Média indépendant à but non lucratif, en accès libre, sans pub, financé par les dons de ses lecteurs

ReportageCOP26

Le double jeu d’Emmanuel Macron sur le climat

Des jeunes militants d’ANV-COP21 ont exposé des portraits retournés d'Emmanuel Macron lors de la COP26.

À Glasgow, M. Macron a vanté son action et celle de l’Union européenne. Mais en sous-main, la France manœuvre avec la Pologne et la Hongrie pour faire reconnaître le gaz — et le nucléaire — comme des énergies « vertes ».

Glasgow (Écosse), reportage

Glasgow, quartier de Cessnock, lundi 1er novembre. Il est 8 h du matin et un vent mordant souffle sur la ville. Malgré le froid, les jeunes militants d’Action non violente COP21 (ANV-COP21) sont déterminés à faire entendre leur voix. Dans quelques heures, Emmanuel Macron prononcera un discours lors du sommet des leaders mondiaux de la COP26. « Nous voulons rappeler le décalage entre ses paroles et les actes », explique Charles de Lacombe, l’un des porte-parole du mouvement. Vers 8 h 30, le petit groupe se met en marche, les journalistes trottant derrière eux. Destination : inconnue jusqu’au dernier moment, pour préserver les fuites. Nous traversons un entrelacs de lotissements à briques rouges lorsqu’un habitant du quartier, la cinquantaine, interpelle violemment les activistes : « Dégagez d’ici, maintenant ! » La veille, Yaz, un militant britannique d’Extinction Rebellion, nous avait prévenu : « Au Royaume-Uni, il n’y a pas une culture de la manifestation comme en France. »

Des jeunes militants d’ANV-COP21 devant le bâtiment accueillant la COP26. © Basile Mesré-Barjon/ANV-COP21

Les militants finissent par s’installer près du Clyde, le fleuve traversant Glasgow. En arrière-plan se découpe le Scottish Event Campus, où se tient la COP26. Et puis tout va très vite. En silence, plusieurs activistes déroulent une bannière jaune accusatrice : « Climate Emergency, Macron Guilty » (Urgence climatique, Macron coupable). Derrière eux, d’autres brandissent, tête à l’envers, une dizaine de portraits officiels d’Emmanuel Macron décrochés dans les mairies françaises depuis février 2019 pour dénoncer son inaction environnementale. Quelques minutes passent avant que Marie Cohuet, une militante, ne prenne la parole. Condamnation de l’État français dans l’Affaire du siècle, torpillage de la loi Climat, soutien au projet pétrolier de Total en Ouganda, extensions d’aéroports dans plusieurs villes, tapis rouge déroulé à Amazon… La militante déroule un réquisitoire sévère à l’égard de la politique écologique du président de la République. « La France n’est pas à la hauteur des enjeux ni même des objectifs qu’elle s’est fixée », martèle-t-elle.

Pour promouvoir le nucléaire, la France accepterait de faire passer le gaz comme une énergie "verte"

La position de M. Macron est d’autant plus critiquable que, comme l’a révélé une journaliste de Contexte, Anna Hubert, le président de la République mène un double jeu : pour obtenir que le nucléaire soit inclus dans la « taxonomie verte » européenne des investissements jugés écologiques, la France aurait cosigné un texte avec la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie afin de faire accepter le gaz - un combustible fossile - dans cette liste conjointement avec le nucléaire. Ce texte circule dans les cercles européens, qui négocient durement le projet de taxonomie verte.

Texte demandant l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie verte européenne.

Cette politique est confirmée par un tweet datant de septembre de l’ambassadeur de France en Tchéquie, Alexis Dutertre, se félicitant du « même état d’esprit » de la France et de la Tchéquie pour inclure nucléaire et gaz dans la taxonomie verte.

