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Actu-Environnement

50 ans de retombées radioactives en métropole dues aux essais nucléaires atmosphériques

Longtemps restées dans le tabou, les retombées radioactives des essais atomiques atmosphériques deviennent visibles. La radioactivité artificielle qui en résulte laisse des traces dans l'environnement aujourd'hui publiées par l'IRSN.

Risques  |    |  C. Saïsset
   
50 ans de retombées radioactives en métropole dues aux essais nucléaires atmosphériques
© Cornelius
   
Sur son nouveau portail Internet dédié à la radioactivité de l'environnement, l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) publie une chronique de 50 ans de mesure des retombées radioactives sur l'Hexagone dues aux essais aériens d'armes nucléaires. Ce travail résulte d'une commande en 2003 du ministère en charge de l'environnement (l'un de ses 5 ministères de tutelle), d'évaluer les conséquences environnementales et dosimétriques de ces retombées sur le territoire. Jusqu'alors, les données officielles exploitées par les autorités françaises reposaient uniquement sur des estimations du Comité scientifique des Nations Unies sur l'effet des Rayonnements (UNSCEAR).

Or depuis 1959, la France disposait d'un réseau de surveillance de la radioactivité artificielle dans l'air baptisé Opera (Observatoire permanent de la radioactivité), basé sur neuf stations atmosphériques équipées de préleveurs d'eau de pluie et de filtres à air. Ce réseau avait été initié en 1955, en pleine Guerre Froide, par le professeur Yves Rocard, membre du Comité de l'Energie Atomique, dans le but stratégique de détecter les essais d'armes nucléaires. Lors de sa création en 2002, à partir de la fusion de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (du CEA) et de l'Office de Protection des Rayonnements Ionisants (ex Service Central de Protection contre les Rayonnements Iionisants qu'a dirigé le fameux professeur Pellerin), l'IRSN récupère les résultats de cette surveillance de l'environnement.

En France, selon l'IRSN, la radioactivité naturelle ambiante est de 50 à 70 nSiev/h aux points les plus bas, de 150 à 170 nSiev/h dans les régions granitiques, et de 300 nSiev/h à 3800 mètres d'altitude. Avec l'explosion des bombes sur Hiroshima et Nagasaki et les essais atomiques qui suivirent, l'air s'entache de radioactivité artificielle. De 1945 à 1980, plus de 2.400 essais nucléaires, dont 543 atmosphériques, ont été réalisés par les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine, la plupart du temps dans l'hémisphère nord. Selon l'IRSN, 75 % des retombées de ces essais ont eu lieu dans l'hémisphère nord.

La période de 1959 à 1980 montre des activités élevées et fluctuantes de radionucléides artificiels dans l'air, en rapport avec les essais atmosphériques dans l'hémisphère nord. L'IRSN décrit la présence du Césium 137. De 1959 à 1965, les retombées radioactives sur l'Hexagone ont ainsi été de 1.000 à 10.000 micro Becquerel par mètre cube (μBq/m3) d'air, liés notamment aux essais américains et russes, avec un niveau dix fois plus faible en 1961, année du moratoire. Par la suite, l'effet de ces essais s'estompe, et subsiste l'influence des essais atmosphériques chinois jusqu'en 1980 : la teneur en Césium 137 varie de 1.000 à 100 μBq/m3 dans l'air des français. Avec l'arrêt des essais atmosphériques, la radioactivité décroît. Elle atteint presque 1 μBq/m3 de Césium 137 dans l'air lorsqu'en 1986 survient la catastrophe de Tchernobyl. Le Césium 137 remonte en flèche à 10 millions de μBq/m3 dans l'air, puis décroît de 1000 à quelques dizaines jusqu'à l'accident d'Algésiras en Espagne. En 1998, un rejet accidentel lors de l'incinération d'une source radioactive provoque un pic de remontée à 10.000 μBq/m3 de Césium 137 dans l'air. Depuis lors, la radioactivité dans l'air de l'Hexagone oscille de 1 à 10 μBq/m3 de Césium 137.

Les effets sur l'environnement et la santé de la population ont été de courte durée pour les radionucléides artificiels à vie courte, tels que l'iode 131 (8 jours). Les radionucléides artificiels à vie longue, tels que le Césium 137 (30 ans) ou le Strontium 90 (30 ans), ont eu le temps de s'infiltrer dans tous les compartiments de la chaîne alimentaire et entretiennent une contamination qui ne diminue que lentement depuis le début des années 60. Aujourd'hui, ces particules solides sont toujours présentes dans le sol et les sédiments, avec le risque de migrations dans les écosystèmes, tient à préciser Didier Champion, directeur de l'environnement et de l'intervention de l'IRSN. Ce qu'on observe aujourd'hui, c'est la remise en suspension par le vent du stock qui s'est déposé au sol.

