« Nous sommes loin d’être parfaits », a commencé la voix au téléphone. L’homme voulait éviter tout malentendu. Ils ont eu des moments de doutes, des difficultés financières. Ils se sont parfois engueulés, aussi. Pour toutes ces raisons, et parce qu’ils ne sont pas non plus installés dans un hameau au milieu des chèvres mais dans l’une de ces villes où les commerces ferment, les trains ne s’arrêtent plus, et d’où les jeunes partent, rencontrer les habitants de La Convention, un ancien couvent en plein centre d’Auch, dans le Gers, avait du sens.
Douze familles, dont une douzaine d’enfants et trois architectes, occupent une ancienne bâtisse – six niveaux, deux grandes terrasses plein sud, la vue sur la basse ville – entièrement rénovée par leurs soins et avec un fonctionnement qui les classe parmi le petit millier d’habitats participatifs recensé en France. Une minorité, mais ces manières de loger autrement inspirent urbanistes et architectes, qui y voient un moyen d’économiser du bâti, de recycler des lieux, et de mutualiser biens et ressources.
Eux n’avaient pas conscience de tout cela au départ. Si certains groupes se forment avant de trouver un lieu, à Auch, c’est le lieu qui a fédéré. Frédéric et Sylvie Rouziès, un couple avec deux enfants, cherchaient une maison plus grande où chacun aurait sa chambre. Mais dans la région, quand c’est grand, c’est à vendre, et ils ne veulent pas devenir propriétaire. Ils songent à chercher avec un ami, père de trois enfants, jusqu’au jour où Sylvie s’agace plus que d’habitude : « Mais vous n’avez vraiment rien de plus grand ? » L’agent immobilier la prend au mot, il a « quelque chose de vraiment grand ».
« Il y a quelque chose à faire »
Des amis sont de passage ce week-end-là. Les voilà partis en simples curieux visiter ce lieu aux volumes incroyables dit-on. Le couvent accueillait des pénitents au XVIIe siècle. La chapelle est d’époque. Une école religieuse a pris le relais, puis la Bourse du travail et, enfin, un institut médico-éducatif, que le dédale d’escaliers a fini par déloger. Des promoteurs ont voulu le transformer en hôtel de luxe mais se sont cassé les dents sur le plan local d’urbanisme. Le bien, en vente depuis six ans, a perdu de sa valeur. « Trois cent mille euros, frais de notaire compris », annonce l’agent immobilier. « Il y a quelque chose à faire », glisse un ami architecte.
Les réunions s’enchaînent tous les dix jours, les mails s’accumulent, la fatigue aussi
Un an et demi s’écoule entre cette visite et la signature chez le notaire. Une première réunion se tient. Autour de la table, il y a Valérie Tachon, seule avec un enfant, qu’un projet collectif intéresse. Elle connaît Jean-Marc Jourdain, architecte, lequel confirme rapidement que c’est possible. L’idée fait son chemin, le cercle s’agrandit. Tous ne se connaissent pas. Sept d’entre eux finissent par commander une étude de faisabilité. Le lieu est d’un seul tenant, il faut le lotir, avoir une idée du partage des espaces, chiffrer les travaux communs.
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