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Climat

Sous la pression des Verts et de la justice, l’Allemagne renforce ses objectifs climatiques

La coalition d’Angela Merkel a annoncé mercredi 5 mai un renforcement de ses objectifs climatiques. Un effort notable pour la première économie d’Europe et la sixième émettrice de gaz à effet de serre mondiale, motivée par une décision de justice sans précédent et la popularité des Grünen.

Berlin (Allemagne), correspondance

Angela Merkel restera-t-elle dans les annales comme la « chancelière du climat » ? À cinq mois de sa retraite politique, la cheffe d’État allemande doit défendre dans l’après-midi du jeudi 6 mai, devant 40 ministres de l’Environnement du monde entier, réunis en vidéoconférence, le renforcement des efforts climatiques pour respecter l’Accord de Paris.

La veille, mercredi 5 mai, son gouvernement a fait sensation en annonçant de nouveaux objectifs : l’Allemagne vise désormais une réduction de 65 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990, contre 55 % auparavant. Cinq ans plus tôt que prévu, Berlin s’engage à atteindre la neutralité carbone dès 2045. « Ces objectifs étaient déjà tout à fait réalisables techniquement et économiquement, juge Frank Steffe, du cercle de réflexion Agora Energiewende. La nouveauté, et ça va tout changer, c’est qu’ils le sont maintenant aussi au niveau politique. »

« Que l’Allemagne montre l’exemple va avoir des répercussions positives sur le débat climatique international »

L’Allemagne n’est pas le premier pays européen à s’engager sur une trajectoire plus ambitieuse que celle de l’Union européenne, qui vise la neutralité carbone en 2050. La Suède l’a fait avant elle. Mais Angela Merkel dirige la première économie d’Europe et le sixième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre.

« Il y avait déjà une dynamique dans le bon sens, avec le Pacte vert (Green Deal) européen, le plan climat des États-Unis, les annonces de la Chine et du Japon, observe Frank Steffe. Le fait que l’Allemagne montre aussi l’exemple va avoir des répercussions positives sur le débat climatique à l’international. »

Pour autant, il ne s’agit pas d’un geste de pure conviction ; la chancelière est contrainte d’agir. Sous la pression juridique, d’abord : la précédente loi Climat, votée dans la douleur en 2019, a été retoquée à la surprise générale par la Cour constitutionnelle allemande. Les juges de Karlsruhe ont donné raison aux militants écologistes qui la jugeaient insuffisante.

« Les dispositions contestées [de la loi de 2019] portent atteinte aux libertés des requérants, dont certains sont encore très jeunes, ont-ils écrit dans leur arrêt. Elles repoussent irréversiblement à la période postérieure à 2030 des charges considérables en matière de réduction d’émissions. » En clair, les Sages allemands ont estimé qu’en n’agissant pas davantage dès maintenant, le gouvernement faisait porter un poids excessif sur les générations futures, conduisant à une restriction inévitable de leurs droits fondamentaux. « Les jeunes gens nous ont rappelé que nous étions trop lents », a concédé mercredi 5 mai Angela Merkel.

Sécheresses à répétition, feux de forêt, fonte des glaciers bavarois…

La cour laissait au législateur jusqu’à fin 2022 pour réviser ses objectifs et les moyens pour y parvenir. Mais pas question, pour la chancelière, d’attendre aussi longtemps. « Vite, sauvons le climat ! » ironisait mercredi le magazine Der Spiegel. La maison brûle, mais surtout pour des motifs politiques : son parti conservateur, longtemps assuré de conserver la chancellerie aux prochaines élections fédérales, le 26 septembre, est mis en difficulté par les écologistes.

Sécheresses à répétition, feux de forêt, fonte des glaciers bavarois… le dérèglement climatique est devenu la première préoccupation des Allemands, derrière la crise du Covid-19, devant l’économie, les retraites et l’immigration. Dans un sondage Forsa du 5 mai, les Verts sont donnés en tête des intentions de vote avec 28 % des voix, contre 23 % pour la CDU d’Angela Merkel et 14 % pour les sociaux-démocrates du SPD.

Dans l’espoir de récupérer les électeurs, la coalition CDU/SPD d’Angela Merkel veut présenter dès mercredi 12 mai son nouveau plan de route climatique. De l’avis des experts, le plus urgent est d’avancer la sortie du charbon à 2030, contre 2038 prévu actuellement, pour passer à une production d’énergie 100 % renouvelable — et sans nucléaire. Mais tous les secteurs d’activité, jusqu’ici plutôt épargnés par Berlin, vont devoir se transformer en profondeur : l’industrie, les transports, l’agriculture, le bâtiment. « Cela va être extrêmement sportif », résume Volker Angres, journaliste spécialiste de l’écologie à la chaîne de télévision publique ZDF.

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