Chez les Verts, les sympathisants pro-nucléaires seraient dorénavant majoritaires

Le candidat du parti Europe Ecologie - Les Verts (EELV) aux élections présidentielles françaises de 2022, Yannick Jadot, donne une conférence de presse pour présenter son programme présidentiel à Paris, France, le 02 février 2022. [EPA-EFE/CHRISTOPHE PETIT TESSON]

Que serait Europe Ecologie-Les Verts (EELV) sans la lutte contre le nucléaire ? Fidèles à leurs pairs, aucunes des candidates à l’élection du bureau exécutif (10 décembre) n’oseraient porter la charge d’un volte-face parricide. Mais selon un sondage, hors les murs du parti, les sympathisants seraient pourtant prompts à défendre l’atome. 

En février dernier, à l’avant-veille du déclenchement de la guerre en Ukraine, le coresponsable de la commission énergie d’EELV, Elli Tessier, reconnaissait dans les colonnes du média Reporterre qu’un certain nombre d’adhérents, issus de la nouvelle génération, tentaient de « faire évoluer » la position du parti sur le nucléaire.

Sur le banc des accusés, l’ingénieur Jean-Marc Jancovici et les travaux de son groupe de réflexion pro-nucléaire, The Shift Project, infusant les têtes bien faites des écoles d’ingénieur, de commerce et des universités.

Conséquence directe : « on a bien quelques adhérents qui peuvent être plus ouverts qu’avant là-dessus » avoue à demi-mot la co-dirigeante des Jeunes écologistes, Camille Hachez, auprès de Reporterre. Pour autant, « nous n’avons pas le sentiment qu’il y ait une rupture générationnelle sur la question » complète-t-elle pour EURACTIV France.

Parmi les adhérents, ceux ouverts au nucléaire restent donc « très minoritaires » conclut-elle. Chez les sympathisants, il semblerait que ce soit tout le contraire. 

Bruno Le Maire s’écharpe avec les parlementaires sur l'avenir du nucléaire

De vifs échanges ont eu lieu à l’Assemblée nationale sur la baisse de la production d’électricité nucléaire entre les députés de gauche (NUPES) et le ministre de l’Économie, présent dans l’hémicycle à l’occasion du vote du projet de loi de finance rectificative.

Nucléaire et un an de guerre

Selon un sondage Elabe pour Les Echos, Radio classique et l’Institut Montaigne publié le 3 novembre, les sympathisants de gauche seraient en effet de moins en moins réticents au nucléaire.

Doux euphémisme du côté des sympathisants EELV, puisque 49% se disent au moins favorables au développement de nouvelles capacités pour compenser le démantèlement ou la réparation des réacteurs actuels, dont 3% qui préfèrent même le développement de centrales sur celui d’énergies renouvelables.

En face, seuls 46% se positionnent pour une réduction progressive du nucléaire.

En moins d’une année, les sympathisants écologistes ont donc radicalement changé leur fusille d’épaule. 26% défendaient l’atome selon le même sondage mené en novembre 2021. Aujourd’hui, ils sont majoritaires.

Le basculement est considérable pour un parti bâti sur le refus de l’énergie atomique.

Une position qui, « historiquement, se base plutôt sur le danger que peuvent représenter les accidents et la gestion de déchets nucléaires », rappelle Mme Hachez.

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La guerre menée par la Russie en Ukraine a contraint le gouvernement allemand à reconsidérer bon nombre de ses plans présentés il y a un an lors de la formation de la coalition de « feux tricolores », modifiant ainsi certaines lignes et les politiques clés du pays.

« L’ancrage territorial de ces luttes est encore très important » insiste la militante originaire de Lorraine, région qui accueille le projet controversé d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo. 

Plus que le danger intrinsèque du nucléaire, chez les jeunes, l’opposition se structure autour d’un nouveau référentiel : « nous luttons plutôt contre la prédation des pays du Nord sur les ressources minières des pays du Sud, et en particulier en Afrique », confie Mme Hachez.

