Après des mois de longues négociations, l’Allemagne vient d’adopter ce mercredi 16 octobre un projet de loi visant à taxer plus fortement les billets d’avion, et à réduire la TVA sur les billets de train. Une façon d’encourager les citoyens à adopter des comportements plus vertueux pour le climat.

Le conseil des ministres allemand vient de voter un projet de loi prévoyant d’augmenter de 74% la taxe sur les billets d’avion court et moyen-courriers, et de 41% la taxe des long-courriers. Si le texte doit encore être débattu, son entrée en vigueur dès le 1er avril 2020 ne fait plus aucun doute.

La taxe sur les vols intérieurs passera ainsi de 5,53 euros à 13,03 euros. Celle des longs courriers progressera d’environ 10 à 16 euros par trajet, selon qu’ils dépassent les 6 000 km de distance. Pour les trajets les plus longs, l’augmentation pourrait atteindre 60 euros.
A l’inverse, la TVA sur les billets de train longue distance bénéficiera d’une baisse de 19% à 7% dès le 1er janvier 2020.

Selon le plan climat adopté par le gouvernement allemand, ce ne sont pas moins de 100 milliards d’euros qui seront investis d’ici 2030 dans la protection du climat, avec notamment une enveloppe de 20 milliards dans le réseau ferré, et des subventions en faveur des véhicules électriques.

La France adopte l’écotaxe

De son côté, la France a adopté en juillet dernier l’écotaxe sur les billets d’avion. Les vols au départ de la métropole coûteront 1,50 euro ou 3 euros plus cher, selon qu’il s’agit d’un vol intra-communautaire ou hors UE. Pour les vols en classe affaire, le surcoût s’élèvera respectivement à 9 ou 18 euros. L’écotaxe ne s’appliquera pas aux vols vers la Corse, les DOM-TOM et les vols en correspondance.

Si les montants peuvent paraître dérisoires, la mesure franchit néanmoins une étape symbolique : elle sonne la fin de l’exemption fiscale pour le secteur aérien. Car depuis 1944, année où la France ratifia la Convention Internationale de Chicago sur l’aviation civile, le carburant des avions n’est grevé d’aucune taxe.  Aucun impôt sur le carburant n’est venu entraver le développement du secteur aérien. Même l’Accord de Paris de 2015 n’a pas réussi à mettre en place une taxe carbone ou mettre un terme à l’exonération dont bénéficie le kérosène depuis des décennies.

Les premières estimations de 2018 tablaient sur des recettes de 310 millions d’euros. Finalement, ce sont 182 millions d’euros que l’écotaxe permettra de récolter.  Elle sera investie dans l’amélioration et le renforcement des infrastructures de transport plus écologiques, notamment le chemin de fer.

La France s’ajoute ainsi à la liste des pays européens qui, comme la Belgique et les Pays-Bas, ont décidé de mettre en place l’écotaxe aérienne à partir du 1er janvier 2020.

Le secteur aérien s’indigne

Sans surprise, la nouvelle a été mal reçue par le secteur aérien. Michael O’Leary, PDG de Ryanair (9e société la plus émettrice de GES en Europe après 8 centrales à charbon !), s’est écrié : « Les politiques ne manquent pas de culot, surtout en France. »

Or les émissions générées par les avions sont évaluées à 3% environ des émissions totales de CO2. Certaines associations écologistes, à l’instar du RACF (Réseau Action Climat France) affirment même que ce chiffre est sous-évalué et pourrait s’élever à 4,9% des émissions de dioxyde de carbone, car il ne tient pas compte du taux de forçage radiatif[1] lié aux nuages générés par les avions. En mai 2018, la revue Nature Communication déclarait que les nuages causés par les avions avaient sans doute un impact plus important que le carburant brûlé par les appareils (voir notre article du 28/08/2019).

La mesure répond ainsi à la demande formulée par une part croissante de citoyens qui souhaitent appliquer le principe du « pollueur payeur » à ce secteur gros émetteur de GES, et dont le nombre d’usagers ne fait qu’augmenter.

Le Fly Shame pourrait s’étendre à d’autres pays

Mais d’autres nuages assombrissent le ciel du secteur aérien. Le Flygskam (la « honte de prendre l’avion » ou Fly Shame en anglais), apparu il y a quelques mois en Scandinavie, n’est pas de nature à apaiser l’inquiétude des compagnies aériennes. En Suède, le trafic aérien stagne, il est même en baisse sur les vols intérieurs.
Il est vrai qu’une taxe sur les vols introduite en avril 2018, de même que la faillite de NextJet, une compagnie aérienne régionale de Suède, peuvent expliquer en partie la diminution du nombre de voyages en avion dans ce pays.

Mais la morosité du secteur aérien n’est pas limitée à la Suède ; c’est tout le secteur qui est sous pression. Les effets du Fly Shame sont encore peu perceptibles dans d’autres pays ; par contre, la concurrence est impitoyable, principalement entre compagnies low-cost.
Le nombre de faillites de compagnies aériennes n’a jamais été aussi élevé : Primera Air au Danemark, Saratov Airlines en Russie, Small Planet Airlines en Lituanie, Privat Air et Skywork en Suisse, OneJet aux Etats-Unis, Dart Airlines en Ukraine ou encore Bassaka Air au Cambodge et VLM en Belgique, sans oublier Germania en février dernier et la faillite de Thomas Cook plus récemment.

Selon les analystes, la perte de vitesse du secteur est loin d’être terminée. Les perspectives de croissance ont été récemment revues à la baisse (1,8% pour les 10 prochaines années), et la pression écologique ne va pas diminuer : « la taxe carbone qui va finir par arriver sera éliminatoire », annonce Jean Collard, expert aéronautique.


[1] Le forçage radiatif exprime le déséquilibre d’origine humaine entre l’énergie entrante (rayonnement solaire) et l’énergie sortante de l’atmosphère. On estime à 4% le pourcentage de forçage radiatif anthropogénique lié au secteur de l’aviation.