Electricité : le régulateur veut remettre EDF à contribution pour contenir la hausse des prix
Pour contenir la hausse des prix, la Commission de régulation de l'énergie recommande au gouvernement de porter à 130 TWh les volumes d'électricité nucléaire qu'EDF devra céder à un tarif régulé en 2023.
Par Sharon Wajsbrot
Le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour contenir la flambée des prix de l'électricité n'entraînera pas de rattrapage tarifaire pour les consommateurs en 2022. C'est la promesse faite par Bruno Le Maire lundi. Mais qu'en est-il pour 2023 ?
Pour prévenir une nouvelle flambée de la facture, compte tenu du niveau des prix du marché de gros de l'électricité, le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), Jean-François Carenco, appelle le gouvernement à prendre les devants rapidement.
Donner de la visibilité aux entreprises
« Il faut reconduire la baisse de la TICFE et l'augmentation des volumes d'Arenh [l'électricité nucléaire vendue par EDF à un tarif régulé, NDLR] pour les porter à 130 TWh. J'ai proposé au gouvernement de le faire avec un tarif revalorisé pour EDF, de 49 ou 50 euros le MWh », a indiqué Jean-François Carenco, lors de la présentation du rapport annuel de la CRE.
Il plaide pour une action rapide du gouvernement, si possible « avant l'été », pour donner de la visibilité aux entreprises et de faire retomber la pression sur les marchés de l'électricité. Pour l'année 2023, les prix des contrats d'électricité à terme atteignent 305 euros en France, contre 239 euros en Allemagne. « Le seul objectif, c'est d'avoir un prix de l'énergie qui rende nos entreprises compétitives et qui ne nuise pas à la cohésion sociale pour le consommateur individuel », estime le président de la CRE.
Ces mesures sont les mêmes que celles mises en oeuvre en urgence par le gouvernement début 2022 face à la flambée des prix de l'électricité. Les volumes d'électricité nucléaire vendus au tarif prévu dans le cadre du mécanisme Arenh avaient été rehaussés de 20 %, à 120 TWh, avec un prix de vente revalorisé pour EDF à 46,2 euros le MWh et la taxe sur l'électricité (TICFE) avait été ramenée au niveau minimum prévu par le droit européen, au 1er février dernier.
Si la loi permettait en théorie à l'Etat de demander à EDF de mettre sur le marché 150 TWh, d'électricité pour amortir encore davantage la hausse des cours, la très faible production nucléaire du groupe contraint désormais les volumes. « 130 TWh est un maximum », estime Jean-François Carenco.
De nouvelles difficultés financières pour EDF
Pour EDF, qui a largement accusé le coup des mesures gouvernementales en 2022, la prise de position du régulateur est perçue comme une déclaration de guerre. « Ce que la CRE propose aujourd'hui, c'est d'envoyer EDF dans le mur. Compte tenu du niveau des prix sur les marchés de gros de l'électricité, cette mesure pourrait amputer considérablement l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) du groupe en 2023. Mais la CRE se contrefiche de la santé économique de l'opérateur national », estime, sans détour, le groupe EDF. Pour mémoire, en 2022, la mesure exceptionnelle sur l'Arenh et le gel des tarifs a, selon EDF, entraîné une chute de son excédent brut d'exploitation (Ebitda) de 10 milliards d'euros.
Si le gouvernement devait suivre cette recommandation, il devrait à nouveau obtenir l'aval de Bruxelles puisque la régulation du nucléaire fait l'objet d'une régulation stricte du droit de la concurrence. Par ailleurs, outre les difficultés financières pour EDF, dont l'Etat détient 84 %, les pouvoirs publics risquent de devoir affronter de nouveaux contentieux avec les actionnaires du groupe.
En 2022, à la suite de la revalorisation des volumes d'Arenh, les actionnaires salariés d'EDF ont engagé plusieurs procédures devant le Conseil d'Etat et devant la Commission européenne.
Sharon Wajsbrot