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Menace terroriste et risque nucléaire : la France n’est pas à l’abri

Article publié le 26 novembre 2015



S’exprimant sur le plateau de France 2 au sujet des attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis le 13 novembre, Manuel Valls a déclaré que la France n’était pas à l’abri d’un risque lié à des « armes chimiques ou biologiques », sans évoquer le risque nucléaire. Pourtant, l’état d’urgence nucléaire est plus que jamais une réalité.




La France est vulnérable aux attaques

L’automne 2014 a été marqué par la répétition inexpliquée de survol des sites nucléaires français par des drones. EDF, dans l’impossibilité d’empêcher ces survols, avait porté plainte. Simple défi entre passionnés ou repérage pour d’éventuels actes de malveillance ? Un an après, l’affaire n’est pas close. Elle a dans tous les cas illustré l’impréparation des autorités face à ce phénomène. Alors que plusieurs experts étrangers mettaient en garde contre les risques liés à l’utilisation de drones dans le cadre d’une attaque sur un site nucléaire, la réponse fut faible. L’audition parlementaire organisée sur le sujet (https://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-oecst/programme_AP_drones.pdf) n’a pas débouché sur des actes concrets, mis à part le lancement le 8 décembre 2014 par l’Agence Nationale de Recherche d’un "appel à projet flash" pour "le développement rapide de démonstrateurs permettant la détection voire la neutralisation de drones aériens".

Sans doute ces survols étaient-ils inoffensifs. Ils ont cependant permis d’entrevoir à quel point la France, de par sa concentration d’installations nucléaires unique au monde (19 centrales et plusieurs usines à haut risque), était vulnérable en cas d’acte de malveillance. Alors que notre territoire, en moins d’un an, a été touché par deux vagues d’attaques terroristes (sans compter les tentatives d’attentat déjouées), ce fait devrait prêter à réfléchir. Un accident délibéré sur un site nucléaire constituerait en effet le moyen le plus radical d’infliger à un pays des dommages catastrophiques et durables ; et ce d’autant plus pour la France, qui tire une grande partie de ses revenus du tourisme et de l’agriculture.

N’oublions pas, par ailleurs, que les substances utilisées sur les sites nucléaires – qui circulent quasi quotidiennement sur les routes et les voies en convois non sécurisés - pourraient être utilisées pour la fabrication d’une bombe sale.

Sites nucléaires : de nombreuses failles de sécurité

La vulnérabilité des installations nucléaires face à une attaque lourde n’est plus à démontrer. Ainsi, les piscines abritant le combustible usé, non bunkérisées, pourraient être atteintes par un tir de roquette. Bien sûr, elles ne résisteraient pas plus à un crash d’avion – hypothèse qui ne peut plus être écartée après le 11 septembre 2001. Aucun site en France n’est protégé contre ce risque, pas même le réacteur EPR en construction à Flamanville. Comme l’ont montré des documents classés secret défense dévoilés par le Réseau “Sortir du nucléaire“, celui-ci ne résisterait pas à l’impact d’un avion de ligne [1]. Par ailleurs, il suffirait d’atteindre les transformateurs ou les lignes haute tension chargées d’évacuer le courant produit pour provoquer une catastrophe.

Mais sans même aller jusqu’à une attaque à l’arme lourde, un accident pourrait très bien être provoqué par la déstabilisation du fonctionnement normal d’une centrale, comme cela a été avancé lors de l’affaire des drones. Selon l’ingénieur britannique John Large, l’attaque de plusieurs de ces engins pourrait mener une centrale vers l’instabilité. La physicienne allemande Oda Becker, auteure d’un rapport pour Greenpeace Luxembourg, renchérit : « un crash de plusieurs drones chargés de quelques kilos d’explosifs pourrait mettre une centrale dans une situation dangereuse ».

Mais une telle déstabilisation du fonctionnement peut aussi provenir d’autres causes : une attaque informatique (en 2010 déjà, les États-Unis avaient conçu un virus dénommé Stuxnet, destiné à s’attaquer aux usines d’enrichissement d’uranium iraniennes), une attaque sur un site à risque (usine chimique par exemple) situé à proximité, ou encore sur un barrage ou une écluse situé en amont ou en aval d’une centrale (plusieurs sites ainsi concernés par le risque d’inondation et/ou par le risque de perte de source d’eau de refroidissement).

