontière de l'Allemagne, qui n'est pas alignée avec nous sur le nucléaire », a d'abord argumenté le chef de l'Etat.

Avant de poursuivre : « Fessenheim était une centrale sur laquelle il n'y avait plus de travaux de maintenance depuis plus de cinq ans. [..] L'analyse factuelle montrait que le choix le plus rationnel était de confirmer sa fermeture ». « Qu'on ne vienne pas me chercher sur Fessenheim », a-t-il lancé, visiblement agacé. « Pour Fessenheim, la messe était déjà dite », a-t-il conclu.

Ces propos ont tout de suite provoqué des critiques virulentes sur les réseaux sociaux.

Des propos erronés

Sur Twitter, Raphaël Schellenberger, député du Haut Rhin et secrétaire général adjoint des Républicains, s'est insurgé :

#Fessenheim était une centrale à jour, dans laquelle les investissements ont été faits jusqu'au bout. Jusqu'en juin 2018 la décision de maintenir la centrale ouverte pouvait être prise. Emmanuel Macron ment ! On ne peut pas construire la confiance sur le mensonge!

— Raphaël Schellenberger (@RSCactu) September 5, 2022

Un ingénieur du nucléaire regrette, lui aussi, les "mensonges" du président :

Mr @EmmanuelMacron cela fait mal d'entendre vos mensonges éhontés lorsque l'on a participé plusieurs années aux travaux d'amélioration de la centrale de #Fessenheim qui ont coûté des centaines de millions d'euros

— Michel Cranga climat et responsabilité (@michel_Halpes) September 5, 2022

Une centrale performante en matière de sûreté

De fait, Emmanuel Macron s'éloigne de la réalité lorsqu'il indique que la centrale de Fessenheim ne bénéficiait plus de travaux de maintenance, les cinq années précédant la décision de son arrêt définitif. En effet, dans une note publiée en 2020 et consacrée au panorama régional de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) indique que « la fin de production du site de Fessenheim s'est faite avec un niveau de performance très satisfaisant en matière de sûreté, en ligne avec les bons résultats obtenus par le site depuis plusieurs années ».

Par ailleurs, toujours selon le gendarme du nucléaire, « le nombre d'événements significatifs déclarés au cours de la période de production des réacteurs a été en dessous de la moyenne du parc »« Ces performances découlent notamment de la forte volonté de la direction et des agents du site de maintenir une rigueur d'exploitation exemplaire jusqu'à l'arrêt définitif des réacteurs », indique la note.

Dans ce panorama, le gendarme du nucléaire précise également qu'un certain « niveau d'activité de maintenance est appelé à perdurer », notamment en ce qui concerne les systèmes qui restent en fonctionnement, c'est-à-dire « la ventilation, le traitement des effluents ou la lutte contre le risque d'incendie ». « L'ASN a noté, dans ce domaine d'activité, l'attitude proactive et la bonne maîtrise du site », pointe encore le document.

Des investissements adaptés

Une nuance doit toutefois être apportée. EDF a bien réalisé des travaux de maintenance au cours des dernières années de vie de la centrale, mais l'électricien a adapté ses investissements dès la publication du décret actant la fermeture des deux réacteurs.

« Le décret de 2017 [celui sur l'abrogation de l'autorisation d'exploitation de la centrale de Fessenheim au titre du Code de l'énergie, ndlr] a conduit EDF a adapté ses investissements pour maintenir le site au plus haut niveau de sûreté jusqu'à sa mise à l'arrêt définitif. La centrale nucléaire de Fessenheim a engagé son plan d'actions post-Fukushima conformément aux actions engagées par EDF », explique le groupe.

L'électricien assure ainsi que « toutes les prescriptions techniques relatives à l'accident de Fukushima ont été soldées dans les délais impartis », hormis la mise en place d'un nouveau Diesel Ultime de Secours (DUS).

Dans le détail, la centrale de Fessenheim a bénéficié d'un appoint supplémentaire en eau par pompage des eaux souterraines en 2012, de diesels de secours temporaires en 2013, de piquages de raccordement pour la Force d'action rapide du nucléaire en 2014, et de moyens de protection contre l'inondation autour des bâtiments électriques et de l'îlot nucléaire, en 2016.

Par ailleurs, de 2016 à 2019, EDF a investi 313 millions d'euros dans la centrale, selon les données transmises par le groupe : 128 millions d'euros en 2016, 65 millions en 2017, 50 millions en 2018 et 70 millions d'euros en 2019.

Une remise en service « pas raisonnablement envisageable »

En revanche, malgré la réalisation de ces travaux de maintenance visant à améliorer la sûreté des réacteurs, le gendarme du nucléaire est catégorique : « l'hypothèse d'une remise en service des réacteurs de Fessenheim ne paraît pas raisonnablement envisageable ».

