Les Pays-Bas veulent construire deux nouvelles centrales nucléaires
Il leur aura fallu 271 jours, soit neuf mois de discussions. Mais les Pays-Bas ont enfin un nouveau gouvernement. Le Premier ministre Mark Rutte a été reconduit pour un quatrième mandat à la tête d’une coalition rassemblant les partis de centre-droit CDA et VVD, les conservateurs de Christen Unie et le centre-gauche de D66. Et parmi les points notables de l’accord de coalition figurent la construction de deux centrales nucléaires, à l’image de la relance du nucléaire observée en France.
Le nucléaire a représenté une pomme de discorde entre les partis de la nouvelle coalition. Le CDA et le VVD plaidaient pour construire au moins huit centrales, tandis que Christen Unie et D66 s’opposaient à toute nouvelle construction, notamment en raison du coût de tels aménagements. Les enjeux de réduction de 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ont finalement mené à un consensus.
« Nous passerons à des sources d'énergie qui n'émettent pas de gaz à effet de serre, et nous nous concentrerons sur les économies d'énergie », promettent les partis, cités par le quotidien néerlandais De Telegraaf. « C’est d’autant plus pertinent pour un petit pays, densément peuplé et industriel, alors que les énergies solaires et éoliennes sont limitées », abonde Maxence Cordiez, ingénieur dans le secteur de l’énergie et ancien conseiller adjoint au nucléaire à l’ambassade française au Royaume-Uni.
Des implantations à déterminer
L’emplacement des futures centrales reste encore à déterminer. L'Agence internationale de l’énergie (AIE) liste trois sites potentiels en Zélande et dans le nord du pays. Le pays ne dispose pour l’instant que d’une seule centrale, à Borssele (Zélande), d’une puissance de 482 MW et qui assure 3% de la production électrique nationale. Celle-ci devait fermer en 2033 à l’issue des 60 ans réglementaires pour les centrales nucléaires. Mais elle verra sa durée de vie prolongée.
Pour ces deux nouveaux réacteurs, les Pays-Bas ne partent donc pas d’une feuille blanche. « Cela permet de gagner du temps, mais ils n’ont pas de concept de réacteur domestique. Très peu de pays sont capables de concevoir des réacteurs. Il est donc sûr qu’ils feront appel à une entreprise étrangère », explique Maxence Cordiez. Une aubaine pour la France selon ce spécialiste, d’autant plus que certains pays, comme la Russie ou la Chine, pourraient être écartés d’office par La Haye. « Il y a des raisons géopolitiques qui expliquent un tel arbitrage. Ces pays vont-ils pouvoir approvisionner les Pays-Bas en pièces si des tensions surgissent entre les pays, leur laisser la maîtrise des logiciels ? », liste l’ingénieur.
Réduire la dépendance au gaz
Pour les Pays-Bas, l’augmentation de la part du nucléaire devrait permettre de réduire leur dépendance au gaz. Le pays est le troisième producteur de gaz naturel en Europe, qui représente à lui seul 58% de son mix électrique, rappelle le journal spécialisé RGN. Le gisement de Groningue, découvert en 1959 au nord du pays, est le plus important d’Europe, et représente à lui seul la moitié de la production néerlandaise. Son exploitation a cependant été ramenée de 42,5 milliards de m3 en 2014 à 20 milliards de m3 aujourd’hui, depuis un séisme en janvier 2018 lié à ce gisement, dans l’une des zones les plus densément peuplées du pays.
« Avec l'épuisement du gisement, sa pression interne diminue, ce qui déstabilise les roches et provoque des séismes », rappelle Maxence Cordiez. La production gazière sur le site devrait être arrêtée d’ici à 2022. Pour l’ingénieur, les deux futures centrales apparaissent comme une solution à cet arrêt de production. « Un seul EPR, c’est déjà trois fois la production de la centrale de Borssele », illustre-t-il.
Hausse de la part des importations
Une bonne nouvelle pour un pays qui va bientôt dépendre de l’étranger pour se fournir en électricité. « Après 2025, les Pays-Bas seront dépendants des importations d’électricité », alerte Tennet, qui gère les réseaux d’électricité – l’équivalent néerlandais de RTE. Et pour cause. En 2019, les énergies fossiles représentaient encore 92,6% de la consommation nationale d’énergie primaire des Pays-Bas en 2019, contre 6,6% seulement pour les énergies renouvelables. Or, l’extraction de gaz naturel doit cesser d’ici à 2030 et le pays va sortir progressivement du charbon, qui représente encore 14% de son mix.
Au-delà du nucléaire, le pays mise bien sûr sur les énergies renouvelables pour assurer sa transition. Les Pays-Bas veulent produire au moins 35 TWh d’électricité par an grâce à l’énergie solaire et à l’éolien terrestre, et au moins 49 TWh grâce aux parcs éoliens offshore, rapporte le site spécialisé Connaissance des énergies. L’accord de coalition prévoit de consacrer 35 milliards d’euros à un fonds pour la transition écologique, notamment pour l’isolation des bâtiments et la construction de réseaux d’hydrogène et d’électricité, et 25 milliards d’euros au développement de l’azote. « Je doute fort que cette coalition soit à la hauteur des belles paroles contenues dans l’accord », a fustigé sur Twitter Jesse Klaver, le leader des Verts néerlandais. Le nouveau gouvernement a quatre ans pour le faire mentir.