« Nous regrettons que cette réforme, qui est indispensable pour EDF, ne puisse se conclure maintenant », a déclaré jeudi le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, à des journalistes lors d'une conférence téléphonique. Après l'annonce mercredi du report de la grande réforme du groupe après le quinquennat d'Emmanuel Macron en 2022, faute d'accord avec la Commission européenne, le groupe craint désormais pour sa place en « première division » face à ses concurrents.
« Le sujet de fond reste entier [...] Notre court terme est assuré ; notre moyen et notre long terme ne l'est pas si nous voulons jouer en première division, ce qui est quand même ce qui est attendu d'EDF », a expliqué Jean-Bernard Lévy.
Le patron d'EDF avait déjà exprimé sa peur d'un décrochage du groupe, notamment dans la transition vers les énergies vertes. Il se trouve déjà à la traîne derrière des concurrents européens comme l'italien Enel ou l'espagnol Iberdrola, tandis que les pétroliers (BP, Shell ou TotalEnergies) investissent désormais leurs gros moyens dans le solaire ou l'éolien.
Opposition des syndicats
D'abord baptisée « Hercule », pour montrer que la transformation de l'entreprise relevait de « l'exploit », puis « Grand EDF », la réforme que devait lancer le gouvernement était en effet censée donner à l'entreprise lourdement endettée les moyens d'investir dans les énergies renouvelables, tout en rénovant son parc nucléaire. Celle-ci prévoyait une réorganisation de l'entreprise en trois entités, devant satisfaire aux règles de concurrence fixées par Bruxelles : EDF Bleu avec les activités nucléaires et le réseau de transport RTE, EDF Vert avec les activités commerciales, de distribution et les renouvelables et EDF Azur, avec les concessions hydrauliques. Malgré ces trois entités distinctes, la France insistait sur le fait qu'EDF devait rester un groupe « intégré » avec une direction et une stratégie uniques.
Mais elle s'est heurtée aux syndicats de l'électricien, qui y voyaient un risque de démantèlement, et une première étape vers la privatisation de l'entreprise détenue par l'Etat à hauteur de 84%. Force ouvrière s'est ainsi félicité, mercredi soir, que le projet « soit à tout le moins reporté », sous réserve de confirmation, a tweeté son secrétaire général, Yves Veyrier.
« C'est pour nous une belle et grande victoire à mettre à l'actif du rapport de force des travailleurs avec la CGT, qui n'a jamais attendu une quelconque annonce », avec une forte mobilisation au printemps, a déclaré à l'AFP Sébastien Menesplier, secrétaire général de la Fédération nationale Mines Energie CGT. Et d'ajouter : « Nous resterons pour autant vigilants, car les discussions entre le gouvernement et la Commission européenne vont se poursuivre ».
Blocage de la Commission européenne
En plus de cette opposition interne, l'échec est mis sur le compte de désaccords persistants avec la Commission européenne, avec laquelle le patron d'EDF et le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, négociaient depuis plusieurs mois. Car une entente avec Bruxelles, gardien de la concurrence en Europe, était nécessaire.
Or, force est de constater que les discussions se sont révélées très compliquées, notamment sur la fixation du prix de l'électricité et la nécessité ou non d'avoir des barrières parfaitement étanches entre les différentes entités. La France souhaitait que son champion conserve son modèle « intégré », tandis que les services de la concurrence à la Commission souhaitaient une séparation plus franche de ces entités.
Résultats financiers en hausse
Par ailleurs, le report d'une éventuelle réforme a quelque peu éclipsé la publication des résultats financiers d'EDF, en hausse. Le groupe est ainsi revenu dans le vert au premier semestre, avec un bénéfice net de 4,172 milliards d'euros, contre une perte de 701 millions un an plus tôt.
Son Ebtida (excédent brut d'exploitation) est en hausse de 29,3% à 10,6 milliards, grâce à « une progression de la production nucléaire en France et un climat plus froid dans un contexte de hausse des prix de l'électricité et du gaz ». EDF souligne que cet Ebitda grimpe aussi de 26,8 % par rapport au premier semestre 2019, qui n'avait pas été affecté par la crise Covid. Ses objectifs financiers pour l'année avaient récemment été relevés, dans le sillage de sa prévision de production nucléaire en France.
(avec AFP)
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