Face à un nouveau plus bas historique de production nucléaire attendu en mars, RTE reste vigilant
Le disponibilité du parc nucléaire diminuera encore en février-mars, mais les températures devraient rester suffisamment clémentes pour sécuriser l’approvisionnement en électricité, au moins dans les prochaines semaines, selon les prévisions de RTE.
Fin décembre 2021, le Réseau de transport d’électricité (RTE) avait tiré la sonnette d’alarme en se préparant à exploiter le système électrique en « situation dégradée » pendant le mois de janvier, notamment en raison d’une disponibilité historiquement faible du parc nucléaire, aggravée par la crise de l’énergie au niveau européen. Il n’en a finalement rien été, grâce à des conditions météorologiques clémentes, bien qu’en dessous des normales de saison. La faible production éolienne en janvier et l’arrêt de 9 à 13 réacteurs en février conduisent toutefois RTE dans son dernier rapport à maintenir son niveau de vigilance pour la fin de l’hiver, mais avec des prévisions météorologiques favorables sur la période.
En cas de températures de 4°C en dessous des normales, d’absence de vent ou de nouveaux arrêts de centrales nucléaires, l’opérateur se verrait contraint à des baisses de tension pour les industriels volontaires et les particuliers, voire à des coupures de courant localisées, d’une durée de deux heures maximum hors secteurs-clefs, comme les hôpitaux.
Les dernières prévisions météorologiques rendent néanmoins ce scénario « peu probable » dans les deux prochaines semaines, et peu crédible pour la fin du mois, même si l’hypothèse d’une vague de froid tardive, comme à l’hiver 2018, « ne peut être exclue à ce stade », souligne le rapport.
12 à 19 réacteurs nucléaires arrêtés en mars, mais peu de risques d’une vague de froid
La production des centrales nucléaires a été très faible en janvier, de l’ordre de 48 GW en moyenne, soit un niveau historiquement bas pour un parc disposant d’une capacité totale de 61,4 GW. Si la situation devrait légèrement s’améliorer début février, avec 50 GW disponibles, elle se tendra à nouveau au cours du mois, avec 46 à 49 GW dès la deuxième semaine, 38 à 46 GW fin février et même 25 à 43 GW à la mi-mars, selon les prévisions de l’opérateur, c’est-à-dire un nouveau plus bas historique. Huit réacteurs sont actuellement à l’arrêt à cause du programme de maintenance d’EDF (« le grand carénage »), retardé du fait du Covid-19, de rechargements de combustible ou de défauts de corrosion, comme pour les centrales de Chooz (Ardennes) et Civaux (Vienne). Trois d’entre eux devraient redémarrer avant la fin de l’hiver. Six autres réacteurs seront arrêtés en février et huit autres en mars.
RTE rappelle cependant que ces arrêts avaient été anticipés dans son rapport du 30 décembre. Quant à l’approvisionnement au mois de mars, où 12 à 19 réacteurs devraient être stoppés, l’opérateur semble confiant en soulignant que le risque de vague de froid « est théoriquement plus réduit » pendant cette période. Si d’autres arrêts devaient survenir, prévient-il néanmoins, « RTE pourrait être amené à revoir de manière anticipée ses prévisions ». Les contrôles effectués sur cinq réacteurs suite à la détection d’anomalies sur les circuits d’injection de secours auront en outre « des conséquences en matière de sécurité d’approvisionnement électrique au-delà de cet hiver », que RTE passera au crible dans de prochains rapports.
Outre le maintien en état d’un parc nucléaire vieillissant, l’approvisionnement électrique reste aussi tributaire de la météo, venteuse ou non, de l'hiver. « La production éolienne a été faible voire quasi nulle certains jours » de janvier, écrit RTE, ce qui s'est déjà vu en hiver mais oblige l’opérateur à surveiller de très près l’éolien, puisque sa part s’accroît au sein du mix électrique européen. Concernant le gaz, les stocks demeurent faibles mais « suffisants sous réserve d’une utilisation raisonnée ». La mise en service de la centrale de Landivisiau (Finistère), qui devait advenir le 15 février et éventuellement soulager un peu le réseau, a finalement été retardée au 21 mars, le temps de terminer la phase de test. « Elle était toutefois déjà déclarée indisponible pour l’essentiel de l’hiver », ajoute RTE.
Les imports, le charbon ou EcoWatt en guise de garde-fous
L’opérateur sait également qu’il peut compter sur plusieurs atouts pour doper l’approvisionnement électrique, à commencer par les importations, qui avaient atteint un niveau record à l’automne (entre 12 et 13 GW d’électricité) et se sont révélées à nouveau très utiles en janvier. « La France a importé de manière quasi-systématique » en cette période, en raison des températures froides ; « ce qui ne signifie pas, précise RTE en conférence de presse, qu’il n’y avait plus de marge disponible en France ». Il a par exemple pu être décidé de ne pas faire tourner des centrales à gaz afin de conserver les stocks et d’importer la quantité nécessaire, ou bien de se fournir pour moins cher à l’étranger. 3 à 4 GW d’import seulement ont ainsi été nécessaires en janvier, sur les 9 GW importés. Pour le mois de février, l’opérateur s’attend à de nouvelles importations.
Les centrales à charbon de Saint-Avold (Moselle) et Cordemais (Loire-Atlantique) servent elles aussi de garde-fous, alors que la première devait initialement fermer dès le 31 mars. Grâce au décret du ministère de la Transition écologique paru le 6 février, leur production maximale est passée de 700 heures par an à 1 000 heures autorisées en janvier-février, et 600 heures sur le reste de l’année. Au 2 février, les deux centrales en question avaient déjà fonctionné entre 390 et 470 heures. Le niveau des stocks hydrauliques reste par ailleurs « équivalent à la moyenne des années passées, malgré une forte sollicitation » en janvier, note RTE.
Avant d’en arriver aux mesures de délestage, l'opérateur peut enfin s’appuyer sur son site EcoWatt, qui classe la consommation électrique du pays en quatre couleurs et en appelle aux éco-gestes en cas de tensions sur le réseau. Le 26 janvier, celui-ci avait ainsi incité les habitants des régions Ile-de-France, Normandie, Bretagne, Pays-de-la-Loire et Centre-Val de Loire, à modérer leur consommation d’électricité.
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