Trois ans d'étude ont été nécessaires à l'IRSN pour arriver à établir des conclusions de l'analyse de ces données historiques. Le lait, la viande et les légumes produits dans les régions les plus arrosées ont pu être cinq fois plus contaminés que les denrées provenant des régions où les précipitations étaient en moyenne plus faibles. Cet écart s'est retrouvé au niveau de l'alimentation des consommateurs : jusqu'au début des années 80, alors que la consommation alimentaire empruntait encore un circuit court, les enfants d'Auvergne ou des Vosges ingéraient en moyenne 2,5 fois plus de Césium 137 que ceux de la Région parisienne. La génération la plus exposée aux retombées radioactives de ces essais est celle des enfants nés en 1961 : à 18 ans, la dose cumulée depuis leur naissance du fait de ces essais est estimée à 1,5 millisievert (mSv) en moyenne et jusqu'à 5 mSv dans les régions les plus arrosées. La dose annuelle reçue par la population française a été maximale en 1963 : 0,3 mSv par an.

Ces résultats paraissent au moment où circule dans les salles de cinéma françaises un documentaire éloquent de Djamel Ouahab sur les essais nucléaires français dans le sud du Sahara : « Gerboise Bleue », du nom du premier essai atomique atmosphérique français effectué 50 ans en arrière. Ce film amorce une ébauche de réconciliation franco-algérienne sur cette période. Avec un point d'interrogation : Quelles sont les retombées radioactives des essais atmosphériques français dans le Sahara algérien, sur la population et les militaires alors mobilisés ?

Réactions7 réactions à cet article

Encore une tare des Trente Glorieuses.

Peut-être le premier rapport permettant d'établir une corrélation entre l'occurence des essais nucléaires atmosphériques et la teneur en Cesium 137 dans l'atmosphère. Un article vraiment intéressant.

Jusqu'à quand devrons-nous supporter les conséquences de cette croissance folle des Trente Glorieuses?

Globalsly | 12 mars 2009 à 11h25 Signaler un contenu inapproprié
autruches !!!

il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Par exemple, en tant que travailleur "classé", je suis régulièrement astreint à des analyses de contamination corporelle. Et depuis mes prises de fonction, au début des années 80, on voit régulièrement décroître les teneurs en isotopes résultant des essais atmosphériques. Très spécifiques, ils ressortent clairement des isotopes radioactifs naturels. Tout cela est parfaitement connu... et inoffensif en métropole !

dmg | 13 mars 2009 à 13h47 Signaler un contenu inapproprié
Re:autruches !!!

Si je comprends bien, vous avez donc dans le corps des isotopes radioactifs artificiels, certes en teneur décroissante.

Vous les croyez "inoffensifs". Je m'en réjouis pour vous.

Sachez cependant qu'un rapport de 2003 du Comité Européen pour les Risques des Radiations (CERI, chercher "euradcom" sur la toile) "les effets sanitaires des expositions à de faibles doses de rayonnements ionisants, à des fins de radioprotection. Edition ", commandité par le Parlement Européen, remet en cause très sérieusement les modèles actuels de radioprotection, et en particulier les effets des "faibles doses".

J'espère pour vous, et pour nous tous (nous inhalons/ingérons tous les jours des radio-isotopes artificiels) que ce n'est pas si grave...

Bonne journée

nini | 16 mars 2009 à 11h23 Signaler un contenu inapproprié
Le lien avec la santé humaine?

Je crois me souvenir, d’après mes cours de sciences naturelles suivis il y a bientôt 30 ans, que les rayonnements ionisants peuvent provoquer des malformations sur les foetus ou des cancers.
Existe-t-il des statistiques dans les pays de l’hémisphère nord qui montrent que les enfants nés dans les années 60 avaient plus de malformations ou ont déclaré plus de cancers que ceux des décennies antérieures ou suivantes?

Merci pour vos réponses

Un enfant né en 63 et atteint d'une malformation de la main droite.

né en 63 | 16 mars 2009 à 22h35 Signaler un contenu inapproprié
Re:Re:autruches !!!

