Emmanuel Macron souffle le chaud et le froid sur la filière nucléaire
Le 8 décembre, à l’usine du Creusot (Saône-et-Loire) de Framatome, le président de la République a prononcé un discours de politique énergétique de référence. Tout en confirmant l’engagement nucléaire de la France, Emmanuel Macron a douché les ardeurs de la filière.
Le lieu avait toute son importance. Si Emmanuel Macron a opté pour l’usine du Creusot (Saône-et-Loire) de Framatome pour annoncer le choix de la propulsion nucléaire pour le futur porte-avions français, qui doit remplacer le Charles de Gaulle en 2038, c’est bien pour marquer que nucléaire civil et militaire sont intimement liés. Les cuves et viroles des chaufferies nucléaires des sous-marins ont été forgées par Framatome, au Creusot. Et "l’usine du Creusot produira plusieurs pièces majeures du futur porte-avions en les forgeant et en les usinant ici même", a annoncé le président de la République.
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C’est une belle preuve de confiance de l’exécutif, et des militaires, à une entreprise qui se remet à peine d’une lourde affaire de malfaçon sur des pièces de réacteurs nucléaires civils, avec falsification des dossiers qualité, les fameux dossiers barrés. C’est aussi un message fort pour marquer les esprits. "Opposer nucléaire civil et nucléaire militaire […] n’a pas de sens pour un pays comme le nôtre", a expliqué Emmanuel Macron. La filière "vit de ses complémentarités" et doit "être pensée sur le temps long" pour préserver les compétences.
Un atout climat essentiel
Emmanuel Macron a surtout expliqué pourquoi la France a besoin plus que jamais du nucléaire. Le nucléaire reste un atout de souveraineté militaire indispensable. "Notre avenir stratégique, notre statut de grande puissance, passe par la filière nucléaire", a argumenté le président.
Côté civil, c’est aujourd’hui son atout principal dans la lutte contre le réchauffement climatique. "Notre avenir écologique et énergétique passe par le nucléaire" car "le nucléaire est l’énergie non intermittente qui émet le moins de CO2". Il est aussi "essentiel au développement de l’ambition en matière d’hydrogène qui est portée par le gouvernement", a développé Emmanuel Macron. Grâce au nucléaire, la France est le seul pays d’Europe à pouvoir produire sur son sol de l’hydrogène décarboné et n’a pas besoin de l’importer de pays gros producteurs d’énergies renouvelables.
500 millions pour consolider la filière
Le nucléaire est aussi un atout économique de poids. Le nucléaire a "des savoir-faire qui s’exportent" et présente "un excédent commercial de 7 milliards d’euros", a encore rappelé Emmanuel Macron. Mais un atout toujours en péril, cinq ans après la chute fracassante d’Areva. "Cet atout majeur, façonné sur le temps long, nous devons le consolider". Dans le plan de relance, il est prévu "d’investir 500 millions d’euros dans la filière nucléaire", avec notamment un fonds doté de 100 millions d’euros, mis en place dès 2021 "pour soutenir les consolidations et les acteurs stratégiques", et un autre fonds de 70 millions d’euros pour le moderniser.
Emmanuel Macron a aussi insisté longuement sur les nombreuses "promesses" des petits réacteurs nucléaires modulaires ou SMR (small modular reactors), et annoncé un investissement, via le plan de relance, de 50 millions d’euros dans le projet de SMR français Nuward, qui "engage la France dans la compétition mondiale sur les SMR". Il y aurait même "plusieurs projets" de SMR déjà lancés.
Moins de nucléaire dans le mix
Mais l’avenir du nucléaire civil reste flou. Et Emmanuel Macron a pointé au fil de son discours les défis et limites de la filière nucléaire civile. Tout en confortant la place de l’atome comme "pilier" du mix électrique français, il a rappelé qu’il n’a "jamais été partisan du tout nucléaire, parce qu’il est nécessaire de ne pas dépendre d’une seule source" et qu’il croit "nécessaire de rééquilibrer notre mix énergétique en réduisant la part du nucléaire" et en augmentant massivement celles de renouvelables "indispensables quels que soient les scénarios, et qui doivent augmenter, car la France aujourd’hui n’est pas au rendez-vous ni de ses engagements ni de ses ambitions".
L'option EPR 2 loin d'être validée
Mais pour quel mix électrique demain ? Emmanuel Macron explique qu’il "faut préparer notre pays, en responsabilité, en poursuivant plusieurs voies", et qu’il faut "étudier un mix électrique avec un très haut niveau d’énergies renouvelables". Un rapport a été commandé à l’agence internationale de l’énergie et RTE. "Dans le même temps", il faut "nous assurer des conditions d’une prise de décision sur le lancement éventuel d’un programme de construction de nouveaux réacteurs et sur l’EPR 2", a ajouté le président.
Il a rappelé que la décision définitive de construction de nouveaux réacteurs "doit être préparée et devra être prise au plus tard en 2023, lorsque Flamanville 3 sera entré en service". D’ici là, EDF doit remettre les éléments permettant le choix. Jusque-là, rien de très nouveau. Sauf qu’Emmanuel Macron a annoncé que "ce travail documenté sera partagé à l’ensemble des Français" pour "choisir en connaissance de cause, choisir en parfaite transparence".
La sûreté pas au top
Emmanuel Macron a enfin rappelé la filière à ses responsabilités en lançant que l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité est "pertinente, pourvu que l’on progresse sur la gestion des déchets" mais aussi "sur la sûreté". La filière affirme pourtant que la sûreté est toujours la priorité. De l’avis du président, elle doit donc pouvoir encore faire mieux.