Mais bien sûr, le discours d’Emmanuel Macron n’a pas évoqué cette manoeuvre de coulisses. Il a d’ailleurs fallu l’attendre longtemps : près d’une heure et demi de queue et de contrôles avant de pouvoir pénétrer dans l’enceinte officielle. Après avoir retardé son discours de près de trois quarts d’heure, le président de la République a enfin pris la parole en milieu d’après-midi. « Il faut tous et toutes pouvoir avoir des stratégies qui correspondent à la déclinaison du 1,5 °C maximum dans nos stratégies nationales. À ce titre, la France, mais plus largement l’Union européenne, le Royaume-Uni, sont aujourd’hui au rendez-vous de ces engagements », annonce-t-il. Pour Clément Sénéchal, porte-parole climat de Greenpeace France, ces déclarations sont malvenues : « Il aurait dû faire amende honorable, la loi Climat a instauré l’objectif de réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 alors que l’Union européenne elle-même s’est fixée un objectif de 55 %. Par ailleurs, le gouvernement a relevé, à court terme, les plafonds d’émissions autorisés. »

Emmanuel Macron a dénoncé « l’hypocrisie » des pays industrialisés.

Emmanuel Macron a ensuite vanté son action en matière d’aide financière. Pour rappel, les pays développés se sont engagés à verser 100 milliards de dollars en faveur des pays en développement entre 2020 et 2025. Le chef de l’État a ainsi affirmé : « La France mobilise près de 7 milliards de dollars par an, dont plus du tiers est consacré à l’adaptation [au changement climatique]. » Certes, mais Clément Sénéchal rappelle que la plupart de ces financements sont réalisés sous forme de prêts et non pas de dons. « Cela va aggraver encore la dette financière des États les plus exposés. » Le président français a également dénoncé l’hypocrisie des pays industrialisés : « Trop d’entre nous prennent ici des engagements et ensuite signent des accords commerciaux qui font exactement le contraire. » Clément Sénéchal rappelle pourtant que l’Union européenne a récemment conclu un accord de libre-échange avec le Vietnam sans clause environnementale contraignante et qu’Emmanuel Macron lui-même a poussé pour la signature du Ceta — l’accord Canada – Union européenne. Enfin, les militants remarquent l’absence d’annonces supplémentaires, notamment sur la sortie des énergies des fossiles. Une intervention « pas extrêmement productive », conclut Clément Sénéchal.


  • Promesse de stopper la déforestation d’ici 2030

Une centaine de dirigeants mondiaux se sont engagés lundi 1e novembre à enrayer la déforestation d’ici à 2030, a annoncé le gouvernement britannique.

Les États-Unis, la Chine, l’Australie ou la France, ont ainsi promis de stopper la déforestation, de restaurer les forêts et de mettre fin à la dégradation des terres d’ici la fin de la décennie, avec un investissement de 19,2 milliards de dollars (16,5 milliards d’euros) comprenant des fonds publics et privés pour protéger plus de 13 millions de kilomètres carrés de forêts. Les pays signataires abritent 85 % des forêts mondiales, dont la forêt boréale du Canada, la forêt amazonienne au Brésil ou encore la forêt tropicale du bassin du Congo. Mais pour des ONG comme Greenpeace, la date de 2030 est trop éloignée et donne le feu vert à « une décennie supplémentaire de déforestation ». « Les peuples indigènes demandent que 80 % de la forêt amazonienne soit protégée d’ici à 2025 et ils ont raison, c’est ce qu’il faut faire », a dit Carolina Pasquali, responsable de Greenpeace au Brésil.

  • L’Inde atteindra la neutralité carbone en 2070

« D’ici 2070, l’Inde atteindra l’objectif de zéro émissions nettes » de carbone, a annoncé lundi à Glasgow le Premier ministre indien, Narendra Modi. L’Inde est le quatrième émetteur au monde de gaz à effet de serre derrière l’Union européenne. M. Modi a précisé d’autres objectifs : l’Inde accroîtra d’ici 2030 « ses capacités énergétiques non fossiles » de 50 à 500 gigawatts et elle assurera d’ici la même année 50 % de ses besoins en énergie par des sources renouvelables. "D’ici 2030 l’Inde réduira l’intensité carbone de son économie de 45 % », a également déclaré M. Modi, accroissant ainsi de 10 points de pourcentage ses promesses initiales de réduction de ses émissions de CO2 rapportées au PIB par rapport à 2005.

Fermer Précedent Suivant

legende