Présidentielle 2022 : Montebourg et Piolle s’affrontent courtoisement sur le nucléaire

A l’occasion d’un débat en direct proposé ce lundi soir par le site d’actualités Reporterre, l’ex-ministre du Redressement productif et le maire écologiste de Grenoble, ont confronté leurs points de vue sur l’avenir de l’énergie nucléaire en France.

Le débat entre Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, et l'ancien ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg.  (Capture d'écran) Youtube Reporterre
Le débat entre Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, et l'ancien ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. (Capture d'écran) Youtube Reporterre

    « Le nucléaire est-il écologique ? » C’est le thème du débat qui opposait ce lundi soir Arnaud Montebourg et Éric Piolle, deux candidats putatifs à la future élection présidentielle de 2022. Un débat en direct sur les réseaux sociaux à l’initiative de Reporterre, site d’actualités consacré à l’environnement. Sur ce sujet clivant, qui sera au cœur de la campagne, l’ex-ministre du Redressement productif de François Hollande et le maire (EELV) de Grenoble ont défendu deux visions très différentes au cours d’un échange respectueux, parfois technique, mais passionné.

    Pour le premier, chantre de la réindustrialisation et du souverainisme économique, le pays ne peut se passer du nucléaire, l’une des énergies les moins émettrices en gaz à effet de serre. Après avoir offert à son contradicteur, installé de l’autre côté d’une table en bois, un pot de miel issu de sa PME Bleu Blanc Ruche, l’entrepreneur entre dans le vif du sujet. D’emblée, il refuse d’opposer énergie nucléaire et énergies renouvelables (éolien, solaire). « On aura besoin des deux pour sortir du pétrole » qui est « aujourd’hui moins cher que l’eau ou le soda dans les supermarchés ».

    Mais ramener de 60 % à 50 % la part du nucléaire serait, selon lui, une erreur. Il prend l’exemple de l’Allemagne qui a fermé onze centrales depuis 2011. « Pour se pourvoir en électricité, ils ont ouvert dix centrales au charbon et au gaz » fait valoir l’ex-socialiste. Quant aux Belges, « ils sortent du nucléaire en 2025 mais ils augmentent le gaz ». Et pour l’ex-ministre, les énergies renouvelables ne sont pas la panacée. Elles provoquent « des conflits d’usage avec les agriculteurs » et « ont un défaut : elles sont intermittentes : quand il n’y a pas de vent les éoliennes ne tournent pas, quand il n’y a pas de soleil, on ne produit pas d’électricité ».

    Le défenseur du made in France défend enfin une filière où la France occupe les avant-postes et sur laquelle il veut poursuivre les investissements. « Les panneaux photovoltaïques sont chinois alors que le nucléaire est la troisième industrie nationale en nombre d’emplois (220 000, NDLR). Nous avons des compétences en ce domaine ».

    «En 2050, le nucléaire ne doit plus faire partie de la photo»

    Face à l’ancien avocat, Éric Piolle enfile les habits de l’ingénieur qu’il a été pendant 18 ans. « Le nucléaire peut être séduisant par bien des aspects, reconnaît-il. Mais il est trop lent dans sa capacité à nous projeter vers la neutralité carbone. Il est trop risqué et vulnérable en matière de sécurité et il freine le développement des énergies renouvelables depuis des décennies ». Bref, selon le maire de Grenoble, qui défend un modèle basé sur 100 % d’énergies renouvelables, « en 2050, le nucléaire ne doit plus faire partie de la photo ».

    L’écologiste insiste également sur le bilan économique fragile de cette énergie. « Le nucléaire est beaucoup trop coûteux : on a 56 réacteurs qui vont devoir s’arrêter à l’échelle de 30 ans » souligne l’élu, taclant au passage le « fiasco industriel » de l’EPR de Flamanville, qui a déjà englouti 19 milliards d’euros. Il s’alarme aussi du problème des déchets radioactifs. Et face à Arnaud Montebourg qui s’emploie à minimiser les risques du nucléaire évoquant même à tort « zéro mort à Tchernobyl et zéro mort à Fukushima », Éric Piolle réplique fermement. « A Fukushima, on est passé tout près d’une catastrophe ». Un risque « insupportable » estime-t-il.

    On le voit, le nucléaire est l’un des sujets (un de plus) qui fissure la gauche. Pour autant les deux présidentiables ne se sont pas quittés fâchés. En toute fin de débat, Piolle comme Montebourg ont évoqué l’échéance présidentielle et d’éventuelles convergences. « Nous pourrons, je l’espère coopérer dans cette France de l’année prochaine. Nous sommes là pour observer les points de jonction, les points d’accord qui nous permettraient d’exercer le pouvoir ensemble et de changer la donne » a lancé Éric Piolle à Arnaud Montebourg évoquant « un champ de travail commun ».

    Interrogé sur l’union de la gauche, Montebourg a de nouveau exprimé sa crainte de voir l’extrême droite accéder au pouvoir. « Sil ne se passe rien, s’il n’y a pas d’offre politique alternative au macronisme méprisant, nous allons droit vers la victoire de Marine Le Pen. C’est autrement plus grave de savoir si on construit des réacteurs ».