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Emmanuel Macron a annoncé le 9 novembre vouloir lancer de nouveaux réacteurs nucléaires en France. Quelques jours auparavant, le directeur exécutif en charge de la direction ingénierie et des projets nouveau nucléaire d’EDF, Xavier Ursat, revenait pour L’Usine Nouvelle sur l’avancée des projets EPR2 et SMR, les calendriers et les coûts prévus.
L'Usine Nouvelle - La France va construire de nouveaux réacteurs nucléaires. De quoi parle-t-on exactement ?
Xavier Ursat - A partir d'une demande politique exprimée en 2018, EDF a travaillé sur une proposition de construction de trois paires de réacteurs de type EPR en France, avec une première paire sur le site de Penly en Normandie, une deuxième sur le site de Gravelines près de Dunkerque, et la troisième dans un site en Rhône-Alpes, soit à Bugey (Ain), en amont de Lyon, soit à Tricastin (Drôme). Le choix de ces sites, tous des sites nucléaires existants, reste à confirmer par le pouvoir politique. Mais nous sommes prêts à lancer la construction de ces réacteurs, grâce au travail réalisé depuis plusieurs années avec Framatome et les autres entreprises de la filière, dans le cadre du plan excell.
Quel est le calendrier envisagé ?
Nous sommes à un niveau d'études techniques très avancé sur le modèle que l'on appelle l'EPR 2, qui est au même niveau de sûreté que l'EPR et utilise les mêmes composants. Nous avons tout fait pour que l'EPR 2 ne soit pas une tête de série. Mais nous avons intégré tous les retours d'expérience des EPR précédents, en standardisant le plus possible le modèle, y compris en s’appuyant sur les fournisseurs, pour faciliter la construction et réduire les coûts. Nous devons poursuivre ce travail technique et continuer d’embarquer la filière en préparant les appels d'offres. Des projets de cette taille nécessitent également de consulter les citoyens, au travers de la Commission nationale du débat public. Il faut compter six à huit mois de préparation des dossiers entre la saisie et le début des débats. Un troisième train d'actions, très important, concerne le financement, la régulation et les autorisations européennes. Nous sommes en discussion depuis plusieurs mois avec les différentes administrations, notamment celles du ministère de l'Économie et des Finances pour définir le financement le plus adapté, qui impliquerait probablement à la fois l'État et EDF. Plusieurs options sont en cours d'étude, il faudra choisir la plus adaptée. Il faudra aussi une régulation car, pour définir un financement, il faut savoir à quel prix l'électricité produite sera vendue. Sur l'EPR 2, nous avons atteint les cibles de coût de production au mégawattheure que nous nous étions fixées dans la proposition remise aux pouvoirs publics [soit 65 euros par MWh, ndlr].
Combien vont coûter ces EPR2 ?
Les hypothèses que RTE a prise pour son rapport Futurs énergétiques 2050 [environ 9 milliards d'euros par réacteur, ndlr] intègrent des contributions d’EDF et d’autres acteurs du secteur. Mais dans le nucléaire, l'organisation du financement est importante. Pour passer du coût brut en investissement initial au coût de production en mégawattheures, la question du taux de financement est clé. De plus, le coût retenu par RTE est moyenné. Si nous avons proposé au gouvernement de construire six EPR par paires, c'est pour avoir un effet industriel significatif. La construction par paire sur un même site permet de faire travailler les mêmes entreprises sur les deux chantiers, jusqu'à 20 à 30% plus vite et moins cher sur la deuxième tranche, dont la construction est décalée d'un an avec la première. C'est ce que l'on constate à Hinkley Point au Royaume-Uni. De plus, à partir du quatrième ou cinquième réacteur construit, on commence à produire suffisamment de composants pour avoir un effet de série dans la filière, comme celui que nous avons eu en France dans les années 1980 et aux États-Unis dans les années 1970.
À quelle date les EPR2 entreront-ils en service ?
