Il est 9 h 30 à Créteil Soleil en ce vendredi du mois de mai. Et déjà un groupe de jeunes attend devant le magasin Nike. « C’est comme ça tous les matins », assure un agent de sécurité posté dans l’allée centrale du centre commercial du Val-de-Marne. Peu avant l’ouverture de ce petit temple à la gloire de la marque américaine de sport, il faudra les canaliser. L’un d’eux assure être un « collectionneur ». Il est venu pour un « drop », mode de lancement au compte-gouttes dont Nike abuse. Il déboursera probablement 110 euros pour une paire de Dunk Low, « réédition d’un modèle rétro ». Le premier arrivé « sera le premier servi », rappelle celui qui dit n’avoir « rien » changé de sa consommation depuis le début de la pandémie parce qu’il « faut bien vivre, après le Covid ».
Deux cents mètres plus loin, à l’intérieur de ce centre commercial de 170 enseignes (et 50 restaurants), créé en 1974 en plein avènement de la société de consommation, et rénové à grands frais en 2019, s’est formée une autre file d’attente. Ce sont des femmes, surtout. Une vingtaine. Toutes attendent l’ouverture des portes du magasin Primark, prévue à 10 heures. Bientôt elles seront trente, puis plus de soixante. L’une d’elles trépigne. « Il est 10 heures 2 minutes », s’agace-t-elle, alors que le rideau de sécurité crisse « enfin ». Toutes s’engouffrent dans le magasin, en croisant une dizaine de femmes de ménage qui viennent d’en achever le nettoyage. « Mieux vaut venir dès l’ouverture. Après, il y a trop de monde. C’est la pagaille. Impossible de trouver sa taille », expliquent deux amies, Sandra Moussaoui et Graziella Guglielmi. Ces deux mères de famille sont venues, « après avoir déposé les enfants à l’école », précisément pour les habiller parce que « Primark, c’est pas cher, mignon et d’une qualité correcte ». Et « chaque semaine », elles viennent de Vitry-sur-Seine et d’Orly, en voiture, et se laissent « tenter, c’est obligé, vu que c’est pas cher ».
« Petite musique dangereuse »
L’enseigne irlandaise d’habillement vend des vêtements pour hommes, femmes et enfants, et aussi plein de babioles en plastique, des chouchous, des chaussures, des draps, des plaids ou des faux ongles pour quelques euros. C’est cadeau. Arrivée en France en 2013, la marque (380 magasins dans le monde) a rencontré le succès dans toutes les villes françaises où elle s’est installée. Tout comme, en ligne, le site chinois Shein, coqueluche des jeunes Français en mal de sapes. Les deux acteurs sont souvent pointés du doigt pour dénoncer l’impact du secteur sur l’environnement. Car la mode serait la troisième industrie la plus polluante au monde, derrière l’énergie et l’agroalimentaire. Le secteur est responsable de 10 % des émissions mondiales de CO2. Il représente 4 % du prélèvement mondial d’eau douce. Et, en fin de vie, 80 % des vêtements sont abandonnés dans des décharges, des dépôts illégaux ou sont incinérés.
Il vous reste 58.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.