Plusieurs réactions à votre réponse :
* depuis 60 ans, il existe quantité de rapports s'intéressant au problème des faibles doses ! On peut même en trouver, publiés dans des cercles tout à fait recommandables, qui avancent un effet bénéfique... Je ne prends pas parti, je ne suis ni épidémiologiste ni statisticien. Il n'en demeure pas moins qu'aucune incidence significative n'a pu être mise en évidence jusqu'à des doses 50 fois supérieures à la radioactivité naturelle en France.
* il faut rappeler qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre radioactivité naturelle et artificielle, il s'agit toujours de noyaux se désintégrant selon un nombre très limité de modes. Si donc un effet est observé, il ne peut être que lié à la nature de l'élément en cause : j'admets bien volontiers que la chimie du baryum est différente de celle du césium 137 qui lui a donné naissance ! Mais l'iode, qu'il soit radioactif ou stable, ira toujours se loger dans la thyroïde ! Autre exemple, au-delà de composantes psychologiques (traumatisme de guerre,...), l'effet de l'uranium appauvri de certaines munitions peut difficilement être attribué à la radioactivité résiduelle, très faible, mais bien plus probablement à des interactions biochimiques (ce qui ne retire pas le fait que l'usage de telles munitions devrait être interdit, tout comme les bombes au phosphore ou à fragmentation, bien plus meurtrières, etc.).
* maintenant, il est clair que par exemple la "légèreté" avec laquelle ont pu être traitées les populations résidant à proximité des sites d'essais nucléaires est condamnable ! De la même façon la gestion des déchets des sites miniers doit être aussi propre que possible (mais il en est de même pour toutes les mines, le mercure ou le plomb sont au moins aussi dangereux que l'uranium ou le thorium). Et tout doit être fait pour rassurer, expliquer, et indemniser ou réparer si quelque effet est prouvé.
* condamnable également l'attitude de certains responsables et de la plupart des médias qui préfèrent occulter une réalité complexe voire, pire, asséner des positions dogmatiques, plutôt que d'expliquer. Et trop de gens "bien intentionnés" ne sont que des charlatans, des gourous en puissance ou des frustrés en quête de notoriété... La démocratie ne peut se construire qu'avec des citoyens informés et critiques dans un cadre de confiance (en prend-on le chemin ???).

dmg | 19 mars 2009 à 18h48 Signaler un contenu inapproprié
Re:Re:Re:autruches !!!

Bonjour,

Plusieurs réactions à vos réactions :

"depuis 60 ans, il existe quantité de rapports s'intéressant au problème des faibles doses ! On peut même en trouver, publiés dans des cercles tout à fait recommandables, qui avancent un effet bénéfique" ... "'aucune incidence significative n'a pu être mise en évidence jusqu'à des doses 50 fois supérieures à la radioactivité naturelle en France."
Pourquoi pas, mais pouvez vous donner des références? (moi j'en ai donné)
Ce n'est pas le nombre d'études qui fait la valeur. Celles que vous citez sont ellles réellement indépendantes, et font elles bien la différence entre irradiation interne et externe?

" l'effet de l'uranium appauvri de certaines munitions peut difficilement être attribué à la radioactivité résiduelle, très faible, mais bien plus probablement à des interactions biochimiques"
Pouvez vous préciser? Sur quoi étayez vous cette afirmation?

" le mercure ou le plomb sont au moins aussi dangereux que l'uranium ou le thorium."
Cela n'a pas de sens de comparer la dangerosité du mercure et de l'uranium. Ils n'agissent sur le corps pas de la même façon ni sur la même échelle de temps, ne se disséminent pas de la même façon. Comment les comparer? Par le nombre de morts ils ont provoqué / vont provoquer? Jusqu'à aujourd'hui / dans les 10 années qui viennent / dans les 10 000 années qui viennent?

"La démocratie ne peut se construire qu'avec des citoyens informés et critiques dans un cadre de confiance".
D'accord avec vous. Vous avez vraiment l'impression que l'industrie nucléaire nous informe et donne les moyens aux citoyens d'être critique? Vous avez vraiment confiance en un lobby qui musèle l'OMS (via l'AIEA), l'empêchant de reconnaitre le nombre réel des victimes de Tchernobyl, ou de publier les actes des conférences de 95 sur les conséquences sanitaires de cette catastrophe qui, 23 ans après, continue de faire souffrir (je parle physiquement, et non de l'impact psychologique qui est également montrueux, mais n'est pas le sujet ici) des centaines de milliers de personnes? (chercher "independentwho" sur la toile).

