[Article mis à jour vendredi 14 janvier à 10h00]
Alors que les prix de l'électricité s'envolent à des niveaux jamais observés jusqu'ici, le gouvernement entend tenir sa promesse de contenir la hausse du tarif réglementé de vente (TRV) à 4%. Un casse-tête pour Bercy, pris de court par des estimations plus alarmantes que prévu : alors qu'il anticipait fin septembre une augmentation de 12% des tarifs si rien n'était fait, cette hausse devrait finalement s'élever « à 35% », avait fait valoir le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, la semaine dernière. Résultat : la réduction de la Taxe intérieure de l'électricité (TICFE), ramenée de 22,50 euros le mégawattheure à 50 centimes, ne suffit plus.
Par conséquent, le ministre a annoncé jeudi soir dans un entretien au Parisien conclure un accord avec EDF, après avoir planché avec l'électricien sur une « solution complémentaire » : le groupe devra augmenter de 20 térawattheures (TWh) le volume d'électricité nucléaire à prix réduit (ARENH) qu'il vend à ses concurrents chaque année. Soit un plafond désormais fixé à 120 TWh, contre 100 TWh depuis près de dix ans.
« Ces volumes seront accessibles à tous les consommateurs, particuliers, collectivités comme professionnels, via leur fournisseur, selon des modalités qui seront précisées très prochainement », a précisé le ministère de la Transition écologique dans un communiqué.
Et la Commission de régulation de l'Energie (CRE) aura pour mission de surveiller que les fournisseurs d'électricité « répercuteront intégralement l'avantage retiré au bénéfice des consommateurs », affirme le ministère.
Le prix du MWh revalorisé
Mais la mesure risque de peser sur les comptes d'EDF, qui essuie déjà une dette de plus de 40 milliards d'euros. Son PDG, Jean-Bernard Lévy, a d'ailleurs toujours rejeté ce mécanisme d'ARENH, le qualifiant même de « poison ». D'autant que le groupe fait par ailleurs face à de nouveaux retards à l'EPR en construction à Flamanville (Manche), et à des problèmes de corrosion en série sur d'autres réacteurs des générations précédentes. Selon Bruno Le Maire, la revalorisation de l'ARENH lui coûtera entre 7,7 milliards et 8,4 milliards d'euros.
Une annonce qui a fait plonger le cours de Bourse d'EDF ce vendredi de près de 25%.
« Nous remercions EDF de faire cet effort pour l'intérêt général. Nous serons à leur côté pour les aider à passer cette difficulté », a affirmé jeudi soir la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, invitée de Ruth Elkrief sur le plateau de LCI.
En contrepartie, le gouvernement a revu légèrement à la hausse le prix de cet ARENH, « de 42 à 46,20 euros par MWh », a précisé Bruno Le Maire. L'ajustement, rendu possible par la loi Énergie Climat de 2019, permet de prendre en compte l'inflation, alors que le montant n'avait pas bougé depuis 2012. Mais il reste très faible par rapport aux cours actuels du marché : en comparaison, le prix spot dépasse aujourd'hui les 200 euros le MWh.
Aider les entreprises énergivores
En plus des ménages, la mesure devrait permettre à plusieurs industriels énergivores qui voient leur activité menacée par la hausse des prix, de sortir la tête de l'eau, espère le gouvernement. Le relèvement du plafond de l'ARENH était d'ailleurs demandé de longue date par le CLEEE, une association de grands consommateurs français d'électricité et de gaz et l'UNIDEN (l'Union des industries utilisatrices d'énergie), notamment depuis le début de la crise, même s'ils espéraient 150 TWh et non 120.
« Cela va permettre de tenir [la hausse de] 4% pour les particuliers, mais aussi pour toutes les petites entreprises, qui font moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires, et sont soumises au tarif réglementé. Je vous parle des coiffeurs, des boulangers ou des petits restaurants », s'est félicité Barbara Pompili jeudi soir.
Bruno Le Maire et Baraba Pompili ont également assuré qu'il n'y aurait « pas de rattrapage conduisant à une nouvelle hausse en 2023 », l'État et EDF supportant le coût de cette mesure.
Blocage de la Commission européenne
L'exécutif a par ailleurs informé et obtenu l'accord de la Commission européenne pour mettre en place la mesure. Et pour cause, la question de la révision du prix de l'ARENH ne dépend pas des seuls pouvoirs publics français. Elle faisait jusqu'ici partie intégrante des discussions menées avec la Commission européenne sur la réorganisation du groupe EDF, dans le cadre du projet Grand EDF (ex Hercule.)
« La Commission considère que ça représente une aide de l'Etat en faveur des entreprises. Elle bloque toute modification du prix et du plafond », expliquait la semaine dernière à la Tribune Frank Roubanovitch, président du CLEEE.
Si la crise actuelle a changé la donne, la question continuera probablement d'être au cœur des discussions entre EDF, l'Etat français et l'Union européenne. Et ce, au moins jusqu'à la fin du mécanisme de l'ARENH, prévu en 2025.
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