Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Le sarcophage du réacteur n°4, Tchernobyl, en Ukraine, le 25 mai 2022.
RAFAEL YAGHOBZADEH POUR «LE MONDE»

A la centrale nucléaire de Tchernobyl, 35 jours sous occupation de l’armée russe

Par  (Tchernobyl et Slavoutytch (Ukraine), envoyée spéciale)
Publié le 15 juin 2022 à 01h36, modifié le 15 juin 2022 à 17h17

Temps de Lecture 14 min. Read in English

Il fait encore nuit, ce 24 février, lorsque des bruits d’explosion retentissent au loin, près de la frontière biélorusse. Ces détonations, suivies de lumières étranges, saisissent d’effroi quatre jeunes touristes ukrainiens, sac à dos, venus passer la soirée clandestinement au quinzième étage d’un immeuble abandonné de la ville de Pripiat, déserte depuis l’explosion de la centrale de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Paniqués, les quatre voyageurs appellent au secours les soldats de la garde nationale ukrainienne, un groupe de 177 militaires chargés d’assurer la protection du périmètre.

Lire aussi (1986) : Article réservé à nos abonnés La saga de Tchernobyl

A trois kilomètres de là, Valentin Geïko, 60 ans, responsable de l’équipe de nuit à la centrale, est alerté : des tirs et des mouvements suspects se rapprochent. Sa première pensée va à sa femme. « La guerre a commencé », la prévient-il au téléphone depuis son bureau, installé au pied du réacteur numéro 4, celui qui a provoqué l’accident de 1986. Son épouse, elle, se trouve dans leur maison, à Slavoutytch, une ville créée après la catastrophe, avec l’aide des ex-républiques d’URSS, pour accueillir les sinistrés de Pripiat. Sur les 25 000 habitants, 80 % sont des employés de la centrale et leurs familles.

Valentin Geïko, chef de la première relève lors de l’occupation russe de la centrale de Tchernobyl, à Slavoutytch (Ukraine), le 26 mai 2022.

Le site nucléaire se trouve au cœur de la « zone d’exclusion », un territoire radioactif qui s’étend sur 30 kilomètres. A 9 heures, comme chaque jour, le train en provenance de Slavoutytch, à 40 minutes de là, doit y déverser quelque cinq cents passagers. La relève de l’équipe de nuit. Mais, pour y parvenir, il faut traverser une portion de la Biélorussie, d’où la Russie vient de lancer l’invasion en Ukraine. En y pensant, Valentin Geïko se raidit : et si ses collègues étaient pris pour cible ? Il ordonne l’annulation du convoi puis lance une annonce au micro : « La centrale est placée en état d’urgence. »

Son message résonne dans tous les haut-parleurs. « C’était effrayant, se souvient Oleksi Shelestii, 43 ans, le responsable du département électrique. D’habitude, ils diffusent les conditions météo. » Les 118 employés présents, terrifiés, comprennent qu’ils ne pourront pas repartir de sitôt. L’un d’eux parvient à s’échapper vers Slavoutytch. Pour tous les autres, pour qui la rotation de douze heures touchait à sa fin, commence un éprouvant huis clos avec les Russes. Trois semaines durant – une relève du personnel aura lieu en mars –, ces hommes et ces femmes devront travailler jour et nuit sous l’œil des occupants armés pour assurer le bon fonctionnement du site et surveiller le combustible nucléaire usagé.

Il vous reste 88.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.