Centrale de Brennilis : pourquoi l’enquête publique n’a pas mobilisé

Par Karen Jégo

La seconde enquête publique en vue du démantèlement complet de la centrale nucléaire de Brennilis (29) s’achève ce lundi. Seuls une dizaine de locaux ont fait le déplacement pour faire part de leur opinion dans les registres mis à disposition dans les mairies contre près de 200 avis en ligne.

Jeudi dernier, lors d’une dernière permanence en mairie de Brennilis, un habitant a fait part de ses inquiétudes de l’impact sur l’environnement d’un tel démantèlement.
Jeudi dernier, lors d’une dernière permanence en mairie de Brennilis, un habitant a fait part de ses inquiétudes de l’impact sur l’environnement d’un tel démantèlement. (Le Télégramme/Karen Jégo)

En service de 1967 à 1985, la centrale nucléaire de Brennilis est l’unique site de production électrique de la filière à eau lourde en France. Depuis, sa déconstruction, complexe et très encadrée, n’a toujours pas abouti. Suite à l’annulation du premier décret de démantèlement complet, en 2007, un deuxième dossier avait été déposé par EDF. Mais l’enquête publique, menée en 2009, avait conduit à un avis défavorable de la commission d’enquête. En 2018, après une autorisation de démantèlement partiel, EDF avait déposé un nouveau dossier de démantèlement complet. La nouvelle enquête publique s’y rapportant s’est ouverte le 15 novembre 2021 et s’achève ce lundi 3 janvier 2022.

« EDF a retravaillé son dossier. On n’est plus dans la même situation. Il y a eu, depuis, des retours d’expérience sur d’autres opérations de démantèlement et l’ouverture du centre de stockage des déchets radioactifs d’Icéda, explique Danielle Faysse, présidente de la commission d’enquête publique actuelle mais aussi de la précédente. Après, est-ce que c’est suffisant ? On le saura avec l’avis de la commission ».

Jean-Luc Escande et Jeanine Froment, commissaires enquêteurs, accueillent le public avec Danielle Faysse, la présidente de la commission (absente sur la photo), lors de permanences en mairie de Brenni
Jean-Luc Escande et Jeanine Froment, commissaires enquêteurs, accueillent le public avec Danielle Faysse, la présidente de la commission (absente sur la photo), lors de permanences en mairie de Brennilis et Loqueffret (29). À disposition, le dossier complet et un registre pour les commentaires. (Le Télégramme/Karen Jégo)

Les riverains déjà bien renseignés

Étonnamment, seule une dizaine de locaux ont poussé la porte de la quinzaine de mairies, situées autour du site, pour consulter le dossier d’enquête dense de 2 500 pages (également disponible en ligne) et faire part de leur avis. « Je pense que les gens du secteur de Brennilis et de Loqueffret (29) sont déjà assez au courant du dossier. Pour eux, la centrale fait partie du paysage. Il y a beaucoup de gens qui y ont travaillé. Ils ne sont pas vraiment mobilisés », estime Danielle Faysse. « Les gens sont concentrés sur des sujets plus urgents, plus immédiats comme la covid, complète Jean-Luc Escande, l’un des commissaires enquêteurs. La réunion d’information sur l’enquête publique, qui s’est tenue le 10 décembre à Brennilis, n’avait d’ailleurs intéressé que 45 personnes.

« Ce qui se passe souvent dans les enquêtes publiques, c’est que les gens se réveillent au dernier moment. Je ne serai pas étonnée que des documents arrivent dans les dernières heures », avance Danielle Faysse. Déjà, lors de la première enquête, la mobilisation avait été faible. « Je me souviens juste qu’on avait eu une énorme pétition qui était arrivée le dernier jour. Le milieu associatif s’était mobilisé. On aura peut-être une pétition de la même teneur lundi ».

Deux associations ont déjà déposé, mi-décembre, un courrier contre le projet : Sortir du nucléaire Cornouaille et Vivre dans les Monts d’Arrée. Une réaction de AE2D (Agir pour l’Environnement et le Développement Durable) est aussi attendue.

Centrale nucléaire de Brennilis
8 000 tonnes de déchets devraient être produites lors du démantèlement final de la centrale nucléaire de Brennilis. (Le Télégramme/Karen Jégo)

Un démantèlement précurseur

Par contre, les avis sont plus nombreux (près de 200 postés de tout l’Hexagone) sur le site www.enquetes-publiques.com. Et les commentaires y sont globalement plus positifs que dans les registres physiques. Profitant de cette « tribune publique », certains y délaissent le cas de Brennilis pour aborder la question du « pour ou contre le nucléaire », réclamant un débat national sur le sujet. « C’est le risque de toute enquête publique. Notamment après les annonces gouvernementales (NDLR : construction de six nouveaux EPR) », remarque Jean-Luc Escande. Il ajoute : « Comme ce démantèlement est un peu précurseur et peut servir de source d’expérience pour les futurs autres démantèlements, ça intéresse aussi des personnes de toute la France. À terme, 45 à 50 réacteurs seront à démanteler. Il y a à apprendre d’un chantier test comme celui-ci. L’utilisation de robots y est novatrice. L’idée étant de diminuer la dangerosité pour les ouvriers ».

Le risque santé pour les employés est d’ailleurs l’un des points d’inquiétude des opposants au projet, de même que le transport des déchets radioactifs sur de longues distances ou la restitution d’un site réellement exempt de danger radioactif. À l’opposé, l’aspect pécuniaire joue en faveur du projet d’EDF avec la perspective d’avoir 17 ans de travaux bénéficiant à l’emploi et à l’économie locaux.

Une enquête publique plus longue

Pour certains, la solution serait de laisser les déchets sur site le temps que leur radioactivité baisse. Problème, le principe de démantèlement immédiat est la doctrine actuelle en France (loi de 2015). D’autres regrettent que la période choisie pour l’enquête tombe pendant les fêtes. « Il ne faut quand même pas exagérer. Quand on écoute le public, on ne peut jamais faire d’enquête publique, s’insurge la présidente de la commission. D’habitude, une enquête publique, c’est 30 jours, là, on a 49 jours. Elle a commencé le 15 novembre. On a rajouté exprès la période de fin d’année en se disant qu’il y aurait peut-être des gens en vacances qui auront du temps pour consulter le dossier ».

Lundi à 17 h, l’enquête publique sera donc close. Après un dépouillement, un procès-verbal de synthèse des observations du public assorti de questions de la commission d’enquête sera envoyé au maître d’ouvrage. Une fois sa réponse faite, la commission émettra ses conclusions et donnera son avis pour la poursuite ou non du projet d’EDF.

À noter

Les avis déposés en ligne et dans les registres sont publics mais peuvent être anonymes. Il est possible de participer à l’enquête publique en ligne sur http://demantelement-centrale-brennilis@enquetepublique.net ou en mairie jusqu’à lundi, 17 h, dernier délai. Prochaines permanences : ce lundi 3 janvier, de 9 h à 12 h, à Brennilis, et de 14 h à 17 h, à Loqueffret. Le registre reste à disposition du public aux heures d’ouverture des quinze mairies du secteur et à la sous-préfecture de Châteaulin (29), même en dehors des permanences.

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