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Incendies, coupures d'électricité : l'empreinte du changement climatique en Californie

L'Etat américain connaît cet été une de ses pires canicules, qui provoque des événements extrêmes et menace la santé des habitants, surtout les plus précaires.
par Aude Massiot
publié le 20 août 2020 à 15h45

Une tornade de feu incontrôlable, une coupure d’électricité évitée de peu et la foudre qui frappe des terrains extrêmement secs, provoquant ainsi des incendies. La Californie vit un des étés les plus violents de son histoire, en termes climatiques.

En toile de fond, des épisodes prolongés de canicule minent une bonne partie de l’Ouest américain depuis plusieurs mois. Dimanche, un nouveau record mondial de 54,4 °C a été enregistré dans la vallée de la Mort. Une dizaine de villes du Golden State ont, elles aussi, atteint des maximums de chaleur la semaine dernière. Cette chape de plomb, renforcée par une forte humidité, pèse sur la santé des habitants, déjà affaiblis par l’épidémie de Covid-19 toujours forte sur la côte ouest.

La baie de San Francisco est la plus durement touchée par ces événements extrêmes. Jeudi, l'incontrôlable feu, appelé «LNU Lightning Complex», a forcé plusieurs milliers d'habitants à évacuer pendant la nuit. En une journée, mercredi, la tempête de flammes a englouti 105 maisons et endommagé 70 autres bâtiments, brûlant plus de 500 kilomètres carrés. Selon le département californien des incendies, 26 départs de flammes étaient toujours actifs à travers l'Etat sur près de 1 400 kilomètres carrés ce jeudi après-midi.

«Voici la vue d'un hélicoptère volant au-dessus d'Empire Grade, à Boulder Creek, dans le comté de Santa Cruz [au sud de San Francisco, ndlr].» — Unité de lutte anti-incendie de Santa Cruz, le 20 août.

Pénurie d’électricité

Quelques jours auparavant, la Californie avait déjà échappé de justesse à une coupure totale de son réseau électrique, fragilisé par les fortes chaleurs et une baisse de la fourniture d’énergie solaire. Le California Independent System Operator, qui gère la majorité du réseau, a déclaré un état d’urgence et demandé aux habitants et entreprises de réduire au maximum leur consommation d’électricité. Des consignes largement suivies et qui, accompagnées d’une hausse de l’énergie fournie par les éoliennes, ont permis d’éviter une saturation des réseaux. Une telle situation n’avait pas été observée depuis 2001.

S'ajoute à cela la pollution de l'air rendue désastreuse par la fumée des incendies. Certaines communes, dans le nord comme dans le sud de l'Etat, enregistrent des niveaux de qualité de l'air parmi les plus mauvais de la planète. Des pluies de cendres forcent les enfants et personnes vulnérables à rester cloîtrés.

«Voici le modèle le plus récent montrant l'étendue des fumées à travers la colonne atmosphérique» — Service météorologique national pour la baie de San Francisco, le 20 août.

En outre, les fortes chaleurs aident les polluants à stagner près du sol. En 2018, lors de l'incendie géant du Camp Fire, le plus meurtrier et dévastateur de l'histoire de la Californie, des particules fines 2.5, les plus petites, avaient parcouru en suspension dans l'air une large partie de l'Etat. Transportant des composants cancérogènes, elles pénètrent en profondeur dans les poumons, peuvent causer des inflammations et aggraver l'état de santé des personnes atteintes de maladies cardiaques et pulmonaires.

Cet été, que l'on peut sans exagérer qualifier de catastrophique, pourrait bien devenir la norme dans le Golden State dans les prochaines décennies. L'empreinte humaine sur ces événements extrêmes est incontestable d'après Michael Wehner, climatologue au Lawrence Berkeley National Laboratory. Il explique, sur le site Climate Signals, que «pour une grande partie de la Californie, le changement climatique a provoqué de rares vagues de chaleur».

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Les scientifiques ont démontré que le dérèglement du climat a déjà doublé la surface brûlée par des incendies dans l’ouest des Etats-Unis. C’est la conséquence, entre autres, d’un allongement de la saison des feux, qui s’étend désormais sur deux mois de plus que dans les années 70.

Inégalités sociales

Comme pour la pandémie de coronavirus, les populations les plus précaires sont les plus durement affectées. Entre 2004 et 2018, les communautés autochtones, vivant pour la plupart dans des réserves avec un faible accès à l'eau, à l'électricité et aux systèmes de santé, ont connu le plus fort taux de décès liés à la chaleur, selon une étude publiée en juin par le Center for Disease Control and Prevention (CDC), l'organisme national chargé de la santé publique. Les communautés afro-américaines, elles aussi en moyenne plus précaires, arrivent en seconde position.

Pourquoi de telles inégalités ? Les quartiers paupérisés manquent souvent d'espaces verts qui permettent d'abaisser la température des villes. Ils sont coincés dans des paysages bitumés, un matériau qui absorbe fortement la chaleur. Et la climatisation n'est pas un investissement accessible à tous. Dans une étude scientifique publiée en janvier, des chercheurs américains ont démontré une corrélation entre la température moyenne des rues d'une centaine de villes et les politiques immobilières passées racistes ou basées sur la pauvreté, avec par endroits une différence allant jusqu'à 7 °C, par rapport aux quartiers non discriminés.

L’Interstate 80 près de Vacaville, en Californie, peu avant sa fermeture complète mercredi.

Photo Noah Berger. AP

Pour pallier ces inégalités qui peuvent s’avérer mortelles, le CDC recommande, par exemple, d’ouvrir des centres publics de rafraîchissement ou de laisser, au moins, libre accès à des bâtiments publics climatisés.

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En Californie, sur le plan énergétique, l’Etat poursuit son développement massif des énergies renouvelables. Bien que l’épisode de la quasi-pénurie électrique était, en partie, dû à la baisse momentanée d’énergie solaire, les responsables du réseau électrique californien assurent qu’il gagnera en résilience en continuant à développer les renouvelables. L’installation de batteries géantes permettrait notamment d’éviter les pénuries.

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