Nucléaire : la cuve de l'EPR de Flamanville est-elle mal conçue ?

Dans son édition de mercredi 19 janvier 2022, Le Canard Enchaîné détaille le problème sur l'EPR de Taishan et le relie au chantier du Cotentin.

La cuve lors de son entrée, début 2014, dans le bâtiment réacteur du chantier EPR de Flamanville.
La cuve lors de son entrée, début 2014, dans le bâtiment réacteur du chantier EPR de Flamanville.
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« EDF a du mal à cuver son nucléaire ». Voilà le titre en tête de page 3 du Canard Enchaîné de ce mercredi 19 janvier 2022.

S’agit-il d’un nouvel article consécutif à l’annonce, il y a une semaine, d’un retard et d’un surcoût supplémentaires de 300 millions d’euros pour le chantier du futur réacteur EPR de Flamanville ? Non, il n’est pas question des opérations de reprises de soudures plus longues que prévu.

« L’énergéticien doit faire face à un redoutable casse-tête rencontré sur la cuve du réacteur, là où s’opère la fission nucléaire », annonce d’emblée le journaliste Hervé Liffran. Le souci a été débusqué à la suite d’un incident à l’autre bout du monde, en Chine. La centrale nucléaire de Taishan, avec le premier réacteur EPR en service dans le monde, a été mise à l’arrêt le 30 juillet 2021, après que des barres de combustible endommagées ont causé une accumulation de gaz rares radioactifs dans le circuit primaire du réacteur.

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La circulation de l’eau

En novembre, on apprenait qu’un défaut de conception de la cuve serait à l’origine du problème. C’est un lanceur d’alerte travaillant dans l’industrie nucléaire qui en a informé, sous couvert d’anonymat, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), qui a à son tour alerté l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) par courrier. Et l’arrêt de la centrale a été ordonné « en raison de la présence de nombreux et dangereux débris dans l’eau du circuit primaire baignant le cœur du réacteur ».

Quel rapport avec Flamanville ? Les deux EPR, ainsi que celui d’Olkiluoto en Finlande, sont construits sur le même modèle. Selon Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) interrogée par Le Canard Enchaîné, « l’EPR a un problème de conception de sa cuve » :

La circulation de l'eau sous haute pression (à plus de 300 °C) ne s'y passe pas comme prévu et entraîne des vibrations qui usent précocement les assemblages de combustible.

Précision : la cuve du réacteur EPR n’est pas conçue comme les cuves précédentes, et l’eau ne suit pas les mouvements de flux observés sur les réacteurs classiques. Les ingénieurs d’EDF ont donc fait installer dans chaque fond de cuve une pièce de métal (déflecteur) pour réorienter l’eau correctement. Mais ce serait insuffisant.

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Retour d’expérience

Interrogé ce mercredi à ce sujet, le directeur général adjoint de l’Autorité de sûreté nucléaire, Julien Collet, a répondu : « L’ASN a demandé à EDF de prendre en compte le retour d’expérience de cet événement à l’EPR Taishan 1 en amont de la mise en service du réacteur EPR de Flamanville. EDF devra soit démontrer que l’EPR de Flamanville n’est pas concerné, soit proposer des dispositions pour prévenir la dégradation du combustible. »

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EDF travaille actuellement en lien avec l'exploitant de Taishan (TNPJVC) et Framatome à l'interprétation des résultats des contrôles sur le combustible déchargé du réacteur de Taishan 1. Ces analyses visent à identifier les phénomènes ayant conduit à la rupture des gaines de combustible et à déterminer si les autres réacteurs EPR sont concernés. 

Quelles solutions ?

La solution la plus logique serait donc de changer ce déflecteur « avec à la clé un travail de mise au point aussi complexe que ruineux, note l’hebdomadaire. Et personne n’est sûr, vu l’étroitesse de la place disponible dans une cuve d’EPR, que cette réparation soit techniquement envisageable ».

L’autre solution envisagée serait donc de « renforcer les assemblages de combustible, renforcer les grilles de protection pour que les lames résistent aux écoulements », a évoqué Julien Collet.

EDF nous présentera son plan en février, on pourra alors voir si leurs propositions peuvent régler le problème.

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Autre possibilité évoquée en fin d’article : « Pour limiter les coups de boutoir de l’eau, il s’agirait de faire tourner l’EPR à seulement 60 % de sa puissance, Flamanville passerait alors d’une capacité de 1 650 mégawatts à moins de 1 000 et se retrouverait, pour une facture record de 13 milliards d’euros, moins performante que les réacteurs construits il y a 50 ans… »

Contacté, le service communication d’EDF Flamanville « ne souhaite pas commenter cet article ».

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