Dans le langage courant, la taxonomie est la science de la classification. Dans le jargon bruxellois, c’est le nom d’une série de textes qui visent à définir minutieusement quelles activités économiques peuvent être considérées comme durables ou non. Le but : orienter les investissements vers ces secteurs.

► Comment l’Union européenne définit les « activités durables » ?

Pour être considérée comme durable, une activité doit apporter une « contribution substantielle » à au moins l’un des six objectifs suivants : atténuation du changement climatique ; adaptation ; utilisation durable et protection des ressources hydrologiques et marines ; transition vers une économie circulaire ; contrôle de la pollution ; protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Autre condition de taille : l’activité ne doit pas « causer de préjudice significatif » à un autre de ces objectifs.

► Quelle forme prend la taxonomie ?

Tout l’exercice de la taxonomie consiste à détailler les objectifs ci-dessus, secteur par secteur. Dans la section consacrée au transport routier, par exemple, sont précisés entre autres les types de véhicules considérés comme « contribuant à l’atténuation du changement climatique ». Dans le domaine des barrages hydrauliques, la Commission fixe à la fois des taux de production minimum (pour que l’infrastructure vaille le coût environnemental), mais aussi les conditions à remplir pour limiter les risques sur la biodiversité.

En ressort un document hautement technique, riche de plusieurs centaines de pages d’annexes. L’essentiel du texte a été acté en juillet 2021, mais d’autres actes complémentaires sont attendus sur la question du nucléaire et du gaz, qui ont pour l’heure été laissés de côté.

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Le texte inclut aussi deux autres types d’activités. D’abord, celles dites de transition, pour lesquelles il n’existe pas encore de solutions de remplacement présentant de faibles émissions de gaz à effet de serre et qui présentent les meilleures performances environnementales du secteur. Ensuite, celles dites « habilitantes », qui aident d’autres secteurs à se verdir.

► Quel est le but ?

Le but est de fluidifier et d’accélérer l’investissement dans la transition écologique. Or pour l’heure, il n’existe pas de définition légale d’un produit « vert » au niveau européen. Un placement dans le nucléaire peut être considéré comme responsable par une banque française, mais pas par un gestionnaire d’actifs allemand, par exemple. La première visée était donc d’harmoniser les règles européennes.

Plus largement, Bruxelles souhaite apporter de la lisibilité dans le secteur, parfois peu transparent, de l’investissement durable. La Commission affiche dans le texte sa volonté de limiter le risque de greenwashing (éco-blanchiment), terme employé lorsqu’une entreprise présente comme vertueuses des activités neutres voire néfastes pour l’environnement.

Dès 2022, une partie des entreprises et les investisseurs soumis aux obligations de publications de leurs résultats devront d’ailleurs publier le pourcentage de leurs activités ou de leurs produits financiers compatibles avec la taxonomie européenne.

Autre intérêt : « D’autres textes reposeront sur cette taxonomie dans le futur, explique Julie Evain, chercheuse pour l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). L’une des hypothèses est que l’Union européenne ou des États membres pourraient un jour s’appuyer sur ces critères pour orienter des financements directs ou des incitations financières. »

► Pourquoi le sort du gaz et du nucléaire font-ils l’objet de débats ?

Un premier volet du texte a déjà été adopté au premier semestre. Mais la Commission européenne devrait prochainement arbitrer la question la plus sensible : l’inclusion ou non du nucléaire et du gaz à cette taxonomie, poussée par certains pays.

La France – dont l’électricité est aux trois quarts produite par l’énergie nucléaire – bataille pour inclure cette énergie bas carbone dans la taxonomie. Cette proposition suscite une levée de boucliers de plusieurs pays, dont l’Allemagne, au motif que la question des déchets rend le nucléaire incompatible avec le principe selon lequel l’activité ne doit pas « causer de préjudice significatif » à l’environnement. L’Allemagne et plusieurs pays d’Europe de l’Est et centrale poussent de leur côté pour inclure le gaz naturel comme une énergie de transition, arguant qu’elle peut remplacer les centrales à charbon.