Interview Patrice Gosset quitte la direction de la centrale nucléaire de Flamanville

Patrice Gosset quitte la direction de la centrale de Flamanville pour de nouvelles fonctions à EDF : « J'ai vécu ici une période véritablement hors norme »

Après trois ans et demi à Flamanville, Patrice Gosset va rejoindre la direction technique d'EDF.
Après trois ans et demi à Flamanville, Patrice Gosset va rejoindre la direction technique d’EDF. (©EDF)
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Directeur de la centrale nucléaire EDF de Flamanville 1 et 2 depuis 2018, Patrice Gosset quittera ses fonctions fin février 2022, non sans un petit pincement au cœur.

Actu : Vous allez quitter fin février la centrale de Flamanville que vous dirigiez depuis septembre 2018. Ce départ était-il programmé ?

Patrice Gosset : Je vais rejoindre au 1er mars la direction technique d'EDF, une direction d'ingénierie qui travaille sur les référentiels de sûreté et techniques pour le parc des réacteurs en activité et les nouveaux réacteurs, l'EPR notamment. Pour ce poste, EDF a souhaité un directeur de centrale, ayant la culture d'exploitant, de terrain, ayant aussi une connaissance de l'ingénierie. Je serai directeur adjoint en charge des réacteurs en fonctionnement. À Flamanville, je m'inscrivais plutôt dans une durée un peu plus longue. Il y a donc un pincement au cœur de quitter un site et des équipes avec lesquelles j'ai vécu des moments extrêmement forts.

À votre arrivée, le réacteur n° 1 était en visite décennale, qui s'est prolongée. Puis c'était au tour du réacteur n° 2. Et les problèmes de corrosion se sont ajoutés… Comment avez-vous vécu cette période ?

P. G. : Encore une fois, je pense avant tout aux femmes et aux hommes qui travaillent avec moi, agents EDF ou salariés des entreprises partenaires. Je leur ai demandé beaucoup dans une période véritablement hors normes. Aux visites décennales qui se sont enchaînées se sont ajoutés les problèmes techniques que l'on connaît. Ils se sont tous mobilisés pour remettre les réacteurs en production, et je les en remercie.

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« Nous avons pris le temps de faire ce qui était à faire »

Lors d'une réunion de la commission locale d'information de Flamanville, vous aviez expliqué que votre regard, et celui de tous les salariés du site, n'était pas suffisamment détaillé, pas assez anticipé. Ce sont là les clés pour maintenir ces réacteurs en fonctionnement pendant 50 ans ?

P. G. : Il faut un travail professionnel, ce qui est le cas des équipes, de rigueur au quotidien, d'organisation aussi. Ce sont à mon sens les ingrédients nécessaires pour prolonger nos centrales. Et ce travail et cette exigence paient. Nous avons eu en 2021, avec le retour des réacteurs sur le réseau, une année de pleine production. C'est aussi nécessaire pour disposer d'un socle solide permettant de maîtriser les enjeux industriels à venir. À commencer par la campagne qui s'ouvre pour le remplacement des générateurs de vapeur.

23 mois d'arrêt pour le réacteur n° 2, 19 pour le n° 1, c'était quand même long...

P. G. : C'étaient des arrêts exceptionnels. Nous avions besoin de travailler sur nos machines, nos réacteurs, de faire plus d'opérations de maintenance que ce qui était prévu, en plaçant toujours la sûreté au premier rang de nos préoccupations. Finalement, nous avons pris le temps de faire ce qui était à faire.

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Regagner la confiance de l’ASN : « c’est à notre portée »

Que vous disiez-vous le matin ? Qu'est-ce qui va m'arriver aujourd'hui ?

P. G. : Que le travail paye toujours. Cet ADN de l'exploitant donne confiance, permet de tenir dans les difficultés. Et cela vaut aussi vis-à-vis de l'extérieur. Nous avions perdu la confiance de l'Autorité de sûreté nucléaire. Nous avons vis-à-vis d'elle un devoir de transparence : il faut expliquer ce que l'on fait, comment on veut le faire, quelles sont les étapes pour retrouver la pleine disponibilité de nos matériels… Il n'y a jamais eu de relations difficiles ou conflictuelles : l'ASN pose des questions, a des exigences, et c'est normal. On arrive ainsi à se faire comprendre, restaurer la confiance. Et nous avons l'espoir de sortir cette année de cette surveillance renforcée sous laquelle nous a placés l'ASN. C'est en tout cas à notre portée.

Cela suppose aussi de dynamiser des équipes qui peuvent être découragées devant une telle accumulation…

P. G. : Nous avons changé beaucoup de choses sur le site. Nous avons donné une direction, une cohérence à notre action. Il faut maintenant de la constance. Ces évolutions impulsées et mises en œuvre nécessitent une maturité. Le travail est en cours.

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Le territoire de tous les possibles

Pour couronner le tout, il y a eu la crise sanitaire...

P. G. : Dans une industrie comme la nôtre, avec un devoir de sûreté et de service public, c'était une période extraordinaire au sens premier du terme. Face à une charge industrielle importante, nous avons composé, nous nous sommes adaptés dans la durée. Et nous allons passer la 5e vague sereinement.

Quels sont les enjeux cette année ?

P. G. : Il y aura d'abord un arrêt pour simple rechargement sur le réacteur n° 2. Mais le gros travail de l'année porte sur la tranche 1. L'arrêt va débuter en mars, avec des activités de préparation jusqu'en juin. Il y aura ensuite le changement des quatre générateurs de vapeur, pour un redémarrage en fin d'automne. Ces mêmes opérations seront conduites en 2024 sur le réacteur n° 2.

C'est dur de partir ?

P. G. : J'ai découvert ce territoire qui pour moi est celui de tous les possibles. La traduction, c'est la capacité à lancer des projets que l'on ne pourrait pas réaliser n'importe où, comme l'école de soudage par exemple. Il faut pour cela une intelligence collective que l'on trouve ici. Il y a aussi des partenariats forts, avec l'équipe féminine de basket de l'USLG, la Barjo, la Coupe du monde de cyclo-cross... Ce sont des partenariats qui ont beaucoup de sens pour moi.

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