Pendant des années, les défenseurs de l’environnement ont cru que le pétrole était condamné par le simple épuisement des gisements. C’est l’inverse qui pourrait bien se produire. Les entrailles de la terre renferment encore beaucoup de pétrole et l’offre abondante est toujours là. Mais un siècle et demi après la découverte des premiers gisements, la demande « d’or noir » va inexorablement décliner, sans doute à un rythme plus rapide que prévu.

L’impact majeur du Covid-19

Le plus étonnant est que cette prévision est faite par une des plus grandes compagnies pétrolière au monde, le britannique BP, dans sa nouvelle étude sur les perspectives énergétiques à l’horizon 2050, publiée lundi 14 septembre. Selon elle, le pic de la consommation de pétrole pourrait même avoir déjà été atteint. L’an dernier, elle avoisinait les 100 millions de barils par jour.

État d’urgence pour le pétrole de schiste américain

Depuis, la pandémie de Covid-19 a tout bouleversé, provoquant un effondrement des besoins pétroliers, avec la chute de l’activité économique et la mise en place de mesures de confinement. Sur l’ensemble de l’année, le recul de la demande d’or noir devrait ainsi être de 8,4 millions de barils par jour, selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publiée mardi 15 septembre.

Un changement des pratiques

Mais la crise sanitaire pourrait aussi modifier les habitudes de consommation, empêchant de revenir au « monde d’avant », estime le rapport de BP. « Les consommateurs pourraient conduire les changements, affirme-t-il, en estimant que même si la pandémie a beaucoup réduit les émissions carbone, le monde reste sur une voie insoutenable. »

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Les gouvernements devraient ainsi mener également des politiques encourageant le développement des énergies bas carbone. L’étude évoque la poussée de l’électrique pour les voitures et de l’hydrogène et des biocarburants pour les véhicules lourds. Des mesures radicales pourraient également être prises, note l’étude, avec en particulier un prix élevé donné au carbone qui atteindrait 175 à 250 dollars la tonne de CO2 en 2050. Cela entraînerait alors une division par trois, voire quatre, de la demande pétrolière.

Sans ces décisions drastiques limitant les émissions de CO2, insiste BP, on ne pourrait pas limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, voire 2 degrés d’ici à la fin du siècle. C’est un discours nouveau dans le secteur.

Les pétroliers révisent leur modèle

Toutes les compagnies pétrolières européennes sont ainsi en train de revoir à toute vitesse leurs prévisions. BP est la première à le faire et les autres, comme Shell et Total devraient suivre. À noter que les majors américaines et les sociétés étatiques réunies dans l’Opep (comme Aramco en Arabie saoudite) restent à l’écart du mouvement. Pour l’instant.

En 2018, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estimait encore que la demande de pétrole devrait continuer à jusqu’en 2040. Pour étayer sa démonstration, l’AIE mettait en avant l’accroissement des besoins dans les pays émergents ainsi que la consommation de plus en plus importante de pétrole dans l’industrie chimique.

Plus question d’envisager une hausse de la demande

Changement de ton aujourd’hui, du moins chez BP qui, dans ses nouvelles perspectives, estime que même si rien n’est fait pour accélérer la transition énergétique (l’hypothèse d’une poursuite du rythme actuel, sans mesures supplémentaires), le pic de la demande pourrait être atteint « au milieu des années 2020 ». Il resterait ensuite sur un plateau jusqu’en 2040, avant de refluer légèrement ensuite (95 millions de barils par jour en 2050).

L’an dernier, le groupe estimait encore, dans un de ses scénarios, que la demande de pétrole pourrait grimper de 30 % dans les vingt prochaines années.

Le virage vert de BP

Il s’agit pour lui d’un virage à 180 degrés. « Lademande de pétrole et de gaz sera de plus en plus remise en question », estime Bernard Looney, le directeur général de BP, qui a pris les commandes en février, dans le préambule du rapport. Mais la transition énergétique pourrait prendre du temps. « En 2030, BP sera encore un grand producteur d’hydrocarbures », rappelait Bernard Looney, dans un entretien au Financial Times, lundi 14 septembre, en expliquant « ne pas pouvoir couper le robinet du jour au lendemain ».

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Au cours des dix prochaines années, le groupe compte néanmoins réduire sa production de pétrole de 40 % et multiplier par dix ses investissements dans les renouvelables.

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L’appel des PDG à la réduction des émissions de CO2

Dans une lettre ouverte, plus de 150 entreprises et investisseurs mondiaux, dont EDF, Apple ou encore Google, ont exhorté le mardi 15 septembre les dirigeants européens à viser une réduction d’au moins 55 % des gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Cette initiative est menée par le European Corporate Leaders Group (CLG Europe), présenté comme « un groupe intersectoriel d’entreprises européennes œuvrant pour la neutralité climatique ».

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, doit dévoiler l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 lors de son discours sur l’état de l’Union, au Parlement européen, mercredi 16 septembre. Elle pourrait annoncer un objectif à – 55 %, alors qu’il est actuellement fixé à – 40 % par rapport au niveau de 1990.