L’importance du facteur humain

Toutefois, c’est sans doute le facteur humain qui constitue l’enjeu le plus délicat et le plus difficile à contrôler. Comment prévenir une manœuvre de pilotage kamikaze délibérée, ou encore l’occultation volontaire de problèmes susceptibles de mettre à mal le fonctionnement d’une centrale ? De fait, EDF annonce avoir pris au sérieux la menace que constituerait la dérive fondamentaliste d’un de ses agents. Lors d’une réunion du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), le haut-commissaire de défense à la sécurité nucléaire, Christophe Quintin, a reconnu que des salariés se voyaient refuser l’accès aux centrales notamment pour des motifs de dérive islamiste sans être plus précis. Selon des informations rapportées par le JDD, les services de l’état mèneraient chaque année environ 100 000 enquêtes administratives auprès des 73 000 salariés travaillant dans les 19 centrales nucléaires françaises. Près de 700 salariés en moyenne, dont plusieurs dizaines pour des questions de dérives religieuses, se verraient refuser l’accès aux établissements [2]. Toutefois, ces enquêtes ne prennent pas en compte les sous-traitants, qui constituent pourtant un maillon essentiel de la sûreté puisque ce sont eux qui interviennent majoritairement pour la maintenance du réacteur et des équipements afférents. Alors que les entreprises du secteur nucléaire vont devoir recruter massivement pour pallier de nombreux départs en retraite, il n’est pas dit qu’un contrôle strict sera effectué sur le profil des prestataires.

Par ailleurs, outre que ces enquêtes peuvent aboutir à stigmatiser un certain nombre de travailleurs musulmans dans un contexte d’islamophobie latente, il serait illusoire de considérer le fondamentalisme islamiste comme la seule menace. Comment, par exemple, prévenir un acte de folie d’un sous-traitant accompli sous le coup du désespoir, face à des conditions de travail devenues insoutenables ?

La seule mesure de protection est la sortie du nucléaire

Si EDF semble conscient du risque, de nombreux responsables politiques semblent dans l’incapacité de penser réellement la menace terroriste. Le vote en février dernier d’une loi destinée à prévenir les intrusions dans les centrales [3] illustre bien le caractère dérisoire de la réponse apportée. Taillée sur mesure suite aux actions spectaculaires menées par Greenpeace, celle-ci prévoit de lourdes pénalités pour toute personne qui serait tentée de pénétrer sur un site nucléaire sans y être autorisée. Mais quel est le rôle dissuasif d’une amende ou d’une peine de prison pour un kamikaze prêt à sacrifier sa vie ?

Contre l’insécurité nucléaire, une seule mesure apparaît réellement efficace : la fermeture, au plus vite, des sites nucléaires français, qui constituent autant de cibles pour des terroristes potentiels. Dans un contexte de risque terroriste, la phrase prononcée en 2013 par l’ex-Premier ministre japonais Naoto Kan, qui dû affronter les premiers mois de la catastrophe de Fukushima, prend une résonance nouvelle : « Ma conclusion est que la meilleure sécurité dans le nucléaire c’est de ne pas avoir de centrales nucléaires du tout. »


La France est vulnérable aux attaques

L’automne 2014 a été marqué par la répétition inexpliquée de survol des sites nucléaires français par des drones. EDF, dans l’impossibilité d’empêcher ces survols, avait porté plainte. Simple défi entre passionnés ou repérage pour d’éventuels actes de malveillance ? Un an après, l’affaire n’est pas close. Elle a dans tous les cas illustré l’impréparation des autorités face à ce phénomène. Alors que plusieurs experts étrangers mettaient en garde contre les risques liés à l’utilisation de drones dans le cadre d’une attaque sur un site nucléaire, la réponse fut faible. L’audition parlementaire organisée sur le sujet (https://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-oecst/programme_AP_drones.pdf) n’a pas débouché sur des actes concrets, mis à part le lancement le 8 décembre 2014 par l’Agence Nationale de Recherche d’un "appel à projet flash" pour "le développement rapide de démonstrateurs permettant la détection voire la neutralisation de drones aériens".

Sans doute ces survols étaient-ils inoffensifs. Ils ont cependant permis d’entrevoir à quel point la France, de par sa concentration d’installations nucléaires unique au monde (19 centrales et plusieurs usines à haut risque), était vulnérable en cas d’acte de malveillance. Alors que notre territoire, en moins d’un an, a été touché par deux vagues d’attaques terroristes (sans compter les tentatives d’attentat déjouées), ce fait devrait prêter à réfléchir. Un accident délibéré sur un site nucléaire constituerait en effet le moyen le plus radical d’infliger à un pays des dommages catastrophiques et durables ; et ce d’autant plus pour la France, qui tire une grande partie de ses revenus du tourisme et de l’agriculture.

N’oublions pas, par ailleurs, que les substances utilisées sur les sites nucléaires – qui circulent quasi quotidiennement sur les routes et les voies en convois non sécurisés - pourraient être utilisées pour la fabrication d’une bombe sale.