Et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, sur le plan juridique la procédure administrative de mise à l'arrêt ne prévoit pas de retour en arrière. Ensuite, en matière de sûreté, les réacteurs de Fessenheim n'ont pas poursuivi le programme d'améliorations post-Fukushima à l'identique du parc, souligne l'ASN. La paire de réacteurs n'a pas engagé, non plus, le même programme de quatrièmes réexamens décennaux de sûreté que le reste du parc des réacteurs de 900 MW. Or, cet examen conditionne leur poursuite d'exploitation au-delà de 40 ans. Enfin, sur le plan technique, des travaux liés à la préparation au démantèlement ont d'ores et déjà été engagés (avec le retrait d'instrumentation des cœurs, par exemple). « Ce qui rend un retour en arrière très complexe », pointe le gendarme du nucléaire.

Juliette Raynal

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Commentaires 31
à écrit le 24/10/2022 à 17:34
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Bienvenue au macronistan et au quoi qu'il en coûte et ce n'est pas moi c'est les autres

à écrit le 13/10/2022 à 13:31
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Fermer Fessenheim est une décision que plus personne ne veut aujourd'hui assumer ! Certes, mais cela ne doit pas dispenser de regarder ce que l'on peut faire des personnels, des équipements, du site, ... Par exemple : réutiliser ailleurs les générat...

à écrit le 07/09/2022 à 21:46
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Intox. Loi de sortir du nucléaire. Promulgué sous Président Hollande. On est completement en retard bien sur. C'est une exigence légale de fermer Fessenheim.

le 08/09/2022 à 0:18
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Les lois sont faites pour être contournées particulièrement en France spécialiste des décrets territoriaux selon le sens de la girouette administrative locale... Bienvenue chez les gaulois réfractaires au changement!

à écrit le 07/09/2022 à 18:54
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"Qu'on ne vienne pas me chercher sur Fessenheim" dit le président, tout comme dans l'affaire Benalla. Eh bien si, et cet article démontre, chiffres à l'appui, que le président sait mentir ou tout du moins s'arranger fortement avec la vérité. La véri...

à écrit le 07/09/2022 à 17:51
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J'ai travaillé à la maintenance de cette centrale, je peux garantie que les maintenances étaient faîtes de manière scrupuleuse. Que toutes ces histoires de soit disante fuites et insécurité, ne sont que des prétextes à une politique écologique d'amat...

à écrit le 07/09/2022 à 13:59
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Comment peut on encore tolérer un manipulateur au pouvoir?

à écrit le 07/09/2022 à 11:30
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Macron patauge dans le nucléaire depuis des années , tu veux ou tu veux pas , le en même temps qui qui pollue depuis le début. En plus , il cherche des boucs émissaires, pas glorieux.

à écrit le 07/09/2022 à 10:35
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Quel culot. Plus c'est gros, plus ça passe. Je croyais que réécrire l'histoire était l'apanage des dictateurs. Oui, c'est Hollande qui l'a vendue aux écolos antinucléaires. Mais Hollande avait-il l'intension de tenir ses promesses? D'ailleurs en a-t-...

à écrit le 07/09/2022 à 10:27
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Quelle polémique inutile car de toute façon grâce à HOLLANDE et au vert elle ne peut réouvrir…. La dictature verte en œuvre. Je propose que tous ceux qui ont voté écolo soient prioritairement privés d’électricité en cas de pénurie cet hiver…. Et ne...

à écrit le 07/09/2022 à 9:12
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La décision de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim a été prise sous le quinquennat de François Hollande. Trop facile d'oublier cette promesse de campagne de F. Hollande allié d'Europe Ecologie-Les Verts suite à l’accord de gouvernement conclu ...

le 07/09/2022 à 11:28
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Macron l'a reprise à son compte dans sa campagne de 2017 pour se faire élire. C'est lui qui a annoncé la fermeture de 14 réacteurs dont Fressenheim (centrale la plus sûre de France d'après l'ASN (agence de sécurité la plus dure du monde). C'est d'ail...

le 07/09/2022 à 11:56
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Parce que le nucléaire n'est pas un mythe ? Parce que l'indépendance de la France est de fait garanti actuellement ? Et parce que si l'uranium était l'alpha & oméga de tout problème pourquoi aucune nation dans le monde n'a plus de 7 % ( pour la plus...

à écrit le 07/09/2022 à 8:04
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Nous sommes à quelques jours de la publication du nom du nouveau PDG d'EDF. Ce discours présidentiel nous donne une petite idée du profil du nouveau PDG à venir : il sera recruté non pour sa compétence, mais pour sa totale docilité à relayer les par...

à écrit le 07/09/2022 à 6:35
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Bonjour, Que les belles histoire sois vrais ou pas se qui compte s'est la réalités de notre situations actuelles... Personnellement, la fermeture des central nucléaire est surtout une décision politique , sois pour faire plaisir a des groupe de pr...