Bien cordialement

nini | 24 mars 2009 à 00h06 Signaler un contenu inapproprié
Re:Re:Re:Re:autruches !!!

cher contradicteur, désolé de ce délai de réponse, la "trépidité" de notre époque moderne... Je demande un joker pour la biblio, qui nécessiterait que je dépoussière mes placards et ma mémoire.

Indépendant : qu'entendez-vous par là ? Si pour être admis comme "indépendant", il faut être en dehors des connaisseurs, on peut craindre que les avis émis soient d'une part furieusement à charge et d'autre part très douteux : c'est le travers habituel dans ce genre de débat (idem pour les antennes ou les OGM, je le fais exprès), les gens qui en connaissent sont a priori suspects...

Uranium appauvri : comme son nom l'indique, il ne contient plus qu'une proportion minime d'U235, en clair il est à peine plus radioactif qu'une bordure de trottoir (ou une pierre tombale...) en granit... ou une bouteille de Volvic ! Son effet éventuel ne peut donc plus être lié à sa désintégration ! Il agit donc comme un métal lourd (ce qu'il est), qui va aller se piéger par exemple dans les os où il va perturber le métabolisme du calcium ou du potassium. Sa nocivité n'est alors pas substantiellement différente des autres exemples que j'ai choisi à dessein, mercure et plomb. Et il n'y a plus d'échelle de temps qui entre en ligne de compte, puisqu'il n'y a plus de désintégration (j'ai simplifié) donc plus de décroissance donc... plus de diminution du risque : encore une fois, ça devient de la chimie, et c'est toxique jusqu'à la fin des temps !!!

Tchernobyl ? Je vais être provoquant : le nombre de morts intégré sur une génération est certainement inférieur à celui causé par exemple par la catastrophe de Bhopal. Et il y a eu un nombre de morts par anticipation énorme dû aux avortements non justifiés qu'ont demandé les cohortes d'hystériques des pays nordiques... gavées jusqu'à la nausée par la désinformation des anti-nucléaires dogmatiques : au scandale soviétique, on a ajouté un scandale médiatique ! Redevenons sérieux (attention, je ne dis pas que ce qui s'est passé en France est acceptable, le déficit organisé de l'information est lamentable, même si réellement les risques ont été extrêmement minimes). Il y a eu des morts, il y en aura encore (au pire sur quelques générations, pas sur 10000 ans !!!). Les chiffres de l'OMS sont certainement les plus sérieux DANS LE CADRE DES HYPOTHÈSES QU'ILS ONT RETENUES. Au moins, eux, leur cadre est clair, on n'en dira pas autant de ceux qui extrapolent à des centaines de milliers sur la base d'hypothèses très douteuses... Pressions de l'AIEA ? Des preuves !

Irradiation interne / externe ? Savez-vous que la radioactivité moyenne d'un être humain est de l'ordre de 6000 becquerels ?

Désolé pour cet accès d'urticaire, mais la période est mauvaise pour les scientifiques. Rappelons d'abord les fondements : la science ne PROUVE rien. Elle montre simplement qu'un ensemble de phénomènes peut être plus ou moins bien simulé par un système théorique, qui a deux propriétés fondamentales :
* on peut s'en servir pour faire des prédictions puis essayer de les vérifier (le "dessein intelligent" des créationnistes américains -ou turcs- n'est donc pas scientifique),
* il peut s'avérer faux ou à tout le moins approximatif (la gravitation de Newton marche bien dans le système solaire, pas du tout à proximité d'un trou noir) et donc peut être remis en cause (falsifiable comme dit Popper).
Et c'est tout. C'est peu, mais c'est ce qui fonde l'explosion des connaissances depuis la Renaissance...
Pour le sujet qui nous intéresse, je vais prendre un exemple. Je pars d'un fait avéré : les pommes contiennent plusieurs dizaines de substances réputées cancérigènes (oxydants, aromatiques, etc.). Et pourtant, on continue à manger des pommes. Maintenant, je me place du point de vue du quidam inquiet ou du militant de mauvaise foi : qui pourra prouver avec une absolue certitude qu'une partie des cancers n'est pas due à la consommation de pommes ? Certainement pas les scientifiques, voir ci-dessus ("rarement de certitude absolue en sciences", et "expert égale juge et parti"). Donc, appliquons le principe de précaution fort, arrêtons la culture et la consommation des pommes...
Et c'est avec ce genre de dérives qu'est pollué le débat sur les grandes questions technico-scientifiques actuelles !

A suivre (si vous le souhaitez).

dmg | 02 avril 2009 à 22h17 Signaler un contenu inapproprié

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