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Nucléaire: Macron annonce la construction de six nouveaux réacteurs EPR

Macron réélu pour un second mandatdossier
En déplacement à Belfort (Bourgogne-Franche-Comté) ce jeudi, le président de la République affirme vouloir «la renaissance du nucléaire français». Une cinquantaine de parcs éoliens en mer devraient également voir le jour.
par Damien Dole et AFP
publié le 10 février 2022 à 16h31

Une manière de s’insérer dans la campagne par l’un des thèmes les plus bouillants de ces dernières semaines. Emmanuel Macron a dévoilé ce jeudi après-midi son plan de relance du nucléaire civil et, plus globalement, sa stratégie énergétique pour la France, avec la construction de six réacteurs EPR et que soient lancées des études sur huit EPR additionnels. Macron a même parlé d’une «renaissance du nucléaire français». En «prolongeant tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être» et en construisant, donc, de nouveaux EPR.

Réacteurs «innovants»

Pour mener à bien ce projet, une direction «dédiée au nouveau nucléaire» sera créée au sein de l’Etat, a poursuivi Macron, précisant qu’«EDF construira et exploitera les nouveaux EPR». «Nous visons un début de chantier en 2028 pour une entrée en service du premier réacteur en 2035», a-t-il précisé. Ils seront complétés par de petits réacteurs modulables et des réacteurs «innovants» produisant moins de déchets, avec l’objectif de «25 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050».

«Parce que nous allons vers une électrification de toutes nos pratiques, nous aurons besoin de produit beaucoup plus d’électricité. Et la clé est d’avoir une stratégie plurielle : développer tout à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire», a affirmé Emmanuel Macron, fustigeant «l’impasse des stratégies uniques». Le chef de l’Etat a donc aussi annoncé la création d’une «cinquantaine de parcs éoliens en mer» pour 2050, soit 40 gW, en plus des 100 gW que devra atteindre le solaire (10 fois plus qu’aujourd’hui) d’ici 2030. Pour accompagner ces changements, France 2030 financera 1 milliard d’euros pour les énergies renouvelables. Le Président a toutefois noté les réticences des pêcheurs ou des défenseurs des paysages : «Nous verrons à ne pas concentrer les installations dans les mêmes territoires.»

EDF reprend la branche nucléaire de General Electric

Sur le même thème et au même endroit, Emmanuel Macron a également confirmé le rachat par EDF de la branche nucléaire de General Electric. «Ce que je voulais vraiment vous dire, à vous, c’est qu’on a décidé de faire des choix [le rachat par EDF, ndlr], car il existe une grande histoire industrielle ici, des femmes et hommes qui ont acquis ces compétences et les ont portées à bout de bras.» Devant des salariés de la boîte, le président de la République s’est montré positif : «C’était une période très difficile mais vous avez tenu. C’est un message de confiance que je vous porte. Vous avez la confiance de la Nation. Maintenant, en tout cas, c’est signé, vous intégrez EDF qui est un grand bien de la Nation.»

Il y a sept ans, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, avait piloté la vente de la branche énergie d’Alstom à GE en 2015, après avoir suivi le dossier de très près lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Elysée auprès de François Hollande. Son ancien conseiller industriel au ministère de l’Economie, Hugh Bailey, était même devenu le directeur général de GE France en 2019, créant ainsi la polémique. Un mois après cette nomination, était annoncée la suppression d’un millier de postes en France, dont 800 à Belfort.

«Je ne vais pas le nier, avec une certaine amertume, l’opération s’est faite. Ce qui est vrai, c’est qu’ensuite, ce qui avait présidé à ces choix d’Alstom, s’est plutôt confirmé : le secteur de l’énergie est rentré dans une crise», a tenté Emmanuel Macron. «Après avoir d’abord bradé Alstom, Macron rachète à GE les turbines nucléaires mais pas l’éolien offshore. Le nucléaire est un renoncement aux énergies alternatives. CQFD», a tweeté de son côté Jean-Luc Mélenchon.

Ces annonces à Belfort interviennent sur fond de réacteurs à l’arrêt et alors que le chef de l’Etat insistait il y a quelques années sur la réduction de la part du nucléaire dans l’approvisionnement du pays en énergie. Le déplacement du Président a lieu au moment où l’Hexagone déplore une hausse importante des prix de l’énergie, notamment le carburant et l’électricité, tandis que le pouvoir d’achat s’affiche comme la principale préoccupation des Français. Il intervient aussi en plein mouvement des «convois de la liberté» pour protester contre le pass vaccinal mais qui se veut aussi plus global avec des revendications concernant les inégalités économiques.

De Belfort également, le président du Syndicat des énergies renouvelables, Jean-Louis Bal, en a profité pour plaider le secteur qu’il représente. Selon lui, le développement des énergies renouvelables en France a besoin d’«une parole politique claire», alors que le pays est le seul de l’UE à avoir manqué ses récents objectifs de déploiement. Or, malgré la construction de nouveaux EPR, les renouvelables devront quand même fournir 64 % de l’électricité à horizon 2050, souligne le gestionnaire du réseau électrique RTE.

«Condamner la France à un siècle de nucléaire»

Mi-janvier, EDF avait annoncé un an de retard supplémentaire pour l’EPR de Flamanville (Manche), repoussé, à 2023 cette fois-ci, et que la facture du réacteur allait encore grimper. Le coût prévisionnel du fameux réacteur à eau pressurisée de 1 650 MW a été réévalué «de 12,4 milliards d’euros à 12,7 milliards d’euros», selon EDF. Mais de son côté, la Cour des comptes allait jusqu’à évaluer la facture finale à 19,1 milliards d’euros dans un rapport de juillet 2020.

Certains candidats – eux, déclarés – à la présidentielle prônent une sortie plus ou moins rapide de cette énergie, comme EE-LV ou LFI, tandis que d’autres (PCF, LR, extrême droite) sont favorables au fait de la conserver. «Macron a vendu Alstom Energie, fermé Fessenheim, sacrifié la recherche et Astrid, a énuméré Fabien Roussel ce jeudi. Quatre ans d’antinucléaire. Et il se réveille deux mois avant les élections…» Emmanuel Macron «est en train de condamner la France à un siècle de nucléaire», a en revanche fustigé ce jeudi à Montpellier le candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot. «On a un président de la République qui surinvestit sur le nucléaire, qui est un fiasco», a-t-il accusé, en pointant le surcoût de l’EPR de Flamanville. «Quand vous avez 17 milliards de surcoûts, la leçon, ce n’est pas d’arrêter, c’est d’en faire 6 ou 10.»

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