Déchets nucléaires : "On peut envisager leur destruction sous 300 ans"

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Mélanie Faure
Que vont devenir les déchets nucléaires français ? Jusqu'à quand pourra-t-on les stocker ? Et où ? Philippe Knoche, le patron d'Orano, chargé, entre autres, du suivi et du recyclage des déchets radioactifs, a répondu à toutes ces questions lundi, au micro de Dimitri Pavlenko.
DÉCRYPTAGE

Sur la presqu’île du Cotentin, l’usine de traitement de la Hague abrite 1.213 tonnes de combustible usé. Le site, géré par Orano, traite les combustibles provenant des réacteurs nucléaires du monde entier. A l’heure d’un plan de réduction de 50% de la part du nucléaire dans la production d’énergie électrique, la question de la gestion du stockage des déchets nucléaires se pose. Invité de la matinale d’Europe 1 ce lundi, Philippe Knoche explique que 96% des matières sont recyclables et permettent à l’heure actuelle de générer 10% de l’électricité nucléaire produite à partir de matières recyclées, avec un objectif de 20% à terme.   

Un objectif couplé à la volonté de réduire la durée de radioactivité des déchets nucléaires. "On sait scientifiquement détruire les déchets nucléaires à vie longue, les ramener vers deux ou trois siècles", explique le DG d’Orano. "La société peut facilement envisager 300 ans facilement." La clé ? L’industrialisation. "L’enjeu sur lequel la filière française et les partenaires internationaux, aux Etats-Unis et ailleurs, c’est de faire en sorte que ces solutions scientifiques soient industrielles", explique Philippe Knoche. "Ça consiste à casser les atomes à durée de vie longue en atomes plus petits, à durée de vie plus courte."

Stockage en couche géologique profonde

Pour stocker les déchets nucléaires, plusieurs pays ont adopté une méthode de stockage en couche géologique profonde. La loi de 2006 sur la gestion des déchets nucléaires a instauré l’option d’un stockage réversible dans une couche géologique profonde d’argile pour les déchets à haute activité et à vie longue.

"Ce n’est pas un enfouissement mais un stockage qui est réversible", plaide Philippe Knoch. "Pendant un siècle, on peut aller chercher ces déchets et s’assurer qu’ils reviennent à la radioactivité naturelle. Ce qui est important pour nous, c’est de laisser à la société le choix de la surface et de la géologie."

Les bassins proches de la saturation ?

L’entreposage des combustibles soulèvent de nombreuses interrogations et inquiétudes. Dans un rapport publié en janvier 2019 par Greenpeace, l’ONG tire la sonnette d’alarme au sujet du risque de saturation des bassins de l’usine de traitement La Hague. L’usine de retraitement dispose de quatre bassins, construits entre 1976 et 1985, qui pourraient arriver à saturation en 2030.

Philippe Knoche se veut rassurant sur l’antenne d’Europe 1, évoquant la préparation de "nouveaux entreposages". "EDF nous a demandé de construire à la Hague directement. L’étude de faisabilité montre que c’est possible. Les demandes d’autorisation des travaux sont en cours." Il faudra toutefois s’armer de patience : ce nouveau bassin de 6.500 tonnes serait mis en service en 2034.

Autre solution : renvoyer les déchets à leurs pays d’origine. C’est le cas pour l’Allemagne, la Belgique la Suisse et le Japon. Orano prévoit le renvoi des déchets ultimes et matières recyclées à nos voisins germaniques, mettant un terme à un accord vieux de 44 ans. En 2022, les dernières centrales nucléaires d’Allemagne seront retirées du réseau d’électricité, puis démantelées. "Ce sera fait pour l’Allemagne avant 2024. Deux ans après l’arrêt des centrales nucléaires en Allemagne, nous aurons renvoyé l’intégralité des déchets, que ce soit en termes de radioactivité ou de masse", souligne le DG. Au total, l’usine de La Hague a retraité plus de 5.300 tonnes de déchets nucléaires allemands.