Sites nucléaires : de nombreuses failles de sécurité

La vulnérabilité des installations nucléaires face à une attaque lourde n’est plus à démontrer. Ainsi, les piscines abritant le combustible usé, non bunkérisées, pourraient être atteintes par un tir de roquette. Bien sûr, elles ne résisteraient pas plus à un crash d’avion – hypothèse qui ne peut plus être écartée après le 11 septembre 2001. Aucun site en France n’est protégé contre ce risque, pas même le réacteur EPR en construction à Flamanville. Comme l’ont montré des documents classés secret défense dévoilés par le Réseau “Sortir du nucléaire“, celui-ci ne résisterait pas à l’impact d’un avion de ligne [1]. Par ailleurs, il suffirait d’atteindre les transformateurs ou les lignes haute tension chargées d’évacuer le courant produit pour provoquer une catastrophe.

Mais sans même aller jusqu’à une attaque à l’arme lourde, un accident pourrait très bien être provoqué par la déstabilisation du fonctionnement normal d’une centrale, comme cela a été avancé lors de l’affaire des drones. Selon l’ingénieur britannique John Large, l’attaque de plusieurs de ces engins pourrait mener une centrale vers l’instabilité. La physicienne allemande Oda Becker, auteure d’un rapport pour Greenpeace Luxembourg, renchérit : « un crash de plusieurs drones chargés de quelques kilos d’explosifs pourrait mettre une centrale dans une situation dangereuse ».

Mais une telle déstabilisation du fonctionnement peut aussi provenir d’autres causes : une attaque informatique (en 2010 déjà, les États-Unis avaient conçu un virus dénommé Stuxnet, destiné à s’attaquer aux usines d’enrichissement d’uranium iraniennes), une attaque sur un site à risque (usine chimique par exemple) situé à proximité, ou encore sur un barrage ou une écluse situé en amont ou en aval d’une centrale (plusieurs sites ainsi concernés par le risque d’inondation et/ou par le risque de perte de source d’eau de refroidissement).

L’importance du facteur humain

Toutefois, c’est sans doute le facteur humain qui constitue l’enjeu le plus délicat et le plus difficile à contrôler. Comment prévenir une manœuvre de pilotage kamikaze délibérée, ou encore l’occultation volontaire de problèmes susceptibles de mettre à mal le fonctionnement d’une centrale ? De fait, EDF annonce avoir pris au sérieux la menace que constituerait la dérive fondamentaliste d’un de ses agents. Lors d’une réunion du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), le haut-commissaire de défense à la sécurité nucléaire, Christophe Quintin, a reconnu que des salariés se voyaient refuser l’accès aux centrales notamment pour des motifs de dérive islamiste sans être plus précis. Selon des informations rapportées par le JDD, les services de l’état mèneraient chaque année environ 100 000 enquêtes administratives auprès des 73 000 salariés travaillant dans les 19 centrales nucléaires françaises. Près de 700 salariés en moyenne, dont plusieurs dizaines pour des questions de dérives religieuses, se verraient refuser l’accès aux établissements [2]. Toutefois, ces enquêtes ne prennent pas en compte les sous-traitants, qui constituent pourtant un maillon essentiel de la sûreté puisque ce sont eux qui interviennent majoritairement pour la maintenance du réacteur et des équipements afférents. Alors que les entreprises du secteur nucléaire vont devoir recruter massivement pour pallier de nombreux départs en retraite, il n’est pas dit qu’un contrôle strict sera effectué sur le profil des prestataires.

Par ailleurs, outre que ces enquêtes peuvent aboutir à stigmatiser un certain nombre de travailleurs musulmans dans un contexte d’islamophobie latente, il serait illusoire de considérer le fondamentalisme islamiste comme la seule menace. Comment, par exemple, prévenir un acte de folie d’un sous-traitant accompli sous le coup du désespoir, face à des conditions de travail devenues insoutenables ?

La seule mesure de protection est la sortie du nucléaire

Si EDF semble conscient du risque, de nombreux responsables politiques semblent dans l’incapacité de penser réellement la menace terroriste. Le vote en février dernier d’une loi destinée à prévenir les intrusions dans les centrales [3] illustre bien le caractère dérisoire de la réponse apportée. Taillée sur mesure suite aux actions spectaculaires menées par Greenpeace, celle-ci prévoit de lourdes pénalités pour toute personne qui serait tentée de pénétrer sur un site nucléaire sans y être autorisée. Mais quel est le rôle dissuasif d’une amende ou d’une peine de prison pour un kamikaze prêt à sacrifier sa vie ?

Contre l’insécurité nucléaire, une seule mesure apparaît réellement efficace : la fermeture, au plus vite, des sites nucléaires français, qui constituent autant de cibles pour des terroristes potentiels. Dans un contexte de risque terroriste, la phrase prononcée en 2013 par l’ex-Premier ministre japonais Naoto Kan, qui dû affronter les premiers mois de la catastrophe de Fukushima, prend une résonance nouvelle : « Ma conclusion est que la meilleure sécurité dans le nucléaire c’est de ne pas avoir de centrales nucléaires du tout. »



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