à écrit le 06/09/2022 à 23:30
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C'est chaud pour les politiques ,la bouilloire social silencieuse chauffe .En tout cas les contre feux et contre mesures pleuvent pour détourner l'attention des moutons ; cela va du char à voile des footeux à Ségolène royal en passant par les millia...

le 07/09/2022 à 7:49
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Pour l'instant, les français n'ont plus de sous, ils ont tous préférés "oublier" et "dépenser" cet été... donc la première priorité est de manger. Pour l'instant, aucun mouvement annoncé. Et les jeunes générations ne manifestent pas car dans leur ...

à écrit le 06/09/2022 à 23:12
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Il fait bien de monter ses contre feux maintenant. Dans 6 mois la chanson risque d’être nettement moins drôle. Mais le sujet aura déjà été éventé. La polémique sera moins forte. Il lache un peu, se fait lâcher un peu. Moindre mal selon les spins doct...

à écrit le 06/09/2022 à 23:12
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Il fait bien de monter ses contre feux maintenant. Dans 6 mois la chanson risque d’être nettement moins drôle. Mais le sujet aura déjà été éventé. La polémique sera moins forte. Il lache un peu, se fait lâcher un peu. Moindre mal selon les spins doct...

à écrit le 06/09/2022 à 21:22
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C est du sensationalisme. Fessenheim n est qu un detail dans la politique energetique. Pour L Europe, la gaz russe ne represente que 15% de son approvisionnement, on a quand meme 85% de notre energie qui est securise. 15% , c est jouable. Dans un an ...

le 06/09/2022 à 22:55
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'Dans un an , on aura déjà de nouveaux parcs éoliens et solaires qui vont entrer en fonctionnement'. En termes de sécurisation, ce n'est pas très rassurant et l'intermittence de ces filières va être compenser par la mise en service des centrales à ch...

à écrit le 06/09/2022 à 20:21
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Pour bien connaître le sujet, je travaille dans l'énergie et j'ai un amis qui avait un poste important à la centrale de Fessenheim, la fermeture de la centrale avait uniquement deux motivations: - Obtenir les voix des ecolos Français. - Faire plais...

le 06/09/2022 à 21:26
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"et surtout à nos voisins allemands et suisses" qui étaient plus ou moins copropriétaires et ont donc réclamé des compensations pour arrêt du flux financier qu'ils recevaient (beurre et argent du beurre), arrêté ça ne rapporte plus. Y avait une histo...

le 06/09/2022 à 21:31
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C’est le propre des individus acculés de travestir les faits et réécrire l’histoire ! Chez notre Président c’est une spécialité…… C’est pour cela que quasiment les 2/3 des Français ne lui font pas confiance.

à écrit le 06/09/2022 à 19:48
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Comportement manifestement immature... Il y en eu d'autres avant lui : par exemple Chirac niant que le Charles de Gaulle irait moins vite que ses prédécesseurs et concurrents...Ils finissent par se persuader de leurs mensonges

à écrit le 06/09/2022 à 19:17
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Il serait urgentissime de débarquer le venteux communiquant du venteux porteur de projets du mondialiste ..Schwab de davos! Et F Asselineau de commenter ce soir que même le pitoyable F Hollande se rend compte que le gaz ..pa...

à écrit le 06/09/2022 à 19:16
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Le dernier discours d'E. Macron concernant la crise actuelle de l'énergie est une honte: mélange de mensonges, de lâchetés et de contre-vérités. Certes E. Macron n'est pas le seul responsable du fiasco actuel dont le début remonte à F. Mitterrand ...

à écrit le 06/09/2022 à 18:53
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Un grand merci à la Tribune pour ce titre sans ambiguïté. Enfin, on dit les choses franchement. Fessenheim sera toujours l'exemple de l'inconsistance des dirigeants politiques, qui se soucient juste d'être "dans le vent"

à écrit le 06/09/2022 à 18:52
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Les plus vieilles centrales ont été construites avec des matériels surdimensionnes et des matériaux de très bonne qualité. Qualité qui s'est dégradée au fil temps en même temps que la perte des savoir faire.

le 06/09/2022 à 21:31
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40 années, c'était le minimum demandé, ensuite il faut voir au fil de l'eau. Les neutrons thermiques ça bombarde. D'où un constat que les petits réacteurs en projet produiront plus de déchets radioactifs que les gros : les parois métalliques (activée...

à écrit le 06/09/2022 à 18:50
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En réalité c'est Berlin qui a imposé de fermer la centrale de Fessenheim pour assurer la sécurité des allemands frontaliers tandis que Paris s'est vu dans l'obligation d'importer de l'énergie électrique issue de centrales à charbon allemandes pour...

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