Dans le planning proposé, la mise en service du premier réacteur interviendrait en 2035. Le sixième réacteur serait mis en service en 2042. Cinq à six ans sont nécessaires avant de couler le "premier béton" du premier réacteur, correspondant au démarrage du cœur du chantier nucléaire, qui durerait huit ans. Cinq à six ans pendant lesquels les procédures administratives, la fabrication d'équipements et la préparation du site se poursuivent en parallèle. Pour l'instant, nous proposons un intervalle de trois à quatre ans entre chaque paire, mais nous pourrions réduire ce délai, du fait de l’effet d’entraînement du premier chantier.
D'ici là, aurez-vous levé toutes les incertitudes industrielles ?
Nous avons déjà bien avancé sur la conception. Le "basic design" du modèle EPR2 est terminé et le référentiel de sûreté est aujourd’hui stabilisé et partagé avec l’ASN. Maintenant, nous entrons dans la phase de "detailed design", où l'on fait les plans détaillés. Nous souhaitons, au moment où nous commencerons le chantier, avoir fini 70 ou 75% de ces études. Nous n'étions qu’à 25% lorsque nous avons commencé Flamanville. Il est très important de consacrer les années de préparation du premier site et de procédures administratives à avancer le plus possible tous les plans d'exécution. Ce sont les mêmes plans que nous utiliserions pour les bâtiments réacteur, secondaire et auxiliaires de tous les EPR2 qui seraient construits en France. Certes, en fonction du site, les fondations, qui dépendent du type de terrain, les prises d'eau et tous les circuits annexes pour transporter les différents fluides devront être adaptés. Mais les 24 générateurs de vapeur, les six cuves et les six turbines seront identiques.
Seront-ils tous made in France ?
Depuis un an, nous partageons avec le Gifen, le syndicat professionnel des industriels français du nucléaire créé il y a trois ans, les prévisions de plan de charge d'EDF, mais aussi ceux du CEA et d'Orano. Le tissu industriel est prêt à faire face à la construction de ces six EPR.
Où est en le projet de SMR français ?
Aujourd'hui, l'avant-projet sommaire ("conceptual design") de Nuward est terminé. Le design général du réacteur est posé et nous avons vérifié que les principales innovations technologiques envisagées sont accessibles. Nous avons fait le choix d'un design susceptible d’être mené assez vite à maturité. Nuward serait construit par paire avec une turbine [commune, ndlr] dans une centrale de 340 mégawatts, pour viser le marché, considérable, du remplacement dans les décennies 2030 et 2040 des centrales à base de fossiles (fioul, charbon, voire gaz) dans les pays qui voudront accélérer leur décarbonation. L'idée est de garder le même site, le même réseau électrique, le même accès à une rivière ou à la mer - indispensable pour le refroidissement d’une chaudière nucléaire - pour y "plugger" facilement notre SMR.
Est-ce que vous serez vraiment prêts en 2030 ?
Pour être prêts pour le marché international, nous estimons important de lancer d’ici à la fin de la décennie un premier chantier en France. Là encore, c'est au pouvoir politique de décider.
Ce pourrait être sur le site de la centrale à charbon de Cordemais?
C’est en tout cas l'esprit de ce que nous voulons faire à l'international.
Pourquoi EDF cherche-t-il à faire de Nuward un projet européen ?
Beaucoup de pays scandinaves et d'Europe de l'Est sont intéressés par la démarche SMR. La Commission européenne aussi. Faire de Nuward un projet européen permettrait de faire accepter ses grandes options de sûreté dans plusieurs pays européens, à l'identique. C’est indispensable pour être compétitif : si l’on peut intégrer les modifications demandées par l’autorité de sûreté d’un pays sur un objet de la taille de l'EPR, cela ne serait pas économiquement rentable sur un SMR.
On a parlé d'une collaboration avec Westinghouse, pour quoi faire ?
A ce stade, tout le travail se fait entre entreprises françaises, EDF, le CEA, TechnicAtome, Naval Group, ainsi que Framatome, qui est aujourd’hui désormais également contributeur de Nuward.
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