C'est tout l'enjeu des prochaines décennies. L'essor des énergies renouvelables, notamment du photovoltaïque, de l'éolien et de l'hydraulique, sera-t-il assez rapide pour pouvoir décarboner la production d'électricité, dont la demande est vouée à augmenter ?
La question agite les décideurs, la Commission européenne proposant, dans son plan Climat, de porter la part du mix énergétique de l'UE constituée d'énergies renouvelables à 40 % en 2030, contre un objectif actuel de 32%. Car rien ne sert d'électrifier massivement les procédés pour éviter de recourir aux combustibles fossiles, si cette électricité est elle-même issue de centrales à charbon ou au gaz.
C'est pourtant le cas aujourd'hui : la demande mondiale de courant, qui devrait croître cette année de près de 5% par rapport à l'an dernier du fait de la reprise économique, connaît un rebond bien plus rapide que la croissance des énergies renouvelables pour produire cette électricité, a alerté ce jeudi l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Résultat : près de la moitié de la hausse sera comblée par des combustibles fossiles, et les émissions de gaz à effet de serre associées devraient grimper de 3,5% cette année, et de 2,5% en 2022 - aboutissant à un niveau record.
D'autant que les pays qui tirent l'essentiel de cette demande ne sont pas toujours les plus vertueux en la matière, et se pourvoient en grande partie grâce à l'industrie du charbon : la Chine arrive en tête, suivie de l'Inde, qui représente 9% de la croissance mondiale.
Pas assez pour atteindre zéro émission nette en 2050
Pourtant, les efforts ne manquent pas : la capacité de production d'énergie de sources renouvelables dans le monde a augmenté de presque 280 GigaWatts (GW) en 2020, soit 45 % de plus qu'en 2019 - grâce au solaire photovoltaïque (48 %), à l'éolien (41%) puis à l'hydroélectrique (7 %). Et sa part dans le mix énergétique du globe devrait grossir fortement, de quelque 8% en 2021 - un point de plus de croissance qu'en 2020 -, et de 6% en 2022, estime l'AIE sur la base des grandes tendances économiques et des mesures nationales connues. Mais ce n'est « pas assez encore pour nous placer sur la voie du zéro émission nette au milieu du siècle », regrette Keisuke Sadamori, directeur Marchés et sécurité énergétique à l'AIE.
Dans les détails, le renouvelable ne devrait couvrir qu'une moitié de la demande supplémentaire annoncée, contre environ 45% pour les combustibles fossiles, fortement émetteurs (40% en 2022). Le reste viendra de l'énergie nucléaire - peu émettrice de gaz à effet de serre mais non renouvelable -, dont la part augmentera d'environ 1% en 2021 et de 2% l'année suivante. De quoi conforter les partisans de l'atome, qui défendent le recours au nucléaire dans un monde encore largement carboné.
La production issue du charbon doit baisser de 6% par an
Reste que le recours massif au renouvelable sera nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, estime l'AIE.
« Pour passer sur une trajectoire durable, nous devons relever massivement les investissements dans les technologies propres, en particulier les renouvelables et l'efficacité énergétique », souligne Keisuke Sadamori.
Dans son scénario zéro émission nette en 2050, l'agence s'attaque d'abord au secteur électrique, le plus simple à décarboner. Près de trois quarts des réductions d'émissions entre 2020 et 2025 devraient ainsi avoir lieu dans le secteur de l'électricité, où les émissions devraient diminuer de 4,4% par an en moyenne. « Il est de plus en plus important pour les systèmes électriques de devenir plus flexibles pour compléter la production à partir d'énergies renouvelables variables comme l'éolien et le solaire photovoltaïque », notent les auteurs du rapport.
Surtout, cela signifie que la production issue du charbon, combustible le plus réchauffant de tous, doit baisser de plus de 6% par an en 2020-25. Ce n'est pourtant pas la voie dans laquelle le monde semble s'engager : sa production devrait croître de 5% cette année et de 3% en 2022, estime l'Agence. Car si l'UE, par exemple, a largement réduit l'utilisation de ce combustible fortement émetteur, dont la part dans la production d'électricité n'atteignait plus que 12 % en mai dernier, elle était beaucoup plus importante en Chine et en Inde (respectivement 61 % et 71 %) - où les projets de nouvelles centrales continuent de se multiplier.
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