Demandez le programme ! Depuis des semaines, les écologistes ont l’œil rivé sur ce rendez-vous censé mettre leurs idées dans le débat, avec l’espoir de cristalliser l’électorat en février. Lors de l’élection présidentielle de 2017, le programme « écolo » était chez le voisin, le socialiste Benoît Hamon. Cette fois, Yannick Jadot tient la barre et ne veut pas la lâcher. Alors qu’il recueille seulement 5 à 7 % des intentions de vote, il détaillera, samedi 29 janvier à Lyon, ses solutions face « aux grands enjeux écologiques et à l’inflation », explique son entourage. Or il reste confronté à un défi de taille : gagner la bataille des idées et de la crédibilité.

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Car, c’est un paradoxe, l’urgence climatique commanderait que l’écologie soit en tête des préoccupations des Français, mais ses défenseurs ont du mal à susciter l’enthousiasme. « L’écologie politique réussit l’exploit de paniquer les esprits et de les faire bâiller d’ennui », affirme même le sociologue Bruno Latour, dans son Mémo sur la nouvelle classe écologique (1), encourageant les partis à donner de la consistance à leur cause par un travail idéologique.

Des groupes d’experts

« Nous ne sommes pas des poissons d’eau tiède. L’écologie politique, elle n’a qu’un seul candidat pour porter ses couleurs et un programme de rupture résolument écologique et social : Yannick Jadot », lançait pourtant le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts, Julien Bayou, dans des vœux début janvier afin de motiver les militants. Il est vrai que la campagne consensuelle du candidat écologiste a connu un lent démarrage. Mais ses partisans assurent que c’est en raison du temps qu’ils ont pris à peaufiner leur offre politique.

Au socle programmatique conçu pour les candidats à la primaire écologiste a succédé, depuis novembre, la fabrique du projet de Yannick Jadot proprement dit. Des représentants d’associations, d’ONG et du « pacte du pouvoir de vivre », alliance d’une soixantaine d’organisations qui travaille à la convergence des questions écologiques, sociales et démocratiques, ont été auditionnés. Et des groupes d’experts, constitués de hauts fonctionnaires et diplomates, mis en place dans le but de se préparer à gouverner.

Les cent premiers jours

Les écologistes afficheraient « des ambitions trop hautes », estime le politologue Daniel Boy. « On n’est plus des hippies… Une nouvelle génération exerce des responsabilités. Dans les villes, on n’est plus des adjoints. Et on se prépare non pas à être ministre de l’économie sociale et solidaire mais président de la République », se défend en souriant un cadre d’EELV.

« Il faut que Yannick Jadot soit prêt le jour de la passation de pouvoir et qu’il ait en tête toutes les étapes de son calendrier. La composition du gouvernement, les périmètres des ministères, les premiers décrets, le premier déplacement, la première séquence législative avec les grands projets de loi », explique Éva Sas, conseillère politique chargée d’anticiper les cent premiers jours du quinquennat. Pour cette étape présentée fin février s’activent aussi des parlementaires et d’anciens ministres, comme l’écologiste Delphine Batho et l’ex-socialiste François Lamy.

Les leçons des gilets jaunes

Les dossiers économiques et sociaux, dont « la réparation des services publics », ont été particulièrement travaillés, car les écologistes se savent attendus sur ces sujets. « On a tiré les leçons de la crise des gilets jaunes, on sait qu’il faut compenser socialement. Par exemple avec un chèque énergie plus important », poursuit Éva Sas.

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Autres dossiers sur lesquels Yannick Jadot veut convaincre ceux qui doutent de sa capacité à proposer un large panel de politiques publiques : les questions régaliennes et la dimension internationale. « Sur la politique étrangère, il a le courage d’affirmer ses valeurs, comme sur le génocide des Ouïghours, les migrants en Biélorussie et les ventes d’armes », explique Delphine Batho, l’une de ses porte-parole. Une gouvernance « verte » qui distingue ce pro-européen de son principal rival à gauche, l’« insoumis » Jean-Luc Mélenchon, avec lequel il se dispute non pas l’électorat populaire mais celui de la jeunesse.

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Les principales propositions du candidat écologiste

Sortir progressivement du nucléaire avec dix réacteurs fermés d’ici à 2035 ; augmenter le nombre d’éoliennes ; « renationaliser » EDF.

Instaurer un impôt sur la fortune « climatique » et un système de « bonus-malus » sur toute la fiscalité.

Mettre en place un « revenu citoyen » dès 18 ans et rétablir le compte pénibilité.

Transformer le ministère de l’intérieur en « ministère de la protection républicaine »; réorganiser la police et la gendarmerie par une loi de programmation ; rattacher les cultes au ministère de la justice et intégrer l’asile et l’immigration dans « un grand ministère des solidarités ».

(1) De Bruno Latour et Nikolaj Schultz, La Découverte, 96 pages, 14 €.