Finalement, quel que soit le point d’inflexion avec l’atome, « nous sommes héritiers des luttes anti-nucléaire » assumait volontiers Melissa Camara, candidate soutenue par Sandrine Rousseau et battue lors du premier tour des élections au secrétariat national du parti le 26 novembre dernier, lors du débat d’avant premier tour.

Cette référence anti-nucléaire est d’ailleurs la seule référence au sujet énergétique lors du débat, qui n’avait de « débat » que le nom. Preuve s’il en est que l’opposition à l’énergie atomique reste indiscutée et structurante de l’identité du parti écologiste, du moins d’après ses cadres.

Nucléaire : le gouvernement français a présenté son projet de loi pour aller « de l’avant »

Le gouvernement a présenté en conseil des ministres mercredi un projet de loi pour relancer la filière nucléaire qui ne fait pas consensus. En parallèle, un débat national s’ouvre sur la création de six nouveaux réacteurs, un « coup de bluff » pour certaines associations environnementales.

Le nucléaire, garantie d’indépendance ?

Cette non-question du nucléaire chez les élus fait dire au président d’Elabe dans Les Echos que nous sommes face à une « dépolitisation du sujet ». Au profit, peut-être, d’une « géopolitisation » en miroir ?

La guerre en Ukraine a en effet réveillé l’attrait des sympathisants écologistes pour une énergie qu’ils considèrent à 75% comme une garantie « d’indépendance », contre 54% en novembre 2021.

Un revirement circonstancié dont Camille Hachez ne s’étonne qu’à moitié, rappelant que Yannick Jadot défendait le maintien du parc nucléaire existant, lors de sa campagne présidentielle de 2022, « le temps que le réseau s’équilibre », c’est-à-dire intègre une part suffisante d’énergies renouvelables pour réduire la part du nucléaire et en sortir d’ici 2040 à 2050.

Le même Yannick Jadot, leader de l’aile centriste du parti, pris à partie récemment lors d’une manifestation écologiste à Sainte-Soline par des sympathisants d’une branche plus radicale, plus proche de La France insoumise (LFI), dont les sympathisants seraient aujourd’hui moins complaisants avec le nucléaire que leurs alliés verts.

Il y a un an pourtant, lors du sondage de novembre 2021, la tendance était inverse.

Pourquoi la France a, plus que jamais, besoin du nucléaire !

Le nucléaire est l’une des seules sources d’énergie au monde capables de générer de l’électricité 24 heures sur 24, sans polluer l’atmosphère. C’est un argument indépassable, explique Paul Bérard, président de la Drôme Provençale.

De fait, un rapprochement s’opérerait entre les sympathisants LFI et les sympathisants EELV les plus réfractaires au nucléaire, même si, au sein des instances dirigeantes du parti écologiste, l’anti-nucléarisme persiste.

Mme Hachez de rappeler, à ce sujet, que « les sympathisants ne font pas la politique du parti ». Elle conclut que, pour elle, il n’y a pas de déconnexion « entre les sympathisants et les élus, parce que les pro-nucléaires n’adhèrent pas au parti ».

Le sondage semblerait pourtant montrer le contraire et valider la nécessité d’un « réarmement doctrinal » d’EELV tel que l’esquisse Marine Tondelier dans un entretien accordé à Reporterre.

La candidate favorite pour prendre la succession de Julien Bayou au secrétariat national du parti reconnaît d’ailleurs que la « rigueur scientifique » n’existe que « très peu dans le milieu politique ».

Ainsi, le nucléaire pourrait bien creuser les lignes entre les partis de l’alliance parlementaire des gauches (Nouvelle union politique, écologique et sociale — NUPES), à laquelle participe EELV, deuxième parti de l’alliance en nombre de représentants, derrière La France insoumise.

La prochaine secrétaire nationale du parti pourrait donc, en fonction de ses positions, chercher à limiter les ruptures entre le socle électoral et les cadres dirigeants, par exemple en assumant d’interroger le positionnement du parti sur l’énergie nucléaire. 

EELV : l’appel de centaines de cadres du parti à « refonder l’écologie politique »

De nombreux cadres d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), ainsi que des militants écologistes et chercheurs, exhortent le parti à se refonder, « avec ses partenaires du pôle écologiste et toutes celles et ceux qui le souhaiteront » dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche.

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