La pluie battante n’a pas arrêté, dimanche matin 24 novembre, le pèlerin de la paix François, venu à Nagasaki, lieu du deuxième et dernier bombardement atomique de l’histoire de l’humanité, le 9 août 1945.

« Ce lieu nous rend davantage conscients de la souffrance et de l’horreur que nous, les êtres humains, nous sommes capables de nous infliger », a reconnu d’emblée le pape après s’être longuement recueilli sur l’hypocentre, l’endroit même au-dessus duquel la bombe atomique a explosé, anéantissant sur l’instant 40 000 vies humaines.

Une nouvelle occasion pour François d’approfondir son message, déjà maintes fois répété, sur les armes nucléaires, contre lesquelles il a « irrévocablement » engagé l’Église catholique : « c’est un devoir auquel elle se sent obligée devant Dieu comme devant tous les hommes et femmes de cette terre », a-t-il estimé.

« Perverse dichotomie »

Mais, au-delà même de l’usage de la bombe atomique, qui n’a plus été utilisée militairement dans le monde depuis près de 75 ans, c’est la doctrine même de la dissuasion nucléaire que le pape François a méthodiquement démontée depuis Nagasaki.

Dès le début de son message, rappelant que « le désir de paix et de stabilité » est « l’une des plus profondes aspirations du cœur humain », il a estimé que « la possession des armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive n’est pas la réponse la plus appropriée à ce désir ».

Longuement, il a ensuite dénoncé « la perverse dichotomie de vouloir défendre et garantir la stabilité et la paix sur la base d’une fausse sécurité soutenue par une mentalité de crainte et de méfiance qui finit par envenimer les relations entre les peuples et empêcher tout dialogue possible ».

« Rompre la dynamique de méfiance »

Pour François, en effet, « la paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute tentative de compter sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total ».

D’autant plus, ajoutera-t-il plus tard, qu’à l’heure du terrorisme, les armes nucléaires « ne nous défendent pas des menaces contre la sécurité nationale et internationale de notre temps ».

Regrettant, sans les citer la fin, cet été, du traité russo-américain FNI sur les armes intermédiaires, le pape a appelé à « rompre la dynamique de méfiance qui prévaut actuellement et qui fait courir le risque d’arriver au démantèlement de l’architecture internationale de contrôle des armes ».

« Un monde sans armes nucléaires est possible et nécessaire »

« Nous assistons à une érosion du multilatéralisme d’autant plus grave si l’on considère le développement des nouvelles technologies des armes », a-t-il mis en garde, soutenant une nouvelle fois « les principaux instruments juridiques internationaux de désarmement et de non-prolifération nucléaire, y compris le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires », signé et ratifié par une trentaine d’États dont le Saint-Siège.

Au-delà d’une dénonciation de principe, François, qui estime « qu’un monde sans armes nucléaires est possible et nécessaire », a plaidé pour « une éthique globale de solidarité et de coopération ».

« Notre réponse à la menace des armes nucléaires doit être collective et concertée, sur la base de la construction, ardue mais constante, d’une confiance mutuelle qui brise la dynamique de méfiance qui prévaut actuellement », a-t-il martelé, après avoir dénoncé les ventes des armes.

« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix… »

« Dans le monde d’aujourd’hui, où des millions d’enfants et de familles vivent dans des conditions inhumaines, l’argent dépensé et les fortunes gagnées dans la fabrication, la modernisation, l’entretien et la vente d’armes toujours plus destructrices sont un outrage continuel qui crie vers le ciel », a-t-il lancé, appelant à l’emploi de ces ressources en faveur du développement.

« Personne ne peut être indifférent face à la souffrance de millions d’hommes et de femmes qui continuent aujourd’hui à interpeller notre conscience (…) personne ne peut fermer les yeux face aux ruines d’une culture incapable de dialoguer », a-t-il ajouté, au pied d’un pilier, seul vestige de la cathédrale d’Urakami, rasée par la bombe mais autrefois la plus vaste d’Extrême-Orient.

Et parce que la prière fait partie des « armes dans lesquelles nous mettons notre confiance », le pape a achevé son message par les mots de François d’Assise, le saint dont il a choisi de porter le nom : « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix… »

Le pape a continué ensuite son pèlerinage en visitant, toujours à Nagasaki, le sanctuaire des premiers martyrs japonais dont il a confié que l’histoire avait été « une profonde source d’inspiration et de renouvellement » pour le jeune jésuite qu’il était.

Dans l’après-midi, il doit célébrer la messe avec les catholiques de la région dans le stade de base-ball de Nagasaki avant de s’envoler pour Hiroshima où, sur le lieu de l’explosion de la première bombe atomique, il doit participer à une rencontre pour la paix. Il pourrait une nouvelle fois y prendre position contre l’arme atomique.