Menu
Libération
Justice

Intrusion dans la centrale du Tricastin : clémence accordée à Greenpeace

En juin, 12 femmes et 22 hommes avaient comparu, les uns pour avoir pénétré dans l’enceinte de la centrale nucléaire, le 21 février 2020, les autres pour avoir manifesté devant l’entrée du site.
par François Carrel, Envoyé spécial à Valence
publié le 7 septembre 2021 à 18h15

«C’est un désaveu complet de la politique de criminalisation de Greenpeace menée par EDF !» : Me Alexandre Faro, l’avocat de Greenpeace France et des 34 militants de l’ONG écologiste poursuivis pour une intrusion dans le périmètre de la centrale nucléaire vieillissante du Tricastin, en février 2020, ne se montre guère accablé devant le tribunal de Valence (Drôme). Certes la justice a ce mardi condamné chacun des militants à 300 euros d’amende – y compris ceux qui n’avaient que manifesté devant la centrale, sans franchir les grillages d’enceinte – et Greenpeace France à 20 000 euros d’amende pour cet incontestable délit d’intrusion.

Cependant, souligne Me Faro, pour les militants «c’est la peine la plus faible jamais prononcée pour une intrusion, c’est très positif». A l’issue des procès de manifestations similaires sur les centrales nucléaires de Cattenom et de Cruas-Meysse en 2017, les militants avaient en effet été condamnés à de la prison avec sursis, et même à des peines de prison ferme pour quelques récidivistes. De plus, si Greenpeace écope de la même amende que pour Cruas-Meysse et Cattenom pour cette intrusion de Tricastin, elle se voit en revanche moins lourdement frappée au titre des réparations au civil, puisqu’elle est condamnée à verser, conjointement avec les 34 prévenus, 123 000 euros de dommages et intérêt, dont 50 000 au titre du préjudice moral et 58 000 au titre des pertes d’exploitation déplorées par EDF suite à l’intrusion. C’est deux fois moins que pour Cattenom, cinq fois moins que pour Cruas.

«Condamnation modérée»

A l’audience, en juin, l’avocat d’EDF, Me Thibault de Montbrial, avait pourtant réclamé des dommages et intérêts «exemplaires», dont au moins 500 000 euros pour l’atteinte à l’image de l’entreprise, arguant de la nécessité de dissuader durablement Greenpeace de planifier de telles actions. Pour lui, elles représentent un «préjudice énorme» pour EDF et une atteinte à son image «intolérable» : «Greenpeace se sert de ces délits pour faire de la levée de fonds» grâce à «des retombées médiatiques d’ampleur», tout en «exposant ses militants à des risques». D’ajouter : «Cela continuera tant que la justice n’ira pas au-delà» de ses condamnations habituelles.

Le tribunal de Valence ne l’a pas suivi. Il a évalué l’atteinte à l’image d’EDF à 50 000 euros seulement, comme pour Cruas et Cattenom, en accord avec les réquisitions du procureur qui avait demandé, prenant EDF à contre-pied, une «condamnation modérée» à l’encontre de Greenpeace. Pour le magistrat, l’ONG est dans son rôle face à EDF «qui a été condamné pour des infractions nucléaires» et dont l’image a «été aussi écornée par des échecs retentissants», citant Superphénix (réacteur nucléaire arrêté en 1997) et l’EPR de Flamanville «qui ne fonctionne pas». L’histoire de «l’énergie nucléaire a été rythmée par trois accidents : Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima, a rappelé le procureur, soulignant la «non-violence» des actions de Greenpeace. Le site de Tricastin a fait l’objet d’incidents connus. Les sites nucléaires représentent un danger, ça se surveille.»

Ce mardi, Me Faro estime le jugement «intéressant» : «J’ai le sentiment que la justice est en train d’évoluer, alors qu’EDF pousse pour renforcer la criminalisation de Greenpeace.» Ce «refus de pénaliser» ne permet pas selon lui «à EDF d’échapper au débat de fond sur Tricastin : comment continuer à exploiter ce réacteur» qui a dépassé l’an dernier les quarante ans d’activité ?

Greenpeace dénonce tout de même «la condamnation des activistes qui ne s’étaient pas introduits dans la centrale» ainsi que «les peines disproportionnées sur les intérêts civils». EDF, pour sa part, n’avait pas réagi mardi après-midi à ce jugement.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique