TRIBUNE. La France va-t-elle passer à côté de ses énergies renouvelables ?

Eoliennes et panneaux solaires sur le toit d une maisons dans un village de la Sarthe

Eoliennes et panneaux solaires sur le toit d une maisons dans un village de la Sarthe GILE MICHEL/SIPA / GILE MICHEL/SIPA

Un collectif d’industriel des énergies renouvelables se mobilise face au « manque d’ambition » du gouvernement sur ses nouvelles règles environnementales pour le bâtiment.

Pour lutter contre le réchauffement climatique, le gouvernement entend diminuer l’impact carbone des bâtiments (près de 30 % des émissions de CO2 en France), via une « réglementation environnementale » posant un certain nombre de critères pour les constructions neuves. Initialement prévues pour juillet 2020, ces règles ont été repoussées au 1er janvier 2022, et certains assouplissements sont renégociés, provoquant l’ire d’un collectif d’industriels des énergies renouvelables, auteur de la tribune ci-dessous. Le règlement doit être acté ce jeudi 25 mars par le Conseil supérieur de l’Energie.

La future Réglementation Environnementale 2020 (« RE 2020 ») a connu récemment de nouveaux arbitrages, annoncés mardi 18 février par la ministre du Logement Emmanuelle Wargon. Ces derniers inquiètent les acteurs de l’industrie des énergies renouvelables que nous sommes. Alors que le bâtiment devient une brique intelligente de la consommation énergétique et du réseau, des technologies sont développées et déployées par des start-up de pointe et des industriels français. Pilotage des équipements, chauffe-eau pilotés, climatisation asservie, radiateurs électriques intelligents, des solutions pour embarquer de la flexibilité allant jusqu’à la gestion de batteries dédiées, les alliés du solaire sont nombreux. Ces solutions, associées à l’autoconsommation d’électricité et de chaleur, offrent des alternatives efficaces et peu onéreuses pour l’habitat d’aujourd’hui, pour un impact carbone maîtrisé. Elles peuvent être, aussi, une formidable opportunité pour des filières entières, comme celles des installateurs électriciens, pour monter en compétences sur des sujets tels que les économies d’énergie, l’énergie renouvelable et la maison intelligente.

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Si le manque d’ambition du texte actuel en matière d’autoconsommation solaire et de flexibilité énergétique n’est pas corrigé, ce sont des dizaines de milliers d’emplois, voire davantage, qui sont mis en péril par une décision excluant des pans entiers du panorama des solutions décarbonées. L’utilité et la pertinence de ces solutions innovantes ont pourtant déjà été reconnues et soulignées dans les travaux de l’Assemblée nationale, rapportés par la députée Marjolaine Meynier-Millefert. En faisant l’impasse sur ses domaines d’excellences, la France met en péril ses industries et start-up innovantes, ainsi que sa maîtrise technologique en passant à côté des sujets d’avenir que sont l’autoconsommation, la flexibilité et la décarbonation des usages. En revanche, la valorisation de ces innovations ne peut qu’être bénéfique pour la création d’emplois, surtout dans un secteur en constant développement.

En tant qu’entreprises innovantes et industriels responsables, nous saluons la mise en place d’un outil fondamental à la maîtrise de la trajectoire des gaz à effet de serre, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050, indispensable pour garder un réchauffement climatique sous contrôle. Cet outil puissant de l’analyse de cycle de vie (ACV) dans les calculs, permettant de quantifier les impacts réels d’un usage ou de la production d’un objet, est certes contraignant et complexe, néanmoins les acteurs industriels que nous représentons sont prêts à composer avec un grand niveau d’ambition si les règles sont transparentes, sensées et équitables.

L’innovation sacrifiée

Il est donc très dommageable que, dans les débats très intenses sur les orientations en matière d’énergie (électricité, gaz, bois, etc.), de nombreux sujets d’avenir aient été oubliés. Ainsi, l’autoconsommation photovoltaïque, qui consiste à installer des panneaux solaires photovoltaïques en toiture dont l’énergie sera consommée directement sur place, n’est pas suffisamment encouragée. Pourtant, de nombreuses solutions innovantes françaises précitées permettent d’atteindre de très haut niveau d’autoconsommation avec des investissements restreints. Bien maîtrisées par les filières françaises de professionnels et populaires auprès des consommateurs, ces solutions sont aussi largement fabriquées en France. Ainsi, de nombreuses start-up, PME, ETI et grands groupes investissent en recherche et développement (R&D) et dans des usines de pointe, dans l’espoir que ces solutions puissent devenir des standards en Europe, et dans le monde.

Les technologies d’aujourd’hui sont des systèmes extrêmement performants, pilotés en fonction des habitudes et de la météo, et, le cas échéant, embarquant des systèmes de stockage d’électricité. Ces solutions peuvent être comparativement moins chères à l’investissement, et permettre lors de la construction de cibler le budget pour l’isolation et l’installation de panneaux solaires. Les systèmes de gestion, et parfois de stockage qui y sont associés permettent d’apporter de la flexibilité de consommation, dont la nécessité va aller croissant avec une intégration des énergies renouvelables dans nos réseaux électriques. Une solution comme le radiateur Lancey est un très bon allié des panneaux solaires en autoconsommation. Les batteries associées permettent de stocker l’électricité solaire en journée et de la restituer le soir, lorsque la consommation sur le réseau est importante. Des travaux de R&D sont menés afin que des batteries de vélos électriques puissent y trouver une seconde vie, avant d’être recyclées, dans une logique d’économie circulaire.

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En tant qu’acteurs industriels de ces filières, la RE 2020 peut mettre en danger des usines parfois centenaires et inhiber la naissance de nouveaux champions tant vantés par les politiques de tout bord. Nous nous battons pour créer un futur industriel français ambitieux, évoluant dans un référentiel environnemental et social européen exigeant pour la production de nos produits. Il existe aujourd’hui de multiples atouts en France et en Europe pour répondre aux besoins de flexibilité et de pilotage de l’énergie. Des start-up développées sur nos territoires se battent pour apporter des solutions innovantes pour la transition énergétique, intégrant les contraintes du présent et du futur. La France risque de perdre des atouts indéniables et de sacrifier des acteurs industriels innovants si elle manque d’ambition en matière d’autoconsommation, de flexibilité des usages et de décarbonation des usages.

Le collectif signataire comprend : Lancey Energy Storage, Comwatt, Monabee, NED, Néomitis, Aura Digital Solaire, Lucioles, Dualsun, Zehnder Acova et Fédération française des entreprises de génie électrique et énergétique